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|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
787
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institut présaje
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2017-11-01
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[
"michel rouger"
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EDITO
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# Edito L’EUROPE a vécu, avec ses Rois, de nombreuses morts marquées par les prières au défunt et les Viva destinés au suivant. C’est ainsi depuis CHARLEMAGNE et le découpage de l’Europe carolingienne entre ses trois fils. Un bon millénaire plus tard, PRESAJE, ouvre le dossier de l’EUROPE de demain qui va dominer tous les autres, en dessinant le futur du Droit, de la Justice et de l’Economie, donc de la vie de nos sociétés humaines. Pour être clair, il faut séparer l’actuelle Europe des Institutions, née de l’Europe des traités, l’une et l’autre mortelles, des deux Europe immortelles, L’Europe géographique : La Germanique et la Latine séparées par le Rhin et le Danube. L’Europe historique, façonnée par les siècles de conflits religieux entre le catholicisme et le protestantisme, avant que ses monstres idéologiques et totalitaires ne ravagent le 20ème siècle. Ces 2 Europe ont connu, à la fin de la dernière boucherie collective, une mutation qui a permis l’élaboration, par la diplomatie, de l’Europe des traités, lesquels ont installé l’Europe des Institutions qui devait obtenir l’adhésion démocratique des 28 peuples concernés. C’est raté, chez les français depuis 2005, sans sortie forcée, chez les Britanniques, depuis 2016, avec sortie en cours de discussion. Cet échec, patent, est il réversible grâce à un sursaut commun de la France, de l’Allemagne et de leurs dirigeants, au cours des 4 années qui verront l’adhésion ou l’hostilité des peuples à l’Europe des Institutions, exprimées par les élections de 2020. Le risque de l’échec final est réel, mais rien n’est perdu, selon la prise de conscience des futures conséquences. Pour vous aider à le comprendre je mets deux grands traités Européens en parallèle.
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787
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institut présaje
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2017-11-01
| 0
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[
"michel rouger"
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EDITO
| 2
| 1
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Le congrès de Vienne en 1815 et le traité de Versailles, en 1919. Le premier, générateur d’adhésions, nous a laissés en paix, France et Allemagne, pendant 50 ans. Le second nous a valu la grande boucherie du 20ème siècle. En l’état, l’Europe des Institutions étant gravement malade, faute d’avoir su créer l’adhésion des peuples, celle des traités préventifs est elle morte ? La réponse est OUI. Ces réflexions doivent expliquer pourquoi et comment deux Europe institutionnelles devraient se succéder, d’ici 4 ans, celle des adhésions, remplaçant celle des traités. En passant, vite, au-delà des divergences qui opposent les deux grands peuples des 2 Europe immortelles. Le Germanique et le Latin, issus de la géographie et de l’histoire, rassemblés, séparément, dans la République Fédérale d’Allemagne et la République Française. Le chantier est plus que problématique. Le niveau de déséquilibre atteint entre la puissance des 2 principaux pays de l’Europe géographique est générateur des pires aventures pour l’avenir. Elles se dessinent déjà de chaque coté du Rhin et du Danube. Cette situation mérite autant de réflexions sur le passé que de propositions pour l’avenir.
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788
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institut présaje
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2017-11-01
| 4
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[
"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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# Le droit et le juge européen
Un droit et un juge européen nécessitent une Europe structurée autour d’institutions fortes et des répartitions clairement définies avec ses états membres. Une fois cela mis en place la grande question qui reste est à quoi sert ce juge européen et ce droit européen, et s’il y a lieu de les réformer ?
Pour qu’il y ait un droit et un juge européen, il faut une « Europe ».
Une telle Europe doit avoir la possibilité de mettre en place au moins une institution délibérative susceptible de créer ce droit européen, et une institution judiciaire mettant en place des juridictions dont le propre est qu’elle doit statuer sur tout le territoire européen et que leurs jugements ou arrêts y soient exécutés.
Or, c’est ce système qui a été mis en place dès 1950 dans le premier traité européen qui était le traité CECA (la Communauté Européenne pour le Charbon et l’Acier).
Dès ce moment Jean MONNET avait imaginé un schéma qui parait encore aujourd’hui indépassable, dès lors qu’on souhaite avoir un droit et un juge européens.
Les six Etats qui ont décidé de fonder la CECA, étant tous souverains ont mis en place le système suivant :
- Le pouvoir d’édicter des normes appartient aux Etats, d’où la création du Conseil des Ministres au sein duquel se réunissent les Ministres des différents Etats toutes les semaines ou tous les quinze jours, en tout cas périodiquement, à Bruxelles.
- La Haute Autorité qui incarne l’intérêt général, dispose à cet effet du pouvoir d’initiative – mais pas de celui de décision – et à laquelle est confiée le soin de veiller à l’application des décisions ainsi prises. Elle deviendra la Commission en 1965.
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institut présaje
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2017-11-01
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"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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- Et une Cour de justice qui, aux termes de l’Art.19 du Traité Union Européenne, « assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Elle est donc juge de la conformité des droits nationaux au Traité, des conflits entre Etats membres, ce qui relève du Juge constitutionnel ; également en charge de veiller à l’unification de ce droit, ce qui relève du juge de cassation, outre le fait de régler un certain nombre de litiges directs, soit entre les organes de cette Communauté et des entreprises ou des personnes physiques, soit opposant les personnes travaillant au sein d’une institution à celle-ci.
En ce qui concerne ce juge communautaire, cela a très bien fonctionné et l’institution s’est adaptée au développement de l’intégration européenne et aux nouvelles compétences.
Aujourd’hui, ce juge européen relève de « l’institution Cour de justice » qui représente environ 2 000 personnes – dont la quasi-moitié est représentée par les traducteurs et interprètes – et est divisée en trois tribunaux ou cour :
- Au sommet : la Cour de justice aujourd’hui « juge constitutionnel » et « juge de cassation » essentiellement, qui a également gardé une grande compétence en ce qui concerne les questions préjudicielles que les juges nationaux peuvent poser à la Cour de Luxembourg lorsqu’une question de validité d’un texte communautaire dérivé peut se poser, ou lorsque se posent des questions liées à l’interprétation desdits textes.
- Le Tribunal en charge des règlements des litiges directs résultant notamment de l’ensemble des décisions prises par la Commission en exécution du droit de l’Union.
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institut présaje
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2017-11-01
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[
"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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- Et, enfin, le Tribunal de la fonction publique qui est compétent pour juger les conflits entre les institutions et leur personnel. Bref, ce juge et ce droit existent à ce jour et constituent probablement un des aspects de la construction européenne les moins contestés. Elle a joué un rôle considérable en adoptant la méthode d’interprétation téléologique, c’est-à-dire de finalité. C’est ainsi qu’elle a rendu les célèbres arrêts VAN GEND&LOOS et COSTA c/E.N.E.L. au début des années 1960 qui ont fondé les deux piliers de l’actuelle Union : la primauté du droit communautaire sur celui des Etats membres et l’effet direct, c’est-à-dire la possibilité pour chaque citoyen de l’Union de revendiquer, devant son juge national, la protection issue du droit de l’Union. Bien qu’à écouter ou lire les interventions des partisans du hard Brexit, la Cour de justice serait également en ligne de mire de ceux qui contestent la construction européenne telle qu’elle existe. Certes, ce n’est pas dans le cadre de cet article, qu’il y a lieu de discuter de la pertinence ou non de ceux qui critiquent la construction européenne, rappelons cependant que si la critique est fondée en ce qui concerne le fonctionnement de l’union depuis 20/25 ans, il ne faut pas faire de confusion entre les hommes qui ont assuré ce fonctionnement, et l’ont mal assuré, et les institutions elles-mêmes. Ainsi, ce n’est pas parce que la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat rendrait un jour un mauvais arrêt que l’institution est condamnable et qu’il faudrait la changer. Néanmoins, il n’est pas interdit de poser la question de savoir à quoi sert ce juge européen et ce droit européen, et s’il y a lieu de les réformer.
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institut présaje
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2017-11-01
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[
"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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En ce qui concerne tout d’abord le droit européen, celui-ci est constitué de nombreux traités, du traité CECA au traité de Lisbonne, de l’ensemble du droit dérivé : règlements, directives, décisions, et des enseignements de la jurisprudence de la Cour de justice. Les critiques contre ce droit sont les mêmes que les critiques en matière de droit interne : trop touffu, trop complexe, bref relativement inaccessible à la grande majorité des citoyens avec, de surcroît, un handicap supplémentaire qui est l’éloignement à la fois géographique et linguistique. Pour essayer d’y remédier, ce sont les Etats membres qui sont toujours à la manoeuvre car, même si aujourd’hui le Parlement Européen a une certaine compétence « législative » du fait de la codécision avec le Conseil des ministres, c’est toujours celui-ci qui a le dernier mot. Donc, si ce droit européen apparait à beaucoup de nos concitoyens comme abscons et inadapté, c’est en premier lieu de la responsabilité des différents gouvernements de chacun des Etats membres. En ce qui concerne le Juge, dès lors que le droit européen est instauré, son existence est automatique. Ou alors, il faudrait accepter que le droit européen, si l’on prend l’exemple de la monnaie unique et à tout le corpus juridique qui la sous-tend, pourrait donner lieu à 19 interprétations, c’est-à-dire à autant d’interprétations que d’Etats membres de la Zone Euro… Ce serait la fin de l’Euro. Car, il est évident que les interprétations seraient très rapidement différentes et on assisterait exactement à ce qui s’est passé en Europe il y a deux siècles : une grande majorité des Etats Européens – hormis les Iles Anglo-Normandes – ont adopté le code civil ; mais à peine une génération plus tard, les droits nationaux ont montré des différences notables dans l’application de ce code civil et surtout son interprétation.
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institut présaje
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2017-11-01
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[
"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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Partant, l’existence d’un droit européen exige d’en assurer l’unité d’application et d’interprétation, et oblige à veiller à ce que la structure des pouvoirs mise en place pour créer le droit européen soit respectée. Donc, il faut un juge à la fois constitutionnel, ou plutôt institutionnel en matière européenne, et de cassation ; ce qui sur le plan européen présente une originalité certaine, puisqu’il est également le juge qui veille à l’unité du droit par le jeu des questions préjudicielles posées par chacun des magistrats nationaux. Bref, ce juge européen joue indiscutablement un rôle considérable, notamment en prenant appui sur le droit au juge dont dispose chaque citoyen européen, c’est-à-dire l’absence de déni de justice, ce qui lui a permis de se transformer à plusieurs reprises en législateur d’appoint jouant un rôle non seulement de juge au sens français du terme, mais presque à l’égal du prêteur romain. En clair, il existe un vrai pouvoir judiciaire au sein de l’Union Européenne à la différence de l’autorité judiciaire française. Enfin, quant à l’importance et l’utilité de ce droit et de ce juge européens, il suffit de prendre un exemple qui, depuis quelques semaines défraye la chronique, celui d’Airbus, en précisant d’entrée de jeu que cet exemple ne fait que suivre ceux d’Alcatel, de Technip, d’Alstom, etc… De quoi les entreprises européennes ont-elles le plus peur aujourd’hui ? Surement pas du juge européen ! Mais bien plus de ce qui est souvent qualifié de risque atomique : la crainte d’être confronté au droit et au juge américains. (Le Monde du vendredi 13.10.2017).
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institut présaje
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2017-11-01
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[
"jean-pierre spitzer"
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LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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Or, les Etats-Unis ont, depuis une quinzaine d’années, une conception totalement impérialiste, puisque le droit américain s’applique dès lors qu’un contrat est conclu en dollars, ou que des faits pourraient être qualifiés de corruption au sens de la législation américaine, etc… et de tels faits, à partir du moment où le soupçon existe, relèvent de la juridiction du juge de New York. Alors, les journaux – tant Marianne que le Monde ou la Tribune notamment – ont pu s’interroger sur Boeing, posant même la question de savoir si Boeing n’a pas provoqué ce cataclysme d’Airbus, car l’accès au marché américain est essentiel à l’avionneur européen et la moindre condamnation en termes de corruption équivaudrait à le priver de ce marché pendant un certain nombre d’années, outre le scandale actuel qui réduit cette pépite européenne à une quasi inaction sur le plan commercial depuis 2014. Il est évident, sauf pour quelques jacobins rêvant de 1793 mais surtout de Napoléon et de Louis XIV, que la réponse ne peut pas être uniquement française. Le marché français est ridiculement étroit par rapport au marché américain et toute velléité de riposte ou de contre-offensive contre Boeing au regard du marché français, ne serait d’aucun effet.
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institut présaje
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2017-11-01
| 4
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[
"jean-pierre spitzer"
] |
LE DROIT ET LE JUGE EUROPÉEN
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La réponse ne peut se situer qu’au plan européen avec l’instauration d’un droit – ou même l’utilisation d’un droit déjà existant – pour contrebattre la tendance impérialiste du droit américain et l’utilisation du juge européen, comme cela est déjà le cas en ce qui concerne l’action de la Commission qui a imposé aux géants américains de se soumettre à la fiscalité des Etats Européens – Google, Amazon, Microsoft, … - pour d’une part protéger les entreprises européennes et d’autre part, être en mesure d’agiter la menace de rétorsion, voire d’empêcher l’accès à un marché de 500 millions de consommateurs. Même si le TGV à quelque peu diminué l’attractivité du marché européen dans le domaine aérien, cela reste la seule possibilité de réponse à la tentative, largement en cours, de nos amis américains de continuer ce qu’ils ne peuvent plus faire avec leurs armées, c’est-à-dire exercer une domination, à défaut d’être mondiale, au moins du monde occidental. En conséquence, le juge et le droit européens non seulement jouent un rôle considérable au sein de l’Union aujourd’hui existante, mais ils représentent, pour la protection et la sécurité des différents acteurs européens, une des meilleures armes à la condition expresse que nos gouvernements nationaux mettent en place non seulement les instruments nécessaires, mais également des hommes et des femmes qui s’en servent efficacement, pour notre bien commun.
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institut présaje
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2017-05-01
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"francis megerlin"
] |
MÉDICAMENT INNOVANTS : IMPASSE NORMATIVE, ISSUE CONTRACTUELLE. COMMENT GÉRER LE RAPPORT DE FORCES ENTRE LES PRODUCTEURS ET L’ACHETEUR?
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# Médicament innovants : impasse normative, issue contractuelle. Comment gérer le rapport de forces entre les producteurs et l’acheteur? A l’heure de la big data et à l’aube de contraintes fortes, comment rétablir la confiance entre producteurs et acheteurs sur le marché des technologies de santé ? L’envolée des pétitions de prix et l’extrême spécialisation des médicaments se sont traduites ces dernières décennies par un étirement des négociations, voire leur échec potentiel. Les acteurs privés et publics sont au pied du mur, les outils doivent évoluer. Aujourd’hui, explique Francis Megerlin, une approche nouvelle peut reposer sur la garantie contractuelle de valeur. Comment gérer le rapport de forces entre les producteurs et l’acheteur ? L’enjeu est majeur pour le patient, qui veut accéder au médicament autorisé (ici par autorisation de mise sur le marché AMM) ; l’industriel, qui veut accéder au marché remboursable, et en France pour l’Etat, tenu par la garantie constitutionnelle de l’accès de tous aux meilleurs soins, et comptable d’un budget approuvé par la représentation nationale. L’Etat porte la responsabilité politique du choix des produits remboursables et de la négociation de leurs prix avec les producteurs. Or, les pétitions de prix comme les revendications d’efficacité thérapeutique sont parfois une source de désarroi. L’acheteur s’interroge : les études rapportées sont-elles suffisantes ? sont-elles fiables ? les résultats d’essais protocolisés sont-ils extrapolables en pratique de soins ? La survie bilatérale est engagée, les positions se tendent, les normes s’accumulent.
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institut présaje
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2017-05-01
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[
"francis megerlin"
] |
MÉDICAMENT INNOVANTS : IMPASSE NORMATIVE, ISSUE CONTRACTUELLE. COMMENT GÉRER LE RAPPORT DE FORCES ENTRE LES PRODUCTEURS ET L’ACHETEUR?
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Le marché est grossièrement animé par deux tendances : du côté de l’offre, de nouveaux produits autorisés avec des indications toujours plus ciblées et des pétitions de prix toujours plus élevés, donnant parfois lieu à un usage intensif, sans données d’efficacité/sécurité à long terme. Du côté de l’acheteur, la confiance est ébranlée, le budget contraint, la pression politique forte, et l’aversion aux risques (ici économique – de ne pas retrouver le résultat attendu au prix payé) croissante. Il en résulte un renforcement des exigences réglementaires a priori, un étirement des négociations, voire une rupture de dialogue entre producteur et acheteur : elle s’exprime en le refus d’achat au prix demandé (même après remises confidentielles), ou le refus de vente au prix proposé. Face au spectre du rationnement selon des critères cliniques – comme aux Etats-Unis, voire sociaux – comme parfois au Royaume-Uni, différentes logiques sont à l’œuvre. Par le contrat, ces dernières visent à restaurer le dialogue et pourraient être un outil de transformation des systèmes, lorsqu’elles reposent sur la garantie économique selon un modèle « satisfait ou remboursé » (F. Lhoste). Le contrat de résultat, alternative au rationnement ? Face aux prix demandés, l’acheteur ne veut pas un produit, ni un service, mais une solution – et doit pouvoir rendre compte à la collectivité de ses décisions. Il en résulte de nouveaux comportements : certains producteurs s’engagent sur des indicateurs de performance en vie réelle, à l’échelle individuelle (résultat par patient) voire populationnelle (% de succès sur la population traitée), avec modulation du prix selon la valeur éprouvée, ou remboursement à due proportion de l’échec, voire paiement subordonné au résultat – ceci n’excluant pas les accords prix/volumes et les remises confidentielles (les prix internationaux n’étant qu’une base de négociation).
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institut présaje
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2017-05-01
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[
"francis megerlin"
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MÉDICAMENT INNOVANTS : IMPASSE NORMATIVE, ISSUE CONTRACTUELLE. COMMENT GÉRER LE RAPPORT DE FORCES ENTRE LES PRODUCTEURS ET L’ACHETEUR?
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A l’ère de la data-masse, la possibilité d’une connaissance de l’usage et valeur en pratique de soins, a fortiori de l’enregistrement de la preuve d’efficacité, fondent un nouveau paradigme pour les contrats et la gouvernance. Cette possibilité est nourrie des progrès continus des sciences et techniques en matière de scores, biologie, imagerie, etc. pourvu que les indicateurs proposés soient cliniquement pertinents pour contrat – sujet majeur ! Loin des « algorithmes » règlementaires actuels et des études sophistiquées et instrumentalisables, ces types d’accords visent à restaurer la confiance entre parties, et renouvellent la dialectique norme / contrat. Développés dans plusieurs pays, leur champ d’application est certes limité en France, mais les gouvernements successifs témoignent de leur intérêt. La performance ne relève toutefois pas du seul mérite intrinsèque d’une molécule ou de combinaisons: l’intelligence collective dans l’organisation des soins et leur management documenté ne sont elles pas une condition du succès ? L’autonomie responsable, éclairée par la data-masse, ne pourrait-elle fonder une nouvelle réflexion sur la transversalité et la temporalité de la gouvernance ?
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institut présaje
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2017-05-01
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"dominique hoestlandt"
] |
POURQUOI IL FAUT SE MÉFIER DU MILLEFEUILLE BIO
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# Pourquoi il faut se méfier du millefeuille bio Mettre en garde les Français contre les atteintes à la biodiversité c’est bien. Les informer, les alerter, les sensibiliser, c’est utile. Mais à trop en dire et à trop en faire, il y a un risque à introduire auprès des opinions publiques une représentation totalement faussée de la biodiversité, assimilée à un « état de nature » statique et mesurable. Plus grave, depuis 15 ans, la France a accumulé un véritable millefeuille de règlements qui risquent à terme d’induire des réactions hostiles explique Dominique Hoestlandt. La vie est apparue sur terre voilà 3,4 milliards d’année, l’homo sapiens voilà 200.000 ans, la biodiversité – le mot – voilà 35 ans seulement. Ce néologisme – car c’en est un – apparait en 1986 dans les actes d’un colloque scientifique sur la diversité biologique. Car c’est d’elle qu’il s’agit : de l’extraordinaire foisonnement des formes prises par la vie, des gènes et organismes les plus infimes (bactéries…) aux organismes plus évolués (plantes, animaux, êtres humains) et à leurs écosystèmes^1^. C’est dire son extraordinaire complexité, et sa capacité à évoluer sans cesse ; la biodiversité est dynamique. Magie des mots : l’opinion publique et les politiques, séduits par ce néologisme qui sonnait comme un idéal, y virent une richesse, mais une richesse en sursis. Cette biodiversité – fruit de milliards d’années d’évolutions adaptatives – avait empiriquement trouvé les meilleurs compromis entre le vivant et notre planète. Mais le rythme d’érosion que lui font subir nos activités humaines depuis quelques siècles est beaucoup trop rapide pour la capacité d’adaptation naturelle des espèces, et font entrer notre planète dans une séquence inédite, peu documentée scientifiquement.
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institut présaje
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2017-05-01
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[
"dominique hoestlandt"
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POURQUOI IL FAUT SE MÉFIER DU MILLEFEUILLE BIO
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Pour mobiliser les opinions publiques mondiales, les scientifiques cherchèrent à nous alerter sur ces dangers, et à montrer ce que nous gagnerions à utiliser la biodiversité et les services rendus par certains écosystèmes. Leur message confortait une prise de conscience récente de ce qu’avec l’explosion démographique de l’humanité au XXe siècle, son développement devait se réformer s’il voulait être durable. Diverses institutions internationales se saisirent de cette problématique biodiversité. En 1992 se tint à Rio le Sommet de la terre qui statua sur la biodiversité. En 2005 fut publié le Millenium Ecosystems Assessment, collationnant les travaux de centaines de chercheurs décrivant les écosystèmes. En 2010, année internationale de la biodiversité, se tint une COP 10 sur ce thème - la Conférence de Nagoya – qui adopta un plan stratégique décennal et proposa de créer l’IPBES, qui ferait pour la biodiversité ce que fait le GIEC pour le climat. L’Europe articula en mai 2011 une stratégie à horizon 2020.
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institut présaje
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2017-05-01
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[
"dominique hoestlandt"
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POURQUOI IL FAUT SE MÉFIER DU MILLEFEUILLE BIO
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La France, dotée d’une stratégie nationale pour la biodiversité au début de ce siècle (SNB 2002-2010), la prolongea par la SNB 2011-2020. Furent créés l’Observatoire de la biodiversité (ONB), le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB), le Système d’information sur la nature et les paysages (SINP), le Centre d’échange pour la convention sur la diversité biologique (CEF), l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN) géré par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHM). Par une loi d’août 2016, elle institua des Atlas de la biodiversité communale (ABC), et une Agence Française pour la biodiversité (AFB). Au cours des dernières décennies, diverses réglementations instituèrent, en un vrai millefeuille, de multiples zones de protection ou de restauration de la biodiversité : zones Natura, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles, réseau des sites classés, conservatoires d’espaces naturels, parcs naturels marins, aires de protection de biotopes, sites du conservatoire du littoral et des rivages lacustres... Ces zonages se recouvrent partiellement certes, mais font au total 12,5% du territoire métropolitain (pour ne rien dire des zones humides, ni des trames vertes et bleues, elles aussi intouchables).
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institut présaje
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2017-05-01
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[
"dominique hoestlandt"
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POURQUOI IL FAUT SE MÉFIER DU MILLEFEUILLE BIO
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## Inflation réglementaire
Or cette surabondance réglementaire a progressivement introduit une représentation approximative, voire inexacte, de la complexité de cette diversité biologique comme de sa dynamique : la biodiversité y est assimilée à un état de nature (statique et mesurable), plutôt qu’à l’enchevêtrement de systèmes dynamiques de toutes tailles, extraordinairement complexes. On parle de la protéger, de la sauvegarder, de la restaurer… expressions naïves de la doxa administrative ; on la confond avec un état des lieux, un patrimoine dont on connaîtrait un état originel - seul légitime. Dans la vie publique locale, cette biodiversité est parfois prise en otage par certains conservatismes trouvant dans sa défense un argument facile pour contrer un projet qui impacte un habitat. Et quel projet ne le fait pas ?
Mais, à surenchérir en son nom dans ce millefeuille, on risque de lasser nos concitoyens, qui verront dans cette luxuriance réglementaire l’explication des difficultés que nous avons à lancer de nouveaux projets ; ils soupçonneront que la biodiversité est un mauvais prétexte pour paralyser les collectivités locales qui aménagent leurs territoires, et les entreprises qui s’y installent. Lassitude à prévenir : à vouloir demain s’affranchir de certains règlements, on risque de jeter le bébé (la biodiversité) avec l’eau du bain (les réglementations). Ce qui serait fâcheux.
Alors ?
Alors il est plus urgent que jamais de mieux connaître et mieux comprendre cette biodiversité, et donc de former plus de naturalistes qu’on ne le fait aujourd’hui. Et il est vital de mieux faire connaître et de faire comprendre cette biodiversité locale, même en ville, à nos concitoyens et à leurs enfants.
^1^ écosystème : ensemble de relations qui relient un être vivant à son milieu, lui permettent d’y vivre et de s’y reproduire.
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institut présaje
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2013-10-01
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"jacques barraux"
] |
LES FRANÇAIS PARLENT-ILS TOUS LA MÊME LANGUE ? PAS DE CONSENSUS SANS ACCORD PRÉALABLE SUR LE SENS DES MOTS
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# Les Français parlent-ils tous la même langue ? Pas de consensus sans accord préalable sur le sens des mots
Il y a deux formes de consensus : le consensus d’analyse et le consensus de l’action. Le premier conditionne le second. Pas d’action commune possible entre deux partenaires de bords différents sans une entente préalable sur le sens des mots et les données d’un problème. Pour Jacques Barraux, c’est là où les Français ont un sérieux handicap à remonter.
Prenons notre courage à deux mains. Ce matin d’octobre, le temps est doux. La France travaille. Ouvrons notre ordinateur pour sonder au hasard l’humeur des Français. Commençons par le site de « France Inter », une radio qui ne cache pas ses sympathies pour la gauche mais dont les journalistes sont de bons professionnels. Les auditeurs commentent les journaux du matin. Là, premier choc. Le ton est d’une violence inattendue. Déferlement de haine contre tout ce qui incarne le système : les patrons, l’Europe, la dette, la crise, Bercy (trop complaisant avec les capitalistes), la BCE, le FMI, l’édito « ultra-libéral » de Dominique Seux, le « racisme » de Manuel Valls... C’est plus rude que le ton « Inter » des journaux du matin. Consensus zéro.
Changeons de bord pour une promenade dans les sites de la droite décomplexée. Nouveau déferlement de haine contre des cibles voisines de celles du camp d’en face : l’euro, les technocrates de Bruxelles, les banques anglo-saxonnes, mais aussi - spécificité maison - les immigrés, les fonctionnaires et Bercy (pour le matraquage fiscal). La fracture politique du pays se lit chaque matin sur les blogs, les réseaux sociaux et les forums.
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791
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institut présaje
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2013-10-01
| 6
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[
"jacques barraux"
] |
LES FRANÇAIS PARLENT-ILS TOUS LA MÊME LANGUE ? PAS DE CONSENSUS SANS ACCORD PRÉALABLE SUR LE SENS DES MOTS
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## Les mots n’ont pas le même sens d’un camp à l’autre Internet a libéré la parole des citoyens. On a beau savoir qu’au-delà des vitupérations convenues des protestataires de tous bords les majorités de gouvernement se forment au centre (centre-gauche à la Mendès-France ou à la Mitterrand ; centre-droit à la De Gaulle ou à la Pompidou), une question vient au bout des lèvres : en France, les mêmes mots ont-ils le même sens pour tout le monde ? Hélas non. La France semble souffrir d’asymétrie de l’information. Pourtant, l’information de qualité existe. Elle est accessible à tous mais elle atteint ses cibles de manière fractionnée. Seule une minorité d’acteurs économiques juge nécessaire de l’appréhender dans sa globalité. Explication. Pour l’essentiel, l’information de qualité (approfondie, vérifiée, hiérarchisée) est consommée cercle par cercle. Dans l’espace balisé d’un métier, d’une profession, d’une branche de l’économie ou d’une organisation militante. Les agriculteurs, les banquiers, les industriels, les diplomates, les médecins, chaque corporation a ses réseaux, ses journaux de référence, ses sites spécialisés, ses relais internationaux. L’information est dense, complète et de bon niveau à l’échelle micro-économique. C’est la synthèse générale qui semble inaudible ou interprétée de manière déformée en fonction du mode de vie et des convictions idéologiques de chacun (commerçant versus fonctionnaire ; rural versus citadin ; propriétaire versus locataire ; cadre courtisé versus demandeur d’emploi etc.).
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institut présaje
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"jacques barraux"
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LES FRANÇAIS PARLENT-ILS TOUS LA MÊME LANGUE ? PAS DE CONSENSUS SANS ACCORD PRÉALABLE SUR LE SENS DES MOTS
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Les données d’un problème ne sont pas perçues de la même manière d’un groupe social à l’autre parce que les Français ne s’entendent pas sur le vocabulaire basique de l’économie. Les mots n’ont pas le même sens selon le genre de vie ou selon la famille de pensée. Le mot « compétitivité » est un simple outil de comparaison pour les uns, une arme de guerre du libéralisme pour les autres. Le mot « Roumanie » n’a pas le même sens pour un cadre exportateur de Renault et pour le voisin d’un camp de Roms. Comment dès lors débattre sereinement d’emploi, d’Europe, de protectionnisme, de croissance ou de monnaie. La politique agricole commune, la stratégie d’un groupe comme Total, le contrôle des flux de capitaux : plus les sujets sont techniques, plus se fait sentir le besoin d’un apprentissage du citoyen aux données de base de tout problème, y compris pour les sujets qui ne les concernent pas directement. Le bon fonctionnement de la démocratie implique que le jour du scrutin qui décide de l’avenir du pays, le vote des citoyens ne soit pas seulement guidé par les affirmations simplistes des démagogues du moment. Commençons donc par rechercher le consensus des mots avant, dans une deuxième étape, de s’attaquer au consensus des projets.
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institut présaje
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"michel rouger"
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LE TRAVAILLEUR, LE BUREAUCRATE ET LA FICHE DE PAIE.
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# Le travailleur, le bureaucrate et la fiche de paie. Le témoin le plus éclairant des transformations du modèle français depuis la Libération est sans conteste la feuille de paye du salarié, cet agent économique lié par un lien de subordination à son entreprise. La comparaison d’une feuille de salaire de 1952 avec celle d’un salarié de 2017 est saisissante. En 1952, constate Michel Rouger, la retenue sociale représentait 6% du salaire brut. Elle dépasse aujourd’hui les 20%. Entre temps, l’Etat-Providence a perdu l’essentiel de ses repères. La fiche de paie est l’instrument le plus lourdement chargé de tous les symboles qui marquent les relations entre les êres humains. Il fallait l’imagination bureaucratique d’un collecteur de taxes, prélèvements et impôts, typiquement français, pour l’inventer comme elle est devenue. La fiche de paie du travailleur salarié, celui qui est subordonné à son employeur et que le bureaucrate veut protéger de la malignité et de la cupidité du « patron exploiteur » porte cette écriture en filigrane. Y compris celle du travailleur indépendant, qui veut être salarié de lui-même, libre et à son compte, écrite sur le même papier filigrané. Qu’est ce qu’une fiche de paie : 3 nombres, le salaire brut, les retenues, le salaire net. X chiffres variables, qui expliquent comment on passe d’un nombre à l’autre. Il suffit de les analyser sur le très long terme pour apprécier quelle est la réalité de notre modèle social, réputé huitième merveille du monde. C’est difficile car il s’agit du domaine intime de l’individu, déjà obligé de se dévoiler au percepteur, peu enclin à montrer, réellement, ce qui révèle son statut et sa rémunération, que le secret permet d’enjoliver.
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institut présaje
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2017-05-01
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"michel rouger"
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LE TRAVAILLEUR, LE BUREAUCRATE ET LA FICHE DE PAIE.
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Ce travail a été possible grâce à la collecte de soixante cinq années de fiches de paies rendues anonymes, entre 1952 et 2017. Ce travailleur subordonné, devenu urbain, vivant au sein de l’économie de services, a livré les secrets de sa vie de salarié, face à la bureaucratie de l’Etat-providence, sur 2 sujets, la retenue opérée sur le salaire brut, la rédaction de la fiche de paie. Dans l’économie de survie de l’après guerre, 1945-1950, de type rural, non administrée, il n’y avait que 2 choix, le travail, ou le trafic, en continuité du marché noir. C’est, hélas la même chose aujourd’hui pour les décrocheurs des cités de non droit, condamnés aux trafics, faute d’emplois à mettre en fiches, par des politiques qui s’évertuent à tuer le goût au travail pour mieux refuser la subordination. La 1ère fiche de paie étudiée apparait en 1952, lorsque l’administration a mis un terme à la liberté ambiante, chez les artisans ruraux, du paiement de « la main à la main » qui ne laissait pas le temps d’écrire la future fiche de paie. Ce prototype comporte 14 chiffres en 3 nombres. La retenue sociale représente 6 % du salaire brut. 1956, l’artisan rural est devenu employé urbain à Paris, sa belle et vraie fiche de paie comporte 33 chiffres, le nombre de la retenue toujours 6 % du salaire brut. 1966, 33 chiffres la retenue passe à 8%. En 1976, le travailleur fête l’arrivée des grands administrateurs de l’Etat au pouvoir. Les chiffres sur sa fiche de paie passent de 31 à 220, la retenue à 10 %, puis en 1986, de 220 à 252 chiffres alors que la retenue grimpe à 12 %, le double de 1956. En 1996, dernière de la série du 20ème siècle, record battu, 390 chiffres, la retenue passant à 14 %.
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institut présaje
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"michel rouger"
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LE TRAVAILLEUR, LE BUREAUCRATE ET LA FICHE DE PAIE.
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Derniers flashs, en 2006 et 2016, on réduit à 330 puis à 311 chiffres, mais la retenue atteint 20% sur le salaire brut, le double d’il y a 40 ans. Sacré progrès ! Conclusion : En cette année électorale, les grands savants de la macro économie, comme les candidats, dans leurs professions de foi, nous expliquent que tous nos malheurs ont débuté il y a 40 ans. Le « travailleur inconnu » le savait, depuis longtemps, en lisant ses fiches de paies. S’il était candidat, il proposerait de faire figurer le poids de la bureaucratie sociale dans le compte pénibilité des entreprises.
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institut présaje
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"jean petit"
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LA SÉCURITÉ DES PATIENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ. APPROCHE NORMATIVE ADMINISTRÉE OU APPROCHE PRAGMATIQUE PROFESSIONNELLE ?
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# La sécurité des patients dans les établissements de santé. Approche normative administrée ou approche pragmatique professionnelle ? Aux yeux de l’opinion, les affaires récentes du Médiator et de la Dépakine ont montré les limites du recours aux normes légales et réglementaires pour prévenir les risques d’erreurs humaines ou de défaillances techniques dans le domaine de la santé. Si les normes ont permis de réels progrès elles ont peu d’impact sur le respect des bonnes pratiques par les professionnels constate le docteur Jean Petit. D’où l’importance primordiale du développement sur le terrain d’une culture collective de sécurité. En 2009, une étude française sur les événements indésirables associés aux soins en estimait le nombre entre 600 000 et 880 000 par an. Ces événements entraineraient un décès près d’une fois sur dix, et la moitié pourrait être évitée. Affirmer, pour faire accepter l’imprévu, que « le risque zéro n’existe pas » suppose que tout ait été mis en œuvre pour réduire les erreurs humaines et les défaillances techniques. En France, cette mobilisation s’est concrétisée depuis 30 ans par une approche fondée sur la norme établie par l’État et sur l’engagement des professionnels. Place de l’une et de l’autre, responsabilité collective et individuelle… le débat, empreint de philosophie politique, n’est pas original.
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institut présaje
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"jean petit"
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LA SÉCURITÉ DES PATIENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ. APPROCHE NORMATIVE ADMINISTRÉE OU APPROCHE PRAGMATIQUE PROFESSIONNELLE ?
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Le recours aux normes légales et réglementaires est l’approche la plus traditionnelle. Ces normes ont d’abord concerné les « vigilances ». Depuis 1973, la pharmacovigilance recense les effets indésirables inattendus des médicaments. Les affaires du Médiator® et plus récemment de la Dépakine® démontrent les limites de l’exercice. Faute de priorités et de réalisme, l’approche normative règlementaire a connu des échecs et a laissé de côté des sujets majeurs, comme les complications chirurgicales. Mais elle aligne aussi de beaux succès. Des normes de structure et de ressources élaborées en partenariat avec les collèges professionnels ont permis de sécuriser les activités soumises à autorisation, par exemple la transfusion sanguine (1993) ou l’anesthésie dont les complications graves ont été réduites de plus de 10 fois en 20 ans.
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institut présaje
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"jean petit"
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LA SÉCURITÉ DES PATIENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ. APPROCHE NORMATIVE ADMINISTRÉE OU APPROCHE PRAGMATIQUE PROFESSIONNELLE ?
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## Les limites des normes Mais les normes ne permettent pas le contrôle des risques complexes et rares, tels que des erreurs d’identité ou de côté en chirurgie. Elles ont en effet peu d’impact sur le respect des bonnes pratiques et ne permettent pas de développer la culture de sécurité des professionnels, qui relèvent des méthodes d’amélioration continue de la qualité. L’objectif n’est plus d’être conforme à une norme – si justifiée fut-elle –, mais de résoudre des problèmes et d’améliorer la prise en charge des patients au moyen d’actions ciblées, priorisées et itératives. Dans l’approche normative, la conformité se contrôle et la non-conformité se sanctionne. Dans l’approche pragmatique, un travail collectif permet de trouver derrière chaque erreur – et en particulier humaine – une opportunité d’amélioration. Sept Lois de santé depuis 1991 ont progressivement donné à ces démarches d’amélioration continue un statut de… normes. Elles sont pilotées par la Haute Autorité de Santé (HAS). Pour les hôpitaux et cliniques, une procédure d’évaluation externe dénommée certification a été créée. Dans certaines disciplines « à risques », l’Assurance Maladie peut prendre en charge une partie des cotisations de responsabilité civile des médecins engagés dans une démarche dite « accréditation » et qui repose sur des retours d’expérience. Si la judiciarisation de ces accidents reste limitée, les indemnisations et les contentieux civils ou administratifs ne cessent d’augmenter.
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institut présaje
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"jean petit"
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LA SÉCURITÉ DES PATIENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ. APPROCHE NORMATIVE ADMINISTRÉE OU APPROCHE PRAGMATIQUE PROFESSIONNELLE ?
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La déclaration des événements indésirables graves associés aux soins, l’analyse de leurs causes systémiques et leur prise en compte dans une logique d’amélioration des pratiques constituent également des obligations légales qui viennent d’être précisées (Décret 2016-1606 du 25/11/2016). Ce dispositif concilie exigence réglementaire et responsabilité professionnelle : tout événement grave doit être déclaré sans délai à l’Agence Régionale de Santé, et l’établissement ou les professionnels déclarants disposent d’une période de 3 mois pour en analyser les causes profondes puis dégager et mettre en œuvre des actions de prévention. Un retour d’expérience national est prévu. Médecins et paramédicaux, pourtant confrontés au principe de précaution, à la confusion permanente entre lien et conflit d’intérêt, et à l’obsolescence de plus en plus rapide de leurs connaissances, restent engagés dans une attitude de progrès qui leur permet notamment de mieux s’approprier des exigences importantes – réglementaires – et de les dépasser. Cette démarche devra permettre une réglementation moins exubérante. Les professionnels de santé doivent pouvoir rester libres de leurs pratiques, tant qu’elles ne comportent pas de risque accru pour les patients et que l’accord de ceux-ci a été recueilli. Il existe donc bien une complémentarité entre l’approche normative traditionnelle et les démarches laissées à la responsabilité des professionnels.
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institut présaje
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"isabelle proust"
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EN ENTREPRISE, DE LA NORME QUI PROTÈGE À LA NORME QUI ÉTOUFFE
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# En entreprise, de la norme qui protège à la norme qui étouffe Plus l’entreprise grandit et s’internationalise, plus elle se trouve enserrée dans une épaisse forêt de normes. Normes volontaires pour s’assurer le strict contrôle de ses filiales et de ses services. Normes imposées pour se mettre en conformité avec les règlements et les standards des Etats et des marchés. Avec au bout du compte un risque grandissant d’alourdissement des procédures et de démotivation des équipes. Comment concilier sécurité, souplesse et performance s’interroge Isabelle Proust ? Notre environnement économique, social, culturel pousse à la production de normes : par précaution, des protocoles et des interdictions pour protéger notre santé, une régulation pour protéger nos droits de consommateurs … Pour se protéger elle-même dans son fonctionnement interne, l’entreprise produit également de la norme. Plus sa taille grossit, plus les normes – sous la forme de process, reportings, autorisations préalables … – augmentent et contraignent, au point d’étouffer. La normalisation dans l’entreprise a été rendue nécessaire tant par les impératifs de « compliance » (respect des standards techniques, de sécurité, environnementaux et des réglementations financières) que par l’extension de la taille des multinationales, comptant de nombreuses filiales dont il faut contrôler les flux financiers. Sur le plan technique, il convient de respecter des cahiers des charges stricts, de remplir des dossiers d’homologation etc. Cela se fait au nom d’un impératif de sécurité, et si la lourdeur est critiquée, elle est admise au nom de l’intérêt de tous.
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institut présaje
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2017-05-01
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"isabelle proust"
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EN ENTREPRISE, DE LA NORME QUI PROTÈGE À LA NORME QUI ÉTOUFFE
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Il en est différemment de la lourdeur des processus comptables et financiers, qui, s’ils répondent pourtant à un impératif de bon fonctionnement des marchés pour la protection de tous les épargnants, n’en apparaissent pas moins comme l’injonction d’une « direction déconnectée du terrain ». Que vaudrait une entreprise et comment pourrait-on coter des actions d’entreprises sur un marché si les bilans n’obéissaient pas à des règles communes et si l’on ne pouvait s’assurer que ces mêmes bilans correspondent à une réalité tangible ? quelques scandales financiers sont là pour nous rappeler l’importance des procédures comptables et financières.
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institut présaje
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2017-05-01
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"isabelle proust"
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EN ENTREPRISE, DE LA NORME QUI PROTÈGE À LA NORME QUI ÉTOUFFE
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## Dérive Mais le sens de cette régulation a été perdu au fur et à mesure de la multiplication des normes. Dans le même mouvement d’une critique sociale du gigantisme des multinationales, on constate une perte d’efficacité, qui tend à remettre en cause ce modèle (plusieurs études de l’OCDE font apparaître une tendance très nette à la diminution des montants et de la rentabilité des investissements des grandes entreprises hors de leur pays d’origine ; la direction de Danone a annoncé en février 2017 privilégier pour le futur des stratégies locales, à l’opposé de « la mondialisation à l’ancienne »). Les deux causes sont en effet liées : c’est la complexité de contrôler un groupe aux multiples ramifications, associée à une volonté d’optimisation des ressources employées, qui est à l’origine de l’inflation des procédures en entreprises. Puis, à force de vouloir protéger, la norme a étouffé : la créativité, l’interaction entre les métiers et les gens … La lourdeur des process internes a fini par éloigner de l’objectif final et de la réalité de terrain. Elle a fait perdre le sens du travail. Les « reportings pour le siège » et organigrammes matriciels – sources d’injonctions souvent contradictoires – font l’objet d’un rejet massif de la part de salariés démotivés, au point de faire voler en éclat le modèle hiérarchisé et cadré de l’entreprise traditionnelle, et pas seulement sous la pression des millenials qui arrivent sur le marché du travail. Les startups sont appelées à la rescousse, via des accélérateurs dans les grands groupes, pour redonner du sens, de l’agilité et libérer les énergies. Comment concilier sécurité, performance et épanouissement au travail, c’est tout l’enjeu de la réflexion managériale aujourd’hui, de l’entreprise libérée à l’évolution des comportements des managers.
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institut présaje
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"isabelle proust"
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EN ENTREPRISE, DE LA NORME QUI PROTÈGE À LA NORME QUI ÉTOUFFE
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Car, au-delà des modèles ou des structures, dans un environnement extrêmement mouvant, où il s’agit de gérer l’incertitude, les process ne sont plus une protection mais un frein. Et c’est bien plus sur la capacité d’adaptation individuelle qu’il faut agir. Il est une catégorie dont le quotidien est de gérer l’incertitude, c’est l’entrepreneur. Quand le forum Peter Drucker de novembre 2016 s’intitule « The entrepreneurial society », il n’est pas question de dire que toutes les nouvelles générations vont faire naître des Steve Jobs mais que nous sommes tous amenés, grâce à notre souplesse comportementale, à savoir gérer l’incertitude. C’est-à-dire « une société de l’entrepreneuriat » dans laquelle « l’esprit d’entreprise et l’innovation sont normaux ».
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institut présaje
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2017-05-01
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"michel rouger"
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EDITO
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# Edito La première décennie du 21ème siècle, qui a vu naitre notre Institut avec ses équipes de chercheurs, s’est développée dans le charme de la « mondialisation heureuse ». C’est la période des réglementations et normes utiles. La première décennie du 21ème siècle, qui a vu naitre notre Institut avec ses équipes de chercheurs, s’est développée dans le charme de la « mondialisation heureuse ». C’est la période des réglementations et normes utiles. Elles nous ont apporté protections et contrôles dans tous les secteurs de la société ; la santé et les médicaments, l’hygiène et l’alimentation, les déplacements collectifs ou individuels, les infrastructures et la construction ou le chiffre ou le droit. Elles ont facilité le développement commercial en permettant d’avoir des règles mondiales communes pour diffuser le plus largement et le plus simplement possible les produits. On y trouve notamment l’aviation, l’alimentation, les produits manufacturés et en particulier les matériels technologique, les téléphones, les ordinateurs ou les logiciels ces 30 dernières années. Elles ont ouvert l’accès aux échanges pour tous et partout dans le monde. Que ferions nous si nous devions gérer plusieurs protocoles Internet ou téléphonique incompatibles entre eux ? La seconde décennie se termine dans les querelles de la « mondialisation anxieuse ». Les réglementations, les « normes », de toutes provenances, accablent une société surtaxée et sur contrôlée, dans laquelle l’opinion publique fait ses chouchous de ceux qui subissent en râlant. PRESAJE, fidèle à la vocation de ses études sociétales n’avait pas d’autre choix que de parler de ces normes qui imposent une triple peine à la société Française. Celle, paralysante, de la bureaucratie qui régit la société, ajoutée à celle aggravante du protectionnisme montant, puis à celle ruineuse du déclassement de la Nation né de l'affaiblissement des équilibres européens.
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institut présaje
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2017-05-01
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"michel rouger"
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EDITO
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Comment ? En traitant les questions que les analystes patentés ne savent, ni ne peuvent, ni veulent poser, selon la phrase célèbre, slogan de la plus grosse faillite française. C’est fait dans cette lettre qui affronte les aléas d’une campagne électorale « hors normes ». Le choix éditorial de fin 2016 de parler de ces normes découlait de la forme prévisible des grands débats de société qui verraient les candidats s’affronter sur les institutions européennes, l’économique, le social, la santé, la nature et l’écologie, la Justice. Ce choix a été judicieux. Ce sont sur ces sujets, où foisonnent les normes les plus contraignantes, que PRESAJE veut attirer l’attention au travers d’expériences vécues par ceux qui y sont confrontés tous les jours et pas seulement 6 mois tous les cinq ans. Ce sont les normes qui font débats en permanence. Les débats électoraux intermittents ne défont jamais les normes. C’est un travail à plein temps. Laissons parler ceux qui savent pour mieux aider à les défaire.
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institut présaje
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2013-10-01
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"bernard lecherbonnier"
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LA « FABRIQUE » DU CONSENSUS : UN LENT CHEMINEMENT, UNE RENCONTRE INCARNÉE. TÉMOIGNAGE
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# La « fabrique » du consensus : un lent cheminement, une rencontre incarnée. Témoignage Le consensus ne se décrète pas. Il se façonne, se construit jour après jour. Aucune recette de management ne vient au secours d’un leader incapable de motiver et de rassembler autour d’un projet. Le consensus nait de la rencontre au quotidien, de l’intériorisation progressive d’opinions ou de valeurs communes ainsi que l’explique Bernard Lecherbonnier à travers deux expériences vécues. Impossible pour moi d’écrire une ligne sur le thème du consensus sans me rappeler, sans partager une anecdote vécue en compagnie de Marcel Jullian, le scénariste de La Grande Vadrouille. Nous déambulions boulevard du Montparnasse et nous tombons sur un de ces producteurs mondains qui font le pied de grue dans les restaurants à la mode. Le dialogue manque franchement de chaleur. Jullian reproche au gandin son absence d’engagement dans un récent conflit professionnel avec le ministère de la Culture. L’homme déploie ses grands bras en signe de défense : « Mais, Marcel, vous le savez bien. Je n’aime pas les conflits ! Je suis un consensuel ! » L’oeil acéré de Jullian décoche sa flèche : « Vous êtes un con…sensuel ? Je n’en ai jamais douté. Et c’est agréable ? » Bien à tort, j’ai toujours tendance à assimiler les tenants du consensus à ce bavard distingué aux tempes argentées et à la pochette avantageuse. Bien à tort, car j’en ai connu d’autres qui, sans nécessairement ni l’énoncer ni le proclamer, faisaient réellement consensus autour d’eux.
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institut présaje
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2013-10-01
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[
"bernard lecherbonnier"
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LA « FABRIQUE » DU CONSENSUS : UN LENT CHEMINEMENT, UNE RENCONTRE INCARNÉE. TÉMOIGNAGE
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C’était le cas de mon premier patron. Le troisième de la dynastie. Une société familiale créée à la fin du XIX ème siècle et devenue au fil des décennies la référence en son domaine. Infatigable, la mèche en bataille, il portait ses troupes au combat, tel un général de l’Empire. L’esprit de conquête inspirait toute son action. La connaissance approfondie de son entreprise, de son métier, de son marché lui donnait, bien plus que sa légitimité héréditaire, une autorité absolue que nul ne serait venu contester un tant soit peu. Je me rappelle qu’il appelait les représentants, les commerciaux de la firme ses « ambassadeurs ». Et ce n’était pas un acte de démagogie de sa part. Chacun d’ailleurs revendiquait ce titre. Ce type de dirigeant continue d’exister. Le consensus s’est créé autour d’eux dans l’action, en marchant. L’organisation de leur société s’est également modelée au fil du temps et au rythme des événements. L’accent est davantage mis sur les compétences que sur les fonctions. La physiologie d’une telle entreprise est difficile à décrire, encore plus à formaliser. Les directeurs se sont façonné leur place, leurs responsabilités par et à travers leurs initiatives et leurs succès.
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institut présaje
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2013-10-01
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[
"bernard lecherbonnier"
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LA « FABRIQUE » DU CONSENSUS : UN LENT CHEMINEMENT, UNE RENCONTRE INCARNÉE. TÉMOIGNAGE
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## Le mythe de l’organigramme rationnel
Lorsque ce monarque éclairé a dû céder la barre à son successeur, issu, pour sa part, de la haute technocratie, la première préoccupation de l’arrivant fut de mettre de « l’ordre » dans l’organisation générale des postes et des fonctions, à ses yeux tout à fait opaque. Si, avec le partant, nul ne prononça jamais le mot « consensus », en revanche cela devint la marotte du nouveau PDG. « Vous aurez un organigramme dans les six mois ! Il faut que cette société ait enfin des règles de fonctionnement claires, admises et comprises par tous ! », annonça-t-il du haut de son autorité.
De la boite de Pandore surgirent aussitôt les vices de la division : rivalités refoulées, règlements de comptes sournois, revendications étouffées, conflits souterrains… Néanmoins, contre vents et marées, la création de l’organigramme devint l’obsession du nouveau régime dont le tort fut surtout de s’inspirer de modèles théoriques alors que l’analyse de l’existant aurait dû et pu guider son action réformatrice. Trois ou quatre esquisses donnèrent lieu à des mouvements sociaux, au départ de cadres mécontents, à une dégradation générale des résultats. L’esprit de conquête collectif avait laissé place au mauvais génie de l’ambition individuelle, de l’arrivisme déterminé. Il fallut près de deux ans pour que fût enfin publié le fameux organigramme censé apporter le consensus dans une entreprise défigurée.
Le consensus ne se décrète pas, il se façonne et il se crée. Telle est la leçon que je tire de cette expérience. Pour mener à bien une réorganisation consensuelle, il ne suffit pas d’emprunter des schémas livresques. Il faut s’appuyer sur la réalité pour la dynamiser et ouvrir des perspectives.
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institut présaje
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2013-10-01
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"bernard lecherbonnier"
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LA « FABRIQUE » DU CONSENSUS : UN LENT CHEMINEMENT, UNE RENCONTRE INCARNÉE. TÉMOIGNAGE
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## Une expérience heureuse en Scandinavie
Exemplaire est à ce sujet la transformation d’une grande société de nettoyage scandinave, spécialisée dans le ménage des bureaux. Comme toutes ses semblables, cette entreprise effectuait ses tâches de nuit dans les buildings d’affaires et employait des personnels majoritairement féminins et étrangers. A la pénibilité des travaux s’ajoutait l’absence de toute reconnaissance envers les agents. La présidente de la société avait la désagréable impression de commander et d’administrer des escouades d’esclaves auxquels on manquait singulièrement de respect et qui souffraient de l’ingratitude de leur état. Elle s’employa à convaincre ses grands clients d’accueillir les équipes de nettoyage aux heures ouvrables. Cette modification d’horaire entraîna en chaîne de multiples transformations : les employés apprirent à connaître et à apprécier le personnel de ménage, leurs exigences devinrent moins maniaques, des relations personnelles se nouèrent entre les personnels de bureau et de nettoyage. Ainsi naquirent notamment un grand nombre de liens individuels qui prirent parfois la forme de micro-entreprises : aide ménagère, baby-sitting, gardiennage, cuisine… Le fossé social et culturel s’était comblé entre populations de travailleurs qui se regardaient précédemment en chiens de faïence. Est-il besoin de souligner le bénéfice citoyen réalisé, sur le plan de l’intégration, à travers une telle initiative ?
Tout consensus artificiel est un miroir aux alouettes. Bernanos a écrit fort justement : « Qui part d’une équivoque ne peut aboutir qu’à un compromis. » Les politiques sont les champions de ce type d’accord conjoncturel et factice. Un véritable consensus suppose que chaque partie gagne à la transaction.
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institut présaje
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"patrick légeron"
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LA DÉFIANCE, OBSTACLE À UN « CONSENSUS DE DIAGNOSTIC » SUR LE STRESS AU TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE
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# La défiance, obstacle à un « consensus de diagnostic » sur le stress au travail dans l’entreprise La question posée illustre la difficulté du dialogue entre deux camps : « Avant de parler de stress au travail, dites-nous si vous êtes du côté du patron ou du côté des salariés ! ». En intervenant dans une entreprise déstabilisée par des affaires de suicides, Patrick Légeron n’avait d’autre intention que de construire un « consensus de diagnostic ». Il a pris alors la mesure de la chape de défiance qui pèse sur le monde du travail. Il y a une dizaine d’années, alors qu’émergeait au sein du monde du travail la question du stress et de la souffrance qui pouvait y être liée, j’intervenais au sein d’un Comité d’hygiène et de sécurité^1^ d’une grande entreprise dont l’un des salariés venait de faire une tentative de suicide sur son lieu de travail. J’allais exposer aux participants présents, représentants de la direction des ressources humaines et partenaires sociaux, les actions qui pourraient être mises en place pour réduire le stress et prévenir les situations à risques pour les salariés. Avant même de prendre la parole, je suis assez violemment apostrophé par l’un des membres de cette commission. « Dites-nous d’abord si vous êtes du côté du patron ou du côté des salariés ». J’avoue avoir été déstabilisé par cette question, pensant que travailler à améliorer le bien-être des salariés dans une entreprise était une approche « gagnant-gagnant » et bénéficiait tout autant aux individus qu’à l’entreprise. Je pensais aussi qu’en tant qu’expert, je n’étais pas là pour m’inscrire dans un « camp » mais expliquer comment le stress pouvait se développer dans un environnement de travail et comment il pouvait être combattu^2^.
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institut présaje
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"patrick légeron"
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LA DÉFIANCE, OBSTACLE À UN « CONSENSUS DE DIAGNOSTIC » SUR LE STRESS AU TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE
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Hélas, aujourd’hui encore, l’abord des risques psychosociaux arrive difficilement à faire l’objet d’un consensus dans le monde du travail. Bien sûr, en 2004, un accord européen avait été signé par l’ensemble des partenaires sociaux des 15 pays de l’Union. Cet accord avait même été transposé en France en 2008 au niveau interprofessionnel avec l’aval de l’ensemble des syndicats patronaux et de salariés sur la question du stress au travail. Mais, comme les débats avaient été rudes et laissent encore des traces ! Les positions assez idéologiques sont malheureusement trop fréquentes entre un patronat et des directions d’entreprises qui voient dans le stress uniquement des manifestations de faiblesse psychologique de salariés et celles de certains syndicats qui expliquent tout par une organisation du travail délétère et des formes de management harcelante. En fait, la posture sérieuse est de considérer que ces deux visions du stress professionnel (individuelles et environnementales) se complètent plutôt qu’elles ne s’excluent. Reconnaître une partie de vérité des deux côtés, comme l’établissent les nombreuses recherches scientifiques réalisées dans ce domaine^3^ et travailler à construire un consensus de diagnostic puis d’action tant au niveau collectif qu’individuel est difficile dans notre pays, contrairement à nombreux de nos voisins, surtout d’Europe du Nord, chez qui ces questions sont abordées sereinement et les réponses largement consensuelles. Ce difficile consensus s’explique en partie par l’importante défiance qui existe dans le monde du travail. Au vu des nombreuses enquêtes internationales, la France est un pays où la confiance à autrui est plus faible que dans les autres pays de niveau de développement comparable ^4^. Au sein des entreprises, nous sommes le pays où les syndicats ont le moins de confiance dans le patronat et réciproquement, d’où la dureté du dialogue social aboutissant rarement à des consensus.
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institut présaje
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2013-10-01
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"patrick légeron"
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LA DÉFIANCE, OBSTACLE À UN « CONSENSUS DE DIAGNOSTIC » SUR LE STRESS AU TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE
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Dans une récente enquête française réalisée auprès de milliers de salariés, 12% seulement des répondants indiquaient qu’ils faisaient confiance aux syndicats pour améliorer leur bien-être au travail et encore moins (4%) à la direction de leur entreprise. L’immense majorité (74%) estimait que c’était à eux-mêmes qu’ils faisaient le plus confiance dans ce domaine ^5^. Ce repli sur soi quasi narcissique, et l’individualisme qui en résulte, se nourrissent des difficultés du consensus dans le monde du travail. Ils compromettent aussi sérieusement l’indispensable collectif qui doit s’y développer. ^1^ Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ^2^ Légeron P. Le stress au travail. Odile Jacob, Paris 2001,2003 ^3^ Bellego M., Légeron P., Ribéreau-Gayon H. Les risques psychosociaux au travail. Les difficultés des entreprises à mettre en place des actions de prévention. De Boeck, Bruxelles 2012 ^4^ Algan Y., Cahuc P., Zylberberg A. La fabrique de la défiance. Albin Michel, Paris 2012 ^5^ Krauze J., Méda D., Légeron P., Schwartz Y. Quel travail voulons-nous ? La grande enquête. Les Arènes, Paris 2012.
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institut présaje
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"gérard moatti"
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LA POLITIQUE SUR LE RING : QUAND LA LOI ENCOURAGE ET ORGANISE L’ANTAGONISME
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# La politique sur le ring : quand la loi encourage et organise l’antagonisme La pratique de l’invective en politique et le combat mortel entre deux camps sont les conséquences objectives de la loi constitutionnelle constate Gérard Moatti. Notre pays se fracture au second tour de l’élection présidentielle. Le quinquennat impose aux présidentiables de taper très vite et très fort. Et la « politique spectacle » ne ferait pas recette sans d’incessantes surenchères démagogiques. La France toujours en guerre contre elle-même, digne héritière d’une Gaule indocile et belliqueuse, la France et ses « 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement », comme disait il y a un siècle et demi Henri de Rochefort, la France querelleuse, chicaneuse, réfractaire au consensus... Cette réputation dans laquelle nous nous complaisons, peut-être parce qu’au fond, elle nous flatte, est-elle vraiment méritée ? Il suffit, direz-vous, de lire les journaux, de regarder la télévision : l’actualité hexagonale n’y est faite que de conflits, protestations, invectives... C’est vrai, mais on peut trouver à cela deux explications : d’une part, la presse ne s’intéresse guère aux trains qui arrivent à l’heure, ni aux sujets sur lesquels tout le monde est d’accord ; d’autre part, elle consacre une grande place à la scène politique, et il est vrai que cette scène est toujours agitée. Mais est-elle le reflet fidèle de la nation ? Ou plutôt un miroir déformant ?
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institut présaje
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"gérard moatti"
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LA POLITIQUE SUR LE RING : QUAND LA LOI ENCOURAGE ET ORGANISE L’ANTAGONISME
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Regardons de l’autre côté du Rhin : l’Allemagne, pays du consensus... Cet art de la maîtrise des conflits, cette vie publique qui nous semble tranquille, dépassionnée, sont certes les fruits de l’histoire : les traumatismes du nazisme et de la guerre ont vacciné pour longtemps le personnel politique contre les excès d’agressivité et les violences verbales. Mais les institutions y sont aussi pour beaucoup : alors qu’Angela Merkel vient de triompher aux élections législatives, un mode de scrutin complexe - mi-direct, miproportionnel - la prive de la majorité absolue et l’obligera sans doute à gouverner avec le SPD, comme elle l’a fait entre 2005 et 2009. Même au vainqueur, les structures politiques imposent la recherche du consensus.
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institut présaje
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"gérard moatti"
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LA POLITIQUE SUR LE RING : QUAND LA LOI ENCOURAGE ET ORGANISE L’ANTAGONISME
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## Chacun enfermé dans son camp
En France, au contraire, les institutions semblent avoir été calibrées pour l’exclure. D’abord l’élection présidentielle, qui oppose au deuxième tour deux candidats, représentant les deux principales formations politiques : il faut être dans un camp ou dans l’autre, et les formations qui prétendent échapper à cette dichotomie sont menacées d’étiolement, ou rapidement contraintes de se plier à la règle - comme en témoignent les tribulations du Mouvement démocrate de François Bayrou. En outre, le raccourcissement du mandat présidentiel à cinq ans, adopté par référendum en 2000, renforce l’âpreté de l’affrontement, pour trois raisons. D’abord, il rétrécit l’horizon politique, et fait vivre les personnalités « présidentiables » (ou qui se croient telles) dans un climat constant de campagne électorale. Ensuite, il impose au président élu un calendrier serré pour tenir les promesses de son programme, ce qui avive les impatiences des électeurs et les critiques du camp adverse. Enfin, parce que les élections législatives suivent de près l’élection présidentielle, il rend très improbable un scénario de cohabitation - qui impliquerait, malgré tout, une certaine modération dans le combat politique.
Le mode de scrutin des élections législatives joue dans le même sens. Uninominal, éliminant les candidats ayant obtenu au premier tour moins de 12,5% des voix des électeurs inscrits, il favorise les grands partis, et traduit les fluctuations de l’électorat en basculements brutaux. Basculements entre la gauche et la droite (les élections de 2007 ont permis à Nicolas Sarkozy, et celles de 2012 à François Hollande, de disposer de majorités absolues à l’Assemblée nationale), mais aussi au sein de chaque camp (la montée du FN divise l’UMP, et menace même sa prépondérance au sein de la droite).
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institut présaje
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"gérard moatti"
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LA POLITIQUE SUR LE RING : QUAND LA LOI ENCOURAGE ET ORGANISE L’ANTAGONISME
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## Prime à la surenchère démagogique
Ce caractère radical des changements de majorité alourdit les enjeux de la lutte et influe sur le comportement des acteurs. Avant l’élection présidentielle, il encourage les surenchères démagogiques - on l’a vu lors de la campagne de 2012. Les élections passées, il est très rare qu’une mesure prise par l’équipe en place trouve grâce aux yeux de l’opposition - au sein de laquelle, en outre, s’exerce une rivalité dans la virulence des critiques - alors que, dans bien des domaines, on peutconstater une grande continuité dans les politiques effectivement mises en œuvre.
Cet antagonisme « par construction » est-il un handicap pour le pays ? Oui, parce qu’il accélère l’usure du pouvoir et fragilise son action : pour toute réforme projetée, à la patiente recherche de consensus se substitue le test incertain des sondages - ou l’épreuve de la rue. Et aussi parce que les partis dits « de gouvernement », à force de transformer la politique en spectacle, ruinent sa crédibilité et accréditent des scénarios autrement redoutables...
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institut présaje
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"armand braun"
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LA RECHERCHE DE CONSENSUS OU L’APPRENTISSAGE DU NOUVEL ART DE VIVRE ENSEMBLE
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# La recherche de consensus ou l’apprentissage du nouvel art de vivre ensemble Au départ, deux points de vue opposés. A l’arrivée, un compromis en vue d’une action commune. Dans les sociétés traditionnelles, le « consensus » est l’aboutissement de longues approches et de longs palabres. Mais qu’en est-il dans le monde crispé et pressé de ce début de XXIème siècle ? Armand Braun voit trois difficultés à surmonter dans le contexte actuel. D’abord prendre acte d’un durcissement général des antagonismes. Ensuite, surmonter un diffus sentiment de défiance. Enfin, civiliser les mœurs de la société numérique... Le consensus n’a pas d’âge. Cette manière de négocier est sans doute née avec le marché, dans un lointain passé : sans consensus, en effet, pas de transaction. Le consensus évite les conflits : il permet de tenir compte de la diversité des points de vue, peut faire surgir des compromis auxquels nul n’aurait pensé initialement, il est aussi un moyen pour chacun de s’obliger à clarifier et approfondir sa propre pensée, de faire effort pour l’expliquer et y rallier éventuellement les autres. La recherche du consensus, souvent secrète, certainement dénuée de transparence, est une démarche vertueuse. Depuis toujours, les familles, les groupes de toute nature, les nations recherchent le consensus, en leur sein et dans leurs relations avec les autres. L’exemple le plus connu est celui de la création, dans les années qui ont suivi la deuxième Guerre mondiale, des institutions de Bruxelles par les Etats européens dans l’intention de préserver durablement la paix. La recherche du consensus jouera certainement un rôle demain, comme hier et aujourd'hui. Pourtant, parmi les innombrables transformations que subit le monde, il y a lieu de penser qu’elle va devenir de plus en plus difficile... ... parce que les temps le sont : la défiance tend à remplacer la confiance a priori nécessaire à la recherche du consensus,
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institut présaje
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"armand braun"
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LA RECHERCHE DE CONSENSUS OU L’APPRENTISSAGE DU NOUVEL ART DE VIVRE ENSEMBLE
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... parce que tous les groupes humains subissent de terribles tensions dont les difficultés de fonctionnement de plus en plus grandes que rencontrent les institutions internationales, européennes et mondiales sont une illustration parmi bien d’autres, ... parce que beaucoup de décisions relèvent d’alternatives qui excluent tout compromis et interdisent une issue gagnant-gagnant ; un exemple : l’exploitation des gaz de schistes en France se fera ou ne se fera pas (not in my back yard), ... parce que les arbitrages entre avenir et présent se font presque toujours en faveur de ce dernier, dans l’indifférence aux conséquences à plus long terme, ... en relation avec la montée des outils numériques et des réseaux sociaux, dont le fonctionnement ignore les longues palabres souvent nécessaires à l’apparition du consensus. Le consensus peut porter sur n’importe quoi : faire ou défaire ; promouvoir ou étouffer ; il y a le consensus momentané, qui n’est qu’un armistice ; le consensus imposé, qui est une forme de capitulation ; le consensus immédiatement discrédité défini par ce poncif médiatique : « une décision qui ne fait pas l’unanimité » ; le consensus instrumentalisé par un pouvoir, une croyance ou une idéologie, comme cet « état de consensus » que déclarait le Père Supérieur d’un couvent du Moyen âge pour imposer son point de vue quand les moines n’arrivaient pas à se mettre d’accord ou optaient dans un sens différent du sien (cette anecdote m’a été racontée par Jean-Marie Domenach).
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institut présaje
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"armand braun"
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LA RECHERCHE DE CONSENSUS OU L’APPRENTISSAGE DU NOUVEL ART DE VIVRE ENSEMBLE
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En matière politique, par exemple, le consensus est recherché à travers des systèmes de représentation (élus, partenaires sociaux...) qui subissent une désaffection dont témoigne la montée ininterrompue de l’abstention électorale. En fait, ce principe majeur de la vie en société se dégrade, entre autres du fait de l’expression immédiate rendue possible par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Que va-t-il advenir de ce principe de la démocratie qui veut qu’il y ait consensus pour donner le pouvoir à la majorité, alors même que tout le monde n’en partage pas les options ? Le thème du consensus pourrait retrouver une certaine importance au moment où les antagonismes se durcissent entre les administrations et la société civile, les artisans et les entrepreneurs, les analphabètes de l’informatique et les geeks, les jeunes et les vieux, les tenants d’idéologies différentes... Les milieux se referment sur eux-mêmes. L’enjeu, c’est ce que les Allemands appellent la Gemeinschaft, expression que la notion de vivre ensemble traduit imparfaitement. Entre les personnes, entre les groupes, entre les personnes et les groupes, entre tous et les institutions, les règles et les principes de relations harmonieuses sont, de fait, affaiblis. Il s’agit de les repenser ou de les revitaliser. Il faut inventer ex nihilo des consensus en phase avec la réalité d’aujourd’hui et de demain. Thème apparemment désuet, la recherche du consensus redevient un programme s’il est encore possible de faire contrepoids au rapport de force, son adversaire historique.
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institut présaje
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"albert merlin"
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PARTIS PRIS, DIAGNOSTICS BÂCLÉS
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# Partis pris, diagnostics bâclés Les républiques changent, la France reste en tête du palmarès de la discorde. Pourquoi cet éternel climat de guerre civile ? Albert Merlin avance deux explications. D’abord un excès « d’imagination créatrice » qui transforme la vie publique en foire permanente aux idées. Ensuite, un défaut de rigueur dans la controverse économique. L’expression des opinions précède l’analyse sereine des faits. Un espoir : que la Cour des Comptes fournisse le socle « d’informations communes partagées » qui fait défaut dans le débat public. « En France, on se déchire, en Allemagne, on se concerte »¹.J’emprunte à Jean-Louis Beffa ce raccourci saisissant. Saisissant et incontestable ! Pourquoi ce contraste ? Les analyses ne manquent pas. C’est la faute à l’Histoire, à notre tempérament « révolutionnaire », à notre amour du discours : notre ADN social, en somme, ne serait pas porté au consensus. On n’oublie qu’une chose. Ou plutôt deux.
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institut présaje
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"albert merlin"
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PARTIS PRIS, DIAGNOSTICS BÂCLÉS
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Premièrement : les habitants de l’Hexagone, très discoureurs, attribuent cela à leur intelligence, qu’ils croient légèrement supérieure à la moyenne. Comment en douter ? Leur « production » intellectuelle sur tous les sujets (production industrielle, distribution, protection sociale, fiscalité) n’est-elle pas une preuve de leur capacité d’imagination ? Avec, à la clé, une boîte à pharmacie sans égale : il n’y a aucun problème qui ne suscite l’apparition d’un médicament possible. On écoute peu, on parle beaucoup. Les Français sont formés ainsi depuis leur plus jeune âge. Chacun a sa petite idée et l’exprime volontiers, à l’exception des sciences « dures », où il est tout de même plus difficile d’affirmer que la Terre est carrée. Dans les disciplines qualifiées de « molles » (économie, sociologie, science politique), c’est la foire aux idées : dans la presse, dans les bureaux, dans le métro. Ce foisonnement, à condition d’être inventif, devrait normalement faciliter la recherche du consensus. Non, ce serait déchoir ! Sans doute faut-il admettre que les Français sont faits pour le culte de la dissension. C’est la conclusion implicite de Michel Rouger dans ce même numéro. En précisant tout de même qu’il existe en France, sans qu’on le dise, un substitut, qu’il nomme « consensus délégataire » : le peuple ne reconnaît finalement qu’un seul chef à qui donner son pouvoir : l’Etat, qu’il entretient « à très grands frais » ! Deuxième trait hexagonal, qui renforce la position de la France dans le palmarès de la discorde : le traditionnel mélange entre diagnostic et ordonnance, particulièrement accentué en économie.
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institut présaje
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"albert merlin"
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PARTIS PRIS, DIAGNOSTICS BÂCLÉS
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## Le mélange des faits et des opinions Chez les Anglo-saxons, sur quelque question que ce soit, on analyse d’abord les faits, et ensuite seulement les médications. Chez nous, non : l’analyse factuelle prend du temps, elle le vole au temps de la prescription, laquelle procède du génie créateurde nos auteurs. Résultat : on débat à la fois - et dans le désordre - des faits et des recommandations. Faut-il s’en étonner, dans un pays où l’analyse économique est considérée non comme une démarche scientifique mais comme l’expression d’une opinion ? Ce biais, particulièrement marqué dans l’Hexagone, fait que l’espoir d’un quelconque consensus relève du pari aventureux. Car comment espérer aboutir à des consentements réciproques si l’on n’est pas d’abord d’accord sur les faits ? Exemple : l’éternel échange d’amabilités et parfois d’invectives sur le thème des inégalités. L’opinion courante, en France, est que notre pays est parmi les plus inégalitaires. Les organismes statistiques les plus sérieux, chiffres à l’appui, nous apprennent qu’il n’en est rien. Encore faut-il regarder les chiffres ! Qui le fait ?
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institut présaje
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"albert merlin"
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PARTIS PRIS, DIAGNOSTICS BÂCLÉS
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La remarque vaut pour la plupart des notions économiques de base. Les comparaisons internationales sur les retraites, la durée du travail, la protection sociale, tenues à jour par des statisticiens dépourvus de préjugés, pourraient constituer un socle incontestable. On pourrait même envisager (on peut rêver) d’un « Text Book » purement descriptif, où les mécanismes économiques fondamentaux et leurs contraintes seraient présentés de façon non partisane (ce qui n’est pas le cas dans la plupart des manuels actuels), sachant que le mécanisme des prix, de l’investissement et de l’épargne n’est a priori ni de droite ni de gauche. Il s’agirait en somme d’un cours d’anatomie. Ce rêve comporte-t-il un gramme de probabilité ? Bien sûr que non. La fête au parti pris, au diagnostic bâclé et aux propositions non documentées va continuer. A quoi bon, dans ces conditions, parler de recherche de consensus ? Il y a cependant un trouble-fête qui, depuis quelque temps, tente d’esquisser un nouveau paysage : la Cour des Comptes. Institution réputée routinière et traditionnellement confinée au contrôle des procédures, la Cour des Comptes s’attaque maintenant aux sujets les plus « tabous », en adoptant la démarche scientifique (diagnostic et préconisations) : grandes entreprises nationales, établissements d’enseignement, finances locales, rien n’est laissé de côté , et la Cour ne se prive pas de juger les erreurs de calcul où l’insuffisance des démonstrations associées aux décisions d’investissement . Si seulement les medias - singulièrement l’audio visuel - accordaient autant d’importance aux rapports de la Cour qu’à l’écoute des petites phrases des hommes politiques ou à l’observation de la couleur des cravates du Président, la recherche du consensus pourrait avancer...
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institut présaje
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2013-10-01
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"albert merlin"
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PARTIS PRIS, DIAGNOSTICS BÂCLÉS
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Mais il faudrait que la classe politique joue le jeu. Infatigable prosélyte de la tolérance, Bernard Esambert résume élégamment son ardent plaidoyer : « Que pendant deux ans, trois ans maximum, l’ensemble des forces politiques s’unissent pour mettre en commun des convictions bien supérieures aux divergences que les apparences leur confèrent, voilà qui permettrait à notre pays de reprendre le chemin qui a été le sien à plusieurs reprises dans le passé. »². Bernard Esambert y croit. Ou plutôt veut y croire.Mais il ne donne pas de date. Rousseau disait qu’il « faudrait des dieux pour gouverner les hommes ». Non. Il suffirait qu’ils se supportent. ^1^ « Le Monde », supplément Europa, 13/09/2013 ^2^ Une vie d’influence, Flammarion
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institut présaje
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"émile favard"
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LES VOIES ÉTROITES D’UN « CONSENSUS MINIMUM » POUR SORTIR DE L’IMMOBILISME
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# Les voies étroites d’un « consensus minimum » pour sortir de l’immobilisme Mieux vaut une franche dispute qu’un consensus mou. Mais pour avancer, il faut bien à un certain moment parvenir au compromis qui permettra un déblocage. Or tout est fait dans notre pays pour encourager les comportements immobilistes, l’enfermement dans le bunker de ses idées, de son parti ou de sa communauté. Un exemple : tout projet nouveau est étrillé chaque jour par une coalition d’humoristes lyncheurs et d’éditorialistes donneurs de leçons. Pas de consensus sans retour au réel et sans une part de confiance et de bienveillance... La France en mal de consensus ? D’abord, je ne pare pas le consensus de toutes les vertus et je ne le tiens pas pour le remède miracle, garant d’une résilience nationale. Sans exprimer ma perplexité à l’endroit des consensus émotionnels, sans souligner les dangers des consensus nés de soumissions consenties ou subies qui pourraient participer à une démarche totalitaire... je ne vois pas moins de « possibles » dans un conflit - ou pour le moins dans le débat - que dans un consensus. Cela dit, je sais bien que, sur le terrain, le pack de rugby qui pousse dans le même sens a davantage d’efficacité que si les équipiers tirent à hue et à dia. Ensuite, je souhaite d’entrée faire un sort à une explication spontanée et fréquente de la difficulté des Français à se rassembler : la montée de l’individualisme serait la cause de tous les maux. Je ne le crois pas ; les Allemands et les Anglais ne sont sûrement pas moins « individualistes ». Je suis personnellement frappé de voir dans mon entourage (et au delà !) se multiplier les initiatives locales et les projets positifs. A l’évidence, l’individu français est fortement socialisé.
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institut présaje
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2013-10-01
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"émile favard"
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LES VOIES ÉTROITES D’UN « CONSENSUS MINIMUM » POUR SORTIR DE L’IMMOBILISME
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Mais, on ne saurait biaiser : le déficit de consensus en France, réel, a des causes qui concernent un peu tout le monde ! Le Français, ainsi est sa nature, se révèle geignard et grincheux, ce qui ne facilite guère une mobilisation des énergies. En outre, ceux qui, par fonction, ont la parole publique se révèlent davantage diviseurs que rassembleurs ; tels les pros et les amateurs de l’information dans les médias et dans les réseaux sociaux ; tels les contempteurs de la situation économique ; tels les hommes politiques et les syndicalistes. Bien sûr, il existe des journaux qui valorisent les faits - la matière première de l’information -, qui les expliquent et les éclairent. Mais, au cours de ces dernières années, est devenue dominante une diffusion de nouvelles qui mettent l’accent sur l’émotion davantage que sur l’analyse, sur la contestation des projets davantage que sur leur présentation. Si bien que toute idée lancée est conspuée avant d’être explicitée ; les « contre » se succèdent sur les ondes, les micros-trottoirs balayent la superficialité de l’actualité. Il en ressort une impression de déliquescence de la communauté nationale. Les observateurs avertis de la crise, au prétexte louable d’exprimer une réalité sans fard, mettent l’accent sur les reculs et les dysfonctionnements de notre économie, de notre industrie en particulier. Sans explorer les opportunités qu’une situation de crise peut susciter ; à l’instar de la danseuse : chaussée de ballerines trop petites, elle invente de nouveaux pas ! Il en ressort un maelström négatif, qui sème la peur et conduit les citoyens à se calfeutrer derrière leurs situations acquises. D’autant que l’ambition de justice sociale était mieux admise quand on pouvait rétablir des équilibres par le haut.
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institut présaje
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2013-10-01
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"émile favard"
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LES VOIES ÉTROITES D’UN « CONSENSUS MINIMUM » POUR SORTIR DE L’IMMOBILISME
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Les politiques et les syndicalistes ont le consensus partiel, sans référence au bien commun. Le leader politique prône un consensus partisan, celui d’une population invitée à se rallier à son panache blanc, bleu ou rouge. On a entendu un Premier ministre déclarer que « la recherche du consensus est fondamentale pour que le pays se modernise », et quelque temps plus tard, le même, relégué dans l’opposition, contester dans un pays étranger la diplomatie du chef de l’Etat. Depuis l’aube des Républiques, l’opposition fait feu de tout bois jusqu’à la démesure... Rares sont devenus les dirigeants syndicaux qui intègrent tous les paramètres du monde des salariés, pour exprimer leurs revendications et leurs préconisations. Ceux de la CFDT et de la CFTC, sans doute, le font mieux que d’autres. Mais les plus bruyants cultivent leur seul pré carré, dans un syndicalisme catégoriel de fait. Tout cela nourrit les antagonismes et réduit les chances d’un consensus minimum...
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institut présaje
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2013-10-01
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"émile favard"
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LES VOIES ÉTROITES D’UN « CONSENSUS MINIMUM » POUR SORTIR DE L’IMMOBILISME
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## Le consensus minimum souhaitable
Pour une pédagogie de l’aventure collective Le consensus minimum souhaitable dans notre pays passe par un changement psychologique, par une évolution des mentalités, vers davantage de confiance les uns envers les autres. Les Français ont attrapé un mal funeste : la méfiance envers l’autre et envers l’avenir. Envers les financiers qui préfèrent les profits immédiats plutôt que de supporter et favoriser le développement de l’économie réelle ; envers « les riches » qui préfèrent l’évasion fiscale plutôt que participer à la collecte publique ; envers les étrangers qui ne s’intègrent pas à nos règles de vie ; énumération certes non exhaustive !
C’est dire si la nécessité des réformes est prégnante. Pour qu’elles suscitent l’adhésion - l’adhésion unanime est illusoire, parlons seulement d’une large adhésion, d’un consensus minimum en quelque sorte -, il convient sans doute de « combiner » les effets de quatre moteurs.
1. Le réel : il s’agit de prendre en compte la réalité, de dépasser les apparences faciles et d’expliquer la complexité.
2. La justice : c’est le préalable à tout consensus ; que nul ne se dérobe à l’effort collectif, que toute initiative ait l’équité pour pierre angulaire.
3. L’avenir : notre futur ne sera pas un clone de notre passé et c’est de neuf qu’il faut nourrir réflexions et décisions.
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institut présaje
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2013-10-01
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"émile favard"
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LES VOIES ÉTROITES D’UN « CONSENSUS MINIMUM » POUR SORTIR DE L’IMMOBILISME
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4. La parole : un discours et une pédagogie donneront du sens à toute aventure collective ; inlassablement, les dirigeants - du pays et des entreprises - diront et expliciteront l’objectif et le chemin pour l’atteindre.
On ne saurait être en peine pour trouver cent ou mille applications à ces quatre principes. Le réel ? Imaginons un « JT de 20 heures » qui choisirait une hiérarchisation des informations non en fonction des émotions capables de booster l’audimat de la chaine, mais liées au poids et à l’impact de l’événement, en misant sur l’intelligence des téléspectateurs. La justice ? Imaginons le recul des inégalités de revenus, en jouant du frein et de l’accélérateur, dans le business, le spectacle... et dans les métiers sociaux ou de services. L’avenir ? Imaginons davantage d’investissements au bénéfice de la jeunesse, de la formation et de toute perspective à long terme. La parole ? Imaginons une politique commentée à partir d’un fil directeur de cohérence, plutôt qu’une pluie de petites phrases disparates et anxiogènes.
« I have a dream ». Martin Luther King a commencé par exprimer le rêve de la fin du racisme avant que les droits civiques ne changent aux Etats-Unis, dans l’élan de son discours du 28 août 1963. Une part de rêve et d’utopie favorise aussi un enthousiasme consensuel. Le rêve européen a besoin d’être réanimé ; le rêve écologique besoin d’être crédibilisé ; le rêve de l’équilibre mondial besoin d’être nourri. Et le consensus minimum besoin d’un temps d’apprivoisement et d’apprentissage ; l’essentiel est d’avancer, au moins un peu...
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UN EXEMPLE DE SUJET SENSIBLE : LE DÉBAT SUR LA FIN DE VIE. UN CONSENSUS PAR DÉFAUT ?
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# Un exemple de sujet sensible : le débat sur la fin de vie. Un consensus par défaut ? Le législateur, le juge, la jurisprudence, le médecin, le patient... Pas facile de construire un consensus sur un sujet aussi délicat que la fin de vie, explique Thomas Cassuto. Un sujet passionnel dont le traitement maladroit dans les médias ou dans une instance professionnelle peut conduire à la rupture du fragile équilibre entre sensibilités différentes. Or il a suffi de l’emploi de l’expression « assistance à mourir » par l’Ordre national des médecins pour rouvrir une controverse que l’on croyait éteinte depuis la loi Leonetti. Dans son avis du 8 février 2013¹, l’Ordre national des médecins s’est prononcé sur « l’assistance à mourir » et sur l’opportunité de légiférer encore sur ce sujet. Le droit français interdit l’euthanasie, c’est-à-dire une pratique médicale visant à donner volontairement la mort à une personne qui le demande ou dont la dignité serait gravement et irréversiblement atteinte. La loi Leonetti de 2005 a été l’occasion d’un débat sérieux. Elle a permis de fixer une ligne relativement claire et humaine tenant compte de la réalité quotidienne. Entre l’interdiction de donner la mort et l’abstinence à toute obstination déraisonnable le médecin doit trouver la voie humaine conforme à l’intérêt du patient. Il semble toutefois que ce soit la méconnaissance de ce texte qui laisse persister trop de souffrance. Dans ce contexte, le rapport de la Commission Sicard instituée par le Président de la République ne préconise pas de réforme législative². Le médecin doit rester guidé par le principe primum non nocere. Ce rapport s’oppose à la légalisation du suicide assisté et à l’euthanasie. C’est donc avec la plus grandeprécaution qu’il faut considérer toute forme de demande exprimée en ce sens.
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"thomas cassuto"
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UN EXEMPLE DE SUJET SENSIBLE : LE DÉBAT SUR LA FIN DE VIE. UN CONSENSUS PAR DÉFAUT ?
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Ainsi, l’Académie nationale de médecine ne manque pas de relever le glissement sémantique de l’Ordre national des médecins. Pour cette dernière, la fin de vie ne peut être légitimement le résultat d’une intervention positive et délibérée du praticien. Le juge pour sa part doit assumer sa tâche de formuler les limites dans des cas certes peu nombreux mais souvent fortement médiatisés. Du point de vue des instances médicales elles-mêmes, la jurisprudence dans ce domaine est suffisamment claire et satisfaisante. Cette question semble donc toujours faire l’objet d’un consensus sociétal. Toutefois, il est symptomatique que les rares affaires portées sur le devant de la scène médiatique suscitent une reviviscence de la souffrance des uns et de la passion des autres. L’affirmation selon laquelle le patient doit rester maître de son corps n’est qu’une reformulation des principes énoncés ci-dessus mais avec une intention opposée : légitimer le suicide assisté. Dans un pays où le suicide atteint un niveau de mortalité préoccupant, il est bon de rappeler que la société a une obligation absolue de porter assistance à ceux qui sont en danger. Dans le prolongement des réflexions rapportées au sein même des instances de la médecine, il convient de s’écarter d’un écueil dramatique pour le patient, les médecins et la société : "le médecin, attaché à dédier son office à la vie dans le respect de la dignité humaine, se trouverait confronté à un paradoxe profondément déstabilisant s’il se voyait reconnaître la capacité légale, par un acte positif, de mettre un terme à la vie"³. L’invocation de la mort au nom de la dignité humaine relève de l’intime absolu et transcende la compétence du législateur. La réouverture permanente du débat pour des motifs douteux ne doit pas saper le consensus législatif, médical et sociétal sous peine de le transformer en consensus par défaut.
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"thomas cassuto"
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UN EXEMPLE DE SUJET SENSIBLE : LE DÉBAT SUR LA FIN DE VIE. UN CONSENSUS PAR DÉFAUT ?
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^1^ http://www.conseil-national.medecin.fr/system/files/fin_de_vie_fevrier_2013.pdf?download=1 ^2^ Penser solidairement la fin de vie, Rapport au président de la République, Commission de réflexion sur la fin de vie en France, 18 décembre 2012, http://www.elysee.fr/assets/pdf/Rapport-de-la-commission-de-reflexion-sur-la-fin-de-vie-en-France.pdf ^3^ Thomas Cassuto "Fin de vie: les mots et les actes" AJ pénal Avril 2013, p. 182.
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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# Quand le contenu manipulé prend le pas sur l’information indépendante Au fur et à mesure que les rédactions des médias traditionnels se vidaient de leurs journalistes en raison de la crise de la presse, une florissante industrie du contenu se développait sur internet. Une industrie libérée des contraintes éthiques du journalisme traditionnel et ouvertement dépendante de considérations commerciales. L’obsession du nombre de clics, le mélange des genres information-publicité, l’utilisation détournée des ressources de Big Data, autant de pratiques qui réduisent le champ de l’information neutre, transparente et non manipulée. Luc Fayard explique comment tout a basculé en dix ans. Que s’est-il passé ces dix dernières années dans le monde de l’information ? Avant, le public s’informait auprès de médias où les journalistes fabriquaient et délivraient une information imparfaite mais qui avait l’ambition de l’indépendance et de la contribution au bien public. Puis les chiffres ont explosé. Il y a douze ans, Facebook n’existait pas. Aujourd’hui, il s’enorgueillit de 1,5 milliard d’utilisateurs sur 7,2 milliards d’habitants : un Terrien sur cinq utilise Facebook (un sur deux dispose d’un téléphone portable) ! Un utilisateur de réseau social y consacre entre 2 et 4 heures par jour. Chaque jour, Google gère 4 milliards de requêtes, Twitter 500 millions de tweets, Alibaba 254 millions de commandes. Les quelques centaines de milliers de lecteurs des versions papier de Libération ou du Monde ne sont plus qu’une fraction de bits dans le monde « hyperscale » du web.
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"luc fayard"
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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Aujourd’hui, même s’il existe des sites web de news à succès - souvent issus de médias traditionnels - les flux qu’ils génèrent sont lilliputiens au regard de ceux des mastodontes d’internet. Les habitudes ont changé, particulièrement dans les jeunes générations. Majoritairement, le public passe une grande partie de son temps sur des sites web et des réseaux sociaux qui publient (on dit « poussent ») du « contenu ». Un contenu qui n’est plus fabriqué selon des règles du journalisme mais selon celles d’une communication soit purement individuelle soit liée au diktat du clic.
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"luc fayard"
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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## Le moteur d’internet : la publicité Etant les financiers du système et les garants de la ressource des géants de l’internet, il était prévisible que les publicitaires et les communicants deviennent des manipulateurs du contenu. Au fur et à mesure que des dizaines de milliers de journalistes abandonnaient le terrain de l’information parce que les médias n’avaient plus les moyens de les payer, ils ont été remplacés par de jeunes rédacteurs internet à la solde des communicants. Ces derniers ont créé avec eux le concept de « content management » chargé de remplir, sur les pages web, les cases vides laissées par les publicités clignotantes et autres bannières stroboscopiques. On ne dit plus information, on dit « contenu ». Tout un symbole. De L’Etranger, d’Albert Camus, sans le lire, les commerciaux du numérique diraient sans rire : «L’ouvrage totalise 32 000 mots de contenu, en français.» Ils vous feraient payer cher une extrapolation cocasse de Big Data : «le mot plage se retrouve 26 fois dans le livre !». Ensuite, vous rajoutez le modèle de la longue traine (Long Tail): utilisez le plus de mots clés possibles en les sélectionnant tous les jours dans la liste des mots à la mode dans les moteurs de recherche internet, actualisée en temps réel. Secouez le tout avec une bonne technique de référencement SEO (Search Engine Optimization), qui optimise le classement de votre site web dans les recherches de Google et le tour est joué. On vous dit exactement le contenu qu’il faut écrire, publier, filmer pour qu’il induise la probabilité d’un maximum de clics.
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"luc fayard"
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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De nombreux sites web fonctionnent ainsi, y compris des sites dits « d’information ». Et leur succès est réel. Certes, le classement des sites web selon leur audience est aussi sujet à caution que pouvait l’être en son temps le classement OJD des journaux papier. Mais, d’un classement à l’autre, les tendances sont les mêmes : les premiers sites visités en France s’appellent Orange, Facebook ou Microsoft. Le seul site indépendant et sans publicité bien placé est Wikipedia mais sa méthode encyclopédique souffre de l’apparition d’ayatollahs bénévoles, auto-proclamés dépositaires du savoir sur tel ou tel sujet.
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"luc fayard"
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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## Le contenu est le faire-valoir de la publicité Sur les sites les plus consultés, le contenu d’apparence journalistique devient l’habillage de la publicité qui lui est associée, son produit d’appel. Après tout, Les Echos sont nés comme cela en 1908. Le journal économique a démarré comme support papier des activités commerciales de la famille Schreiber. A un moment, il fallut créer des articles pour boucher les trous dans les pages d’annonces. Les Echos devinrent un vrai journal quand son patron prit conscience des attentes d’un public demandeur d’informations neutres et vérifiées. Dans le vaste monde du « contenu » sur internet, il faut savoir que - sans surprise - les communicants les plus riches sont les plus influents. En tête de liste, on trouvera ceux de la CIA/NSA ou des agences chinoises équivalentes, sans oublier les multinationales du classement « Fortune 1000 » obsédées par leur e-reputation et les terroristes financés par le pétrole du Moyen-Orient. A côté de ces colosses, les hackers individuels ou même Anonymous sont de modestes perturbateurs. Les grandes cyberattaques sont organisées par des gouvernements. Mais sur le web, Goliath et David cohabitent sans problème. On peut même démarrer des actions de communication sans dépenser un centime et - surtout - sans laisser de traces. Il suffit d’appeler un ami blogueur, sur Viber ou sur Skype, branché sur un hotspot wifi de McDonald’s. Plus sophistiqué, un logiciel VPN (Virtual Private Network) donnera à votre ordinateur connecté une fausse adresse IP (Internet Protocol, l’adresse télécom spécifique de votre ordinateur et qui le géolocalise), variable d’une connexion à l’autre : il coûte quelques euros par mois et il est parfaitement légal.
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QUAND LE CONTENU MANIPULÉ PREND LE PAS SUR L’INFORMATION INDÉPENDANTE
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Avec sites web, blogs et réseaux sociaux à sa disposition, le pouvoir d’influence et de nuisance des communicants ne connaît plus de limite. Il suffit pour s’en convaincre de lire «Croyez-moi, je vous mens» de Ryan Holiday (éditions Globe), confession sulfureuse d’un renégat torturé par le remords. L’auteur décrit les artifices pour faire parler d’une marque, d’un produit, d’une personne, en dépensant le minimum d’argent et en utilisant au maximum l’effet boule de neige d’internet.
## La modération par la foule
Mais on en n’est qu’au tout début de l’ère numérique. Tôt ou tard viendra le retour de balancier.
Récemment, nous avons tous vu cette photo émouvante de deux gamins apeurés, recroquevillés l’un contre l’autre. Présentés comme des rescapés du séisme népalais d’avril 2015, ils se sont avérés être en fait des Vietnamiens, frère et sœur, photographiés en 2007. Certes, de nombreux internautes ont immédiatement relayé la photo. Il existera toujours un ventre mou du web, même si la formation au numérique entre à l’école primaire. Mais, au final, la bonne nouvelle est qu’il n’a fallu que quelques heures pour qu’on découvre le pot aux roses, grâce à la réaction rapide sur Twitter de l’auteur de la photo, le photographe Na-Son Nguyen. Réaction aussitôt propagée sur le web.
Voilà la face lumineuse du web. L’erreur y circule sans frein mais un peu de vigilance permet de la traquer et de rebondir aussi vite que possible. L’apprentissage critique des e-citoyens et l’encadrement éthique des prochaines générations de e-journalistes sont l’antidote à la fausse nouvelle et à la manipulation.
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institut présaje
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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# Les « digital natives », une vraie rupture sociétale, Le sociologue Ferdinand Tönnies en contrepoint Le système des Tweets et plus généralement de « profil » internet de type Facebook ou Google + se rapproche de la « communauté d’amitié » décrite à la fin du XIXème siècle par le sociologue allemand Ferdinand Tönnies : « l’amitié spirituelle forme une espèce de lien invisible, une cité, une réunion mystique animée par une intuition et une volonté créatrice ». Les nouvelles technologies sont-elles en train de ramener l’individu à la tribu ? L’Etat, la grande institution et la grande entreprise ont du souci à se faire. Troisième et dernier volet de l’enquête de Gérard Thoris sur le basculement sociétal des « digital natives ». Voir Presaje.Com n°24 (Marshall McLuhan) et n°25 (Adam Smith) Voici qu’on vous annonce le rendez-vous annuel de l’organisation - entreprise, association ou administration - dans laquelle vous travaillez. Bien entendu, en bon Français, vous vous moquez un peu de ces liturgies sociales mais, pour rien au monde, vous ne manqueriez la célébration, ne serait-ce que pour rencontrer en face à face collaborateurs, collègues et amis avec lesquels vous échangez désormais de manière virtuelle. Seulement voilà, un petit rien vous intrigue : votre n+1 vous demande de créer un compte Twitter ! Un peu surpris, vous résistez à cette injonction mais, le jour J, vous ne pouvez plus y couper. A chaque instant, des ateliers aux réunions plénières, il vous faudra « twitter » vos idées - dont le partage est évidemment un des buts de la rencontre -, vos états d’âme - ce qui dépasse un peu le cadre de la vie professionnelle ou associative -, les photos que vous prendrez ici ou là dans la manifestation. Tous ces Tweets sont bien entendus reçus de tous et, en même temps, projetés en temps réel sur les écrans que l’on retrouve jusqu’aux portes des chambres de l’hôtel !
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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Hier, on apprenait à distinguer liberté de conscience et liberté d’expression et l’on savait que « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Aujourd’hui, on se moque de la vérité mais on exige une forme de transparence entre l’apparition d’une idée ou d’un sentiment et son expression publique. Voilà qui nous ramène longtemps en arrière. Marshall McLuhan, encore lui, expliquait que « l’homme alphabétisé subit une profonde séparation de sa vie imaginative, émotive et sensHier, on apprenait à distinguer liberté de conscience et liberté d’expression et l’on savait que « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Aujourd’hui, on se moque de la vérité mais on exige une forme de transparence entre l’apparition d’une idée ou d’un sentiment et son expression publique. Voilà qui nous ramène longtemps en arrière. Marshall McLuhan, encore lui, expliquait que « l’homme alphabétisé subit une profonde séparation de sa vie imaginative, émotive et sensorielle »^1^. Eh bien, osons l’analogie : l’homme twitter et twitté perd cette distance critique, avec une conséquence fondamentale en matière de socialisation : « Si l’Occidental subit une profonde dissociation de sa sensibilité intérieure, du fait qu’il utilise l’alphabet, il y trouve par contre la liberté personnelle de se dissocier du clan et du système de parenté » (ibid.).
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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Sommes-nous vraiment en train de perdre cette liberté de se constituer comme individu ? Pour tenter de répondre à cette question, on peut s’appuyer sur la distinction entre Communauté et société développée par le sociologue allemand Ferdinand Tönnies en 1887. Le monde moderne est celui de la société (Gesellschaft). Il répond bien « au changement que l’homme tribal éprouve quand il s’alphabétise. Sa relation avec son groupe social se vide presque complètement de toute émotion et de tout sentiment familial collectif » (Marshall Mc. Luhan,ibid., p. 106). Dans les termes de Ferdinand Tönnies, cela veut dire que la société est fondée sur un acte volontaire dans lequel « chacun est pour soi et dans un état de tension vis-à-vis de tous les autres »^2^. Cette société « brise continuellement ses frontières réelles ou fortuites » (ibid., p. 208), que ce soit la famille, la classe où l’on étudie, la corporation dans laquelle on travaille... Ce que Le Chapelier fait inscrire dans la loi, « entre l’individu et l’Etat, il ne doit pas y avoir de corps intermédiaires » (1791), la société le réalise spontanément suivant le moteur de l’intérêt : « Chaque personne recherche en elle son avantage propre et n’approuve les autres que dans mesure et pour le temps où celles-ci désirent le même avantage qu’elle-même » (ibid.). Au contraire, « partout où des hommes dépendent les uns des autres par leurs volontés organiques et s’approuvent réciproquement, il y a communauté » (Gemeinschaft) (ibid., p. 199). Or, notre système de Tweet et, plus généralement, de « profil » internet (Facebook, Google+, etc.) se rapproche de la communauté d’amitié telle que la définit Tönnies : « L’amitié spirituelle forme une espèce de lien invisible, une cité, une réunion mystique animée en quelque sorte par une intuition et une volonté créatrice » (ibid., p. 200).
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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## De la société aux « communautés d’amitié » Reste à comprendre l’enchevêtrement de la communauté et de la société. Tönnies s’est défendu de tout évolutionnisme. Pourtant, que ce soit Smith, Tocqueville, Durkheim ou Marshall McLuhan, tous, avec des arguments divers, observent la puissance de l’individu libéré des contraintes sociales pour créer une société civile de nature marchande. En d’autres termes, l’époque moderne peut être considérée comme le triomphe progressif de la société civile sur « la parenté, le voisinage (voire) l’amitié » (ibid., p. 199), c’est-à-dire sur les conceptions organiques de la société. Le curseur va bien de la communauté à la société, malgré certaines résistances significatives des formes de vie communautaire. Or, ne peut-on dire qu’aujourd’hui, le curseur paraît aller de la société aux communautés d’amitié, avec un pluriel représentatif de l’éclatement des valeurs personnelles et sociales ? Savourons ce texte de Tönnies : « La divinité reconnue et fêtée par les mêmes esprits intervient directement dans l’entretien du lien puisqu’elle seule, ou elle avant tout, lui confère une forme vivante et durable. Ce bon esprit n’est pas le dieu d’un lieu fixe, mais vit dans la conscience de ceux qui le vénèrent et les accompagne dans leurs voyages en terre étrangère » (ibid., p. 200). Le texte n’est pas clair sur ce que peut être cette « divinité » mais l’essentiel est bien qu’elle soit « reconnue par les mêmes esprits ». L’application aux réseaux sociaux coule de source !
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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Nous voilà devant un problème social de taille : si les nouvelles technologies effacent les conséquences de l’alphabétisation, si émotionnellement, elles ramènent l’individu à la tribu (citation inverse de Marshall McLuhan, p. 106), comment peuvent encore fonctionner les grandes institutions poussées par le développement de la société : les entreprises multinationales ou l’État ? Constatons d’abord qu’elles ont perdu la confiance des sondés. En février 2015, à peine 33 % des personnes interrogées font confiance au gouvernement ; au contraire, 68 % d’entre elles font confiance au conseil municipal^3^. Ce pourraient être des chiffres liés aux personnes mais la démocratie elle-même est questionnée : elle fonctionnait « assez bien », voire « très bien » pour 50 % des sondés en décembre 2009 ; elle fonctionne désormais « pas très bien », voire « pas bien du tout » pour 61 % d’entre eux en février 2015^4^. Quant aux grandes entreprises privées, leur capital confiance (48 %) ne tient pas la route par rapport aux petites et moyennes entreprises (84 %). Sans vouloir compliquer les choses, on peut considérer que la confiance est comme l’amitié spirituelle de Tönnies : « Elle forme une espèce de lien invisible, une cité, une réunion mystique animée en quelque sorte par une intuition et une volonté créatrice » (op. cit., p. 200). Alors, on comprend mieux l’usage du Tweet dans les réunions professionnelles ou associatives. Que ses promoteurs en soient ou non conscients, il a pour but de créer ce lien affectif qu’affectionnent les digital natives. Mais il a évidemment pour conséquence parallèle de refroidir les cerveaux structurés par l’alphabétisation !
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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## Le Tweet de l’homme politique, exercice convenu Mais qu’en est-il dans la vie politique ? Les hommes politiques peuvent bien tweeter, par procuration ou personnellement, cela ne peut être que convenu. Plus grave, ils ont perdu la main lorsqu’ils cherchent à susciter l’unité nationale derrière les valeurs de la République. Le simple fait de devoir s’y référer explicitement est déjà le signe que leur force dans la conscience des citoyens s’est amenuisée. Mais comme pour tenter de réveiller une ardeur éteinte, ils ont usé et abusé de ce qui est devenu une abstraction, 65 % des Français déclarent que « l’emploi des termes de « République » et de « valeurs républicaines » par les politiques ne les touche et ne leur parle pas vraiment car ces termes ont été trop utilisés et ont perdu leur force et leur sens »^5^. Bien entendu, des événements d’une extrême gravité qui remettent en cause de manière concrète ces valeurs, dont « la sûreté », créent un mouvement social de grande ampleur, ainsi qu’on l’a vu avec « l’esprit du 11 janvier ». Mais il est à noter que cette « valeur » pourtant inscrite dans le préambule de la Constitution du 24 juin 1793 ne fait pas partie des mémentos de la République ! Finalement, l’état des communautés politiques avant la création des Républiques modernes pourrait servir de modèle pour envisager le monde de demain. N’est-ce pas ce qu’il faut comprendre avec les demandes d’autonomie en Ecosse ou en Catalogne ? Que tout soit fait par les représentants élus pour éviter l’éclatement de la société, c’est compréhensible. Mais, à moins de les interdire pour un motif ou pour un autre, ils sont ou seront obligés d’organiser une nouvelle répartition du pouvoir avec les communautés qui se constituent sur la toile comme autant de synapses dans le cerveau !
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institut présaje
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"gérard thoris"
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LES « DIGITAL NATIVES », UNE VRAIE RUPTURE SOCIÉTALE, LE SOCIOLOGUE FERDINAND TÖNNIES EN CONTREPOINT
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Est-ce que l’empire est ce modèle ? Ce n’est pas si simple. L’empire d’hier gérait des communautés constituées sur une base géographique. L’exemple des Français candidats au djihad montre que le problème ne se pose plus exactement dans les mêmes termes. La déchéance de la nationalité ne fait que confirmer celui qui la subit : le lieu qui le voit naître chaque jour, ce n’est pas une famille, une classe, un quartier, une entreprise, c’est un réseau de « like » où l’altérité est proscrite ! Décidément, les mânes de Karl Marx sont toujours vivants : le progrès technique détermine, en dernière instance, la superstructure juridico-politique ! La question de sa prochaine forme historique est ouverte. ^1^ Marshall Mc Luhan (1968), Pour comprendre les média. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris, Mame/Seuil, coll. Points, p. 112 ^2^ Ferdinand Tönnies (1887), Communauté et société, extraits choisis sous la direction de Karl M. Van Meter (1992), La sociologie. Textes essentiels, Paris, Larousse, p. 207 ^3^ Sondage CEVIPOF, vague 6bis, février 2015. Média Internet http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/resultats-1/vague6/vague6bis/ , page 18. ^4^ Ibid., p. 23 ^ 5^ On peut discuter du caractère exagérément fermé de la question posée par l’IFOP pour Atlantico les 19-21 mai 2014. Média Internet http://www.atlantico.fr/decryptage/sondage-65-francais-ne-sont-plus-sensibles-aux-termes-republique-et-valeurs-republicaines-jerome-fourquet-vincent-tournier-2134825.html, publié le 10 mai 2015.
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"françois ecalle"
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OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES : LE SITE « DATA.GOUV.FR » A DES PROGRÈS À FAIRE
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# Ouverture des données publiques : le site « data.gouv.fr » a des progrès à faire La mise à disposition, dans de bonnes conditions d’accès, d’un grand nombre de données produites par les administrations publiques est évidemment souhaitable, mais encore faut-il que ces données soient compréhensibles et présentent un minimum de garanties de fiabilité. Presaje.Com a demandé à François Ecalle, chargé d’un cours de politique économique à l’Université Paris 1, de tester le site data.gouv.fr. Supposé devenir la vitrine de l’open data en France, le site a des progrès à faire. Il ne convainc pas que les données rassemblées et publiées ont les propriétés de lisibilité et de fiabilité espérées. Le site www.data.gouv.fr, placé sous la responsabilité de la « mission Etalab » du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (service du Premier ministre), apparaît d’abord comme un grand bazar de données où se trouvent aussi bien les statistiques démographiques nationales de l’INSEE que la localisation des stations de vélos à Toulouse. Les données sont regroupées dans neuf grands thèmes (économie et emploi, culture, société, territoires et transports etc.) à l’intérieur desquels il n’y a pas de classement par sous-thèmes. Le thème « économie et emploi » par exemple rassemble ainsi des données en vrac sur le prix des carburants en France, les participations cotées de l’Etat, le chômage de longue durée, le budget de la ville de Montpellier, le bilan social du département de l’Oise, etc.
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institut présaje
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OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES : LE SITE « DATA.GOUV.FR » A DES PROGRÈS À FAIRE
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Beaucoup de producteurs de ces données publiques sont « certifiés » par la mission Etalab, ce qui semble seulement signifier, à la lecture des succinctes indications données sur les conditions de cette « certification », qu’il s’agit d’organismes chargés d’une mission de service public. Tous les services de l’Etat, ses établissements publics et les collectivités territoriales étant chargés d’une mission de service public, le processus de certification ne paraît donc pas très exigeant. Or une information n’est pas nécessairement fiable parce qu’elle provient d’un organisme public.
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OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES : LE SITE « DATA.GOUV.FR » A DES PROGRÈS À FAIRE
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## Label et certification Rappelons qu’il existe en France un service statistique public, comprenant l’INSEE et les services statistiques ministériels, qui respecte des normes professionnelles, inscrites dans un code de bonnes pratiques prévu par un règlement européen, sous le contrôle de l’Autorité de la statistique publique (ASP). D’autres organismes, privés pour certains, produisent des statistiques publiques qui peuvent faire l’objet d’une labellisation, garantissant leur conformité au code de bonnes pratiques par l’ASP. La « certification » des données publiées sur le site data.gouv.fr est encore loin du contrôle du respect de ces « bonnes pratiques » par l’ASP et risque d’entraîner une confusion entre les « statistiques publiques » labellisées par l’Autorité de la statistique publique et les « données publiques » certifiées par Etalab. Sur ce site de référence de l’Open Data public, j’ai regardé d’un peu plus près les données publiées dans la catégorie « économie et emploi » que je connais mieux. J’y ai d’abord trouvé des liens hypertextes vers les sites de l’INSEE, des services statistiques ministériels ou d’Eurostat, ce qui n’appelle aucune observation si ce n’est qu’ils sont nettement moins bien présentés sur data.gouv.fr que sur les sites auxquels celui-ci renvoie. J’ai également trouvé des données budgétaires en vrac dans des tableaux Excel, sans la moindre explication méthodologique. Personnellement, je sais à quoi correspondent les « AE autres titres du programme contribution au désendettement de l’Etat de la mission gestion du patrimoine immobilier » mais je ne suis pas sûr que beaucoup comprennent ce que cela signifie. Au mieux, ces informations sont inutiles ; au pire, elles seront mal utilisées, car non compréhensibles, par ceux qui ne sont pas initiés au droit budgétaire.
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OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES : LE SITE « DATA.GOUV.FR » A DES PROGRÈS À FAIRE
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En outre, certaines de ces données sont anciennes (par exemple, des séries de dépenses budgétaires sur la période 2000-2009), alors même que des informations plus récentes existent. Plus surprenant, j’ai découvert des données sur le nombre de demandeurs d’emplois en fin de mois en Corse (par sexe, catégorie, tranche d’âge etc.) produites par la collectivité territoriale de Corse (producteur « certifié »). Il s’agit d’un fichier Excel dont le contenu est difficilement lisible. La maigre notice explicative précise que la source est « Pôle emploi, Dares, Direccte - retraitement Pôle prospective et observation des mutations économiques du CARIF-OREF ». Il s’agit donc apparemment des statistiques de Pôle emploi et de la DARES, mais la mention du « retraitement Pôle prospective… » est particulièrement inquiétante car elle semble signifier que les statistiques de Pôle emploi et de la DARES, labellisées par l’Autorité de la statistique publique, ont été corrigées dans des conditions obscures par un non moins obscur CARIF-OREF. Ma navigation sur le site data.gouv.fr a certes été très rapide et les pages que j’ai regardées ne sont sûrement pas représentatives, mais je conseille la plus grande prudence à ceux qui iront collecter des informations dans l’open data public. Il est évidemment souhaitable de rendre disponibles beaucoup plus de données publiques, mais pour être utiles, elles doivent être fiables et compréhensibles, ce qui suppose un minimum de traitements et de contrôles pour garantir cette fiabilité et faciliter cette compréhension. Or les données disponibles sur data.gouv.fr ne me semblent pas posséder ces propriétés de fiabilité et de lisibilité. Le réseau internet est un extraordinaire instrument de diffusion des connaissances, mais aussi de propagation des erreurs. Le service public devrait donner l’exemple et faire plus d’efforts pour aider les internautes à faire le tri entre ces informations.
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LA FRANCE DANS L'AMBIGUÏTÉ D'UN « CONSENSUS DÉLÉGATAIRE » AU PROFIT DE L'ETAT
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# La France dans l'ambiguïté d'un « consensus délégataire » au profit de l'Etat
La Cinquième République a eu le mérite de rendre possible l'avènement d'un pouvoir majoritaire dans un pays poussé par nature à la division et à l'affrontement. Mais la France ne se donne un chef qu'à titre provisoire. Le consensus à la française est « roublard et compliqué » explique Michel Rouger. C'est l'Etat qui, depuis Richelieu, bénéficie d'un « consensus délégataire ». Une exception française derrière laquelle se dissimule un « consensus de repli ou d'abandon » dans les périodes troubles. Comme celle que vit la France depuis vingt ans...
Consensus : vaste problème, aurait dit le général de Gaulle, plus grand spécialiste du sujet au XXe siècle… En effet, en France, le consensus apparaît impossible. Non, il suffit d'aider le peuple souverain à tempérer une nature propre aux divisions, aux dissensions, qui le pousse - selon Pierre Dac qui fut, aussi, en 1940 à Londres - à s'affirmer, dans la joie,
« Pour tout ce qui est contre, contre tout ce qui est pour ».
Ce peuple, dont tant de dirigeants voudraient changer l'image, est comme il est, un souverain qui ne se donne à un chef qu'à titre provisoire. Le général l'avait compris, qui au-delà de sa personne, éjectée deux fois, a créé le consensus populaire par lequel, depuis 55 ans, la France fonctionne avec un pouvoir majoritaire alors qu'il n'en existe aucun au sein du peuple. Pour bien comprendre, il faut sortir de l'hexagone quand on veut traiter un sujet aussi sérieux.
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LA FRANCE DANS L'AMBIGUÏTÉ D'UN « CONSENSUS DÉLÉGATAIRE » AU PROFIT DE L'ETAT
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## Le consensus politique chez nos grands voisins
Le peuple anglais pratique depuis des siècles un consensus d'intérêt propre à sa nature ilienne. Il vit un système de démocratie représentative immuable. Renouvelé énergiquement dans sa composition, il admet des débats, parfois homériques, entretenus par une presse sans connivence. Ainsi structuré, le pouvoir a révélé la force de ce consensus lorsqu'il se retrouva seul face à l'agression nazie. Comme, toutes choses égales par ailleurs, face à l'effondrement récent de son modèle financier.
Le peuple allemand, encore plus grégaire, a développé le consensus d'efforts par lequel il a accepté deux guerres totales, jusqu'au sacrifice global, la perte du tiers de son territoire, puis la réunification qui a rétabli son leadership européen. On peut comprendre ses doutes à l'égard du peuple français qui se livra en 1940 à un consensus d'abandon, au moment le plus noir de l'histoire tragique qu'ils ont partagée. Puis, depuis 20 ans, au consensus d'un repli inquiétant sur soi même.
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"michel rouger"
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LA FRANCE DANS L'AMBIGUÏTÉ D'UN « CONSENSUS DÉLÉGATAIRE » AU PROFIT DE L'ETAT
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## Le vrai faux consensus à la française Il est indéniable que la société française s'est toujours enflammée, violemment, pour affirmer ses divisions politiques, religieuses, sociales, voire ethniques. Séculaire, cette situation empêche l'émergence du consensus indispensable à un grand pays qui veut le rester. Certes, en cas d'urgence, le secours existe du consensus plébiscitaire, il a été recherché et réussi plusieurs fois, depuis Bonaparte, jamais pour longtemps. Exercice risqué, en France, il a fait perdre le goût du référendum, faute de consensus actif. En fait, le consensus à la française, compliqué et roublard, sent bon la terre et la campagne. Démocratiquement, il est minoritaire. Le chef de l'exécutif, monarque républicain, n'arrive jamais à réunir la majorité des inscrits pour sa désignation. Par l'astuce du montage de la Vème République, le peuple accepte qu'il devienne majoritaire, non par respect ou dévotion à sa personne. Simplement pour que le système le maintienne dans un pouvoir minoritaire dont les sondages et le « bashing » de la presse et des réseaux sociaux lui rappellent chaque jour la réalité. Les effets nuisibles de cette addiction régulée à l'anarchie, désastreuse en forme de cohabitation au sein de l'exécutif, seule formule qui trouve un consensus majoritaire dans le peuple, sont corrigés par un troisième consensus de type « délégataire ». Le peuple, depuis Richelieu, ne reconnait plus qu'un seul chef à qui donner son pouvoir, l'ETAT, dont il entretient le perpétuel développement à très grand frais, grâce à un Parlement qui ne peut plus le contrôler, tant il est devenu compliqué et omnipotent.
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"michel rouger"
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LA FRANCE DANS L'AMBIGUÏTÉ D'UN « CONSENSUS DÉLÉGATAIRE » AU PROFIT DE L'ETAT
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Ce consensus délégataire a le mérite d'empêcher l'absolutisme du monarque républicain. La haute administration de l'Etat, aidée par celle de l'Union Européenne, saura s'y opposer avec les moyens de la paralysie. Le passage au quinquennat, l'association des calendriers électoraux de l'Exécutif et du Législatif n'ont eu d'autre but que d'inscrire ce consensus délégataire dans le marbre des institutions. Sans le dire. En effet, le risque serait grand pour l'Etat de voir le peuple profiter des exemples voisins et des technologies de la communication pour rêver à une démocratie participative qui lui redonnerait le pouvoir qu'il a délégué à la haute fonction publique. Alors, l'ETAT éternel ré-enchante le rêve du tous fonctionnaires. Tant pis pour l'incroyable complexité des corps qui s'entrecroisent et s'enchevêtrent, de leurs réseaux de relations, de leurs chapelles, de leurs nuisances et privilèges, qui bloquent la machine France. C'est pour le bien du peuple, qui le croit. Après nous le déluge disait Louis XV. Il avait vu juste. Ce n'est pas cet aspect de ce consensus politique, certes réel, mais impassible devant les conséquences des choix qu'il entraine, qui donnera le meilleur exemple de celui qui reste à trouver. Sauf à admettre, qu'on le veuille ou non, l'effacement du pays.
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BONNES FEUILLES, INFORMATION NUMÉRIQUE : UN ESPOIR DE RECONQUÊTE POUR LE BIEN COMMUN, POURQUOI PAS ?
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# Bonnes feuilles, Information numérique : un espoir de reconquête pour le bien commun, pourquoi pas ?
Assurer la production d’une information fiable et indépendante, telle est la contribution au bien commun qu’une société démocratique attend des journalistes. Depuis près de trois ans, un groupe de travail se réunit chaque mois au Collège des Bernardins pour analyser l’impact de la révolution numérique sur les métiers de l’information. Le président de ce cercle très ouvert, Henri Pigeat, en a tiré la matière dans un livre résolument constructif. Il en livre des « Bonnes Feuilles » aux lecteurs de Presaje.Com. Trois extraits.
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BONNES FEUILLES, INFORMATION NUMÉRIQUE : UN ESPOIR DE RECONQUÊTE POUR LE BIEN COMMUN, POURQUOI PAS ?
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1. Le média, concept évolutif
Le « média » a perdu son rôle originel de médiateur obligé. Alors qu’il correspondait précédemment à un concept clair, sa nature est devenue confuse et mouvante. Il avait constitué un terme générique pour désigner la presse sur papier, la radio et la télévision. Passant du stade artisanal à celui d’une organisation industrielle, il a reposé sur un modèle économique particulier, dit « triangulaire », alliant une vente de nouvelles et une vente d’espaces publicitaires qui était en fait celle d’une audience. Cette double source de recettes a facilité son équilibre financier et conforté l’autonomie des titres. Ces médias dont l’information a longtemps été l’objet principal n’étaient pas seulement des structures de commerce. Ils jouaient aussi un rôle social et politique en contribuant à la cohérence de la communauté.
Après être apparus comme des médias plus perfectionnés que les précédents, les systèmes de communication par l’internet, et notamment les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, se sont révélés en fait d’une nature totalement différente. Ils ont provoqué la dissociation des fonctions longtemps rassemblées d’information et de diffusion. Se défendant de toute ambition éditoriale, ils se sont organisés en « plateformes » d’expression et d’échanges pour tous les membres de la cité. C’est sur cette seule fonction qu’ils ont fondé leur ambition commerciale et attiré une part croissante des ressources publicitaires. Sans se mettre en position d’exacts concurrents des médias anciens, ils ont capté certaines de leurs fonctions et les ont dépassés en offrant à la cité des services qui répondaient à ses attentes. Le jeu des pouvoirs sociaux est ainsi en voie de transformation, sans que le besoin d’information soit cependant moins pressant, ni mieux satisfait.
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BONNES FEUILLES, INFORMATION NUMÉRIQUE : UN ESPOIR DE RECONQUÊTE POUR LE BIEN COMMUN, POURQUOI PAS ?
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2. Possibilité d’une information « augmentée » Dans la querelle entre « techno-pessimistes » et « techno-angéliques », la facilité serait de céder à la généralité. Les poussières du tremblement de terre numérique sont loin d’être toutes retombées. En dépit des risques, des dérapages et des inconvénients de court terme, il faut se rendre à une évidence : le numérique ouvre un indéniable pouvoir libérateur. Il peut enrichir l’information. Il peut même aider à en restaurer le sens. La consommation d’information était devenue largement passive ces dernières décennies, sous l’influence des mass-médias. L’offre des programmes de fiction comme celle de l’information avait été peu à peu composée de « produits » de plus en plus conditionnés et uniformisés, en vue de favoriser des audiences aussi larges que possible, afin de répondre à l’intérêt des annonceurs publicitaires. Le numérique crée une capacité nouvelle de choix. Le « bruit » général de l’information recouvre une multitude de messages d’apparences comparables, mais dans les faits très hétérogènes en qualité et en intérêt. Un besoin de distinguer l’information véritable s’est installé, comparable aux exigences de dépollution du courrier électronique envahi par les « spams ». La fatalité technique qui semblait conduire à une standardisation des formes d’information semble désormais moins évidente. L’accès personnalisé à de nouveaux systèmes de diffusion, flexibles, ouverts et sans limites de capacité, change radicalement la relation entre celui qui veut s’informer et les médias. La « dictature de l’urgence » est relativisée. Les rythmes de diffusion peuvent être choisis librement par les émetteurs d’information, comme par les récepteurs. Une place peut être redonnée aux informations de temps long. Le volume des messages, du plus bref au plus large, peut être déterminé en fonction des seules opportunités éditoriales.
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Face à une offre diversifiée, le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur disposent d’un choix plus facile. A partir d’un seul message, chacun peut par les liens de l’internet rebondir vers d’autres sources, faciles à trouver et à apprécier. Tout se passe comme si chacun disposait en permanence d'une immense base de données mondiale, d’accès immédiat et généralement gratuit pour vérifier et approfondir les premiers éléments d'information obtenus. De tels développements ne sont plus dictés par des volontés extérieures, mais laissés à l’initiative et aux goûts de chacun.
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BONNES FEUILLES, INFORMATION NUMÉRIQUE : UN ESPOIR DE RECONQUÊTE POUR LE BIEN COMMUN, POURQUOI PAS ?
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3. Le nouveau rôle du journaliste « tiers de confiance »
L’arrivée de nouvelles formes d’informations nées du numérique peut offrir au journaliste de nouvelles conditions d’autonomie. Elle est aussi pour lui un considérable défi. Quels que soient leurs excès ou leurs limites, les réseaux sociaux sont porteurs, pour une part de leur activité, d’informations qui doivent être traitées pour ce qu’elles sont. Les sources ne cessent de se multiplier. La priorité du journaliste est moins la recherche des nouvelles qui arrivent souvent toutes seules que le contrôle de leur fiabilité. Il n’est plus le seul gardien (« gate keeper ») des informations. En revanche, il doit répondre à de nouvelles obligations : aider à la définition de ces algorithmes, filtrer plus précisément des messages devenus très hétérogènes, renforcer les vérifications, réagir dans des conditions de rapidité extrême. Le journaliste peut alors accentuer son rôle de « sécurisation » de l’information et de médiation. Il peut assumer plus complètement la fonction de « tiers de confiance » dont toute société a un besoin vital.
La relation au temps du journaliste change également. La maitrise du « direct » n’est plus une question de vitesse ni une course au « scoop », mais une capacité de jugement dans l’instant, comparable à celle du chirurgien dans l’urgence ou de l’alpiniste en passage périlleux. Dans la nouvelle diversification des informations entre la relation quasi directe et l’analyse garantissant le jugement, c’est à ce nouveau journaliste que revient la responsabilité d’imposer le temps nécessaire pour pouvoir donner au public des bases de compréhension des faits qui soient dignes de confiance. Moins qu’une révolution copernicienne, cette approche serait plutôt un retour aux ambitions originelles de l’information médiatique. Loin de tout risque de transfert de responsabilité à la machine, le numérique paraît, de ce fait, plutôt une incitation à l’intelligence de l’intervention humaine et une chance d’en élargir l’efficacité grâce à des outils plus performants.
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# Avons-nous perdu le sens de l’avenir ? Le vacarme assourdissant de la sphère médiatique contribue à instituer la dictature de l’instant. L’avenir a disparu de notre imaginaire et c’est peut-être l’explication à l’immobilisme dans lequel s’enferme la France, se demande Armand Braun. Nous devons réapprendre à penser et à agir en termes de temporalité. Chacun, depuis la plus modeste des personnes jusqu’aux nations les plus prestigieuses, doit se sentir responsable de son avenir et de l’avenir de ceux qui dépendent de lui : c’est à la fois une évidence et une révolution. Une évidence, car il en a toujours été ainsi : jusqu’ici, quelques-uns pouvaient inscrire leurs perspectives à l’intérieur de cadres préexistants (nations, métiers…). Ce n’est plus le cas : nul ne peut avoir idée de ce que sera le monde demain, du contexte dans lequel il lui faudra agir ; c’est, en ce sens, une révolution. C’est une situation dont nous nous dégageons d’habitude en ressassant ce qui devient banal : le discours sur le numérique, l’interconnexion généralisée et l’intégration croissante des économies mondiales, sans cesse répétés par les médias, au son des tambours de la communication ; pour autant, la force des transformations déjà réalisées et à venir n’est pas encore réellement perçue. On rencontre toutes les attitudes : l’enthousiasme, le refus de voir, l’anxiété.
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AVONS-NOUS PERDU LE SENS DE L’AVENIR ?
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Il faut aller plus loin. La complexité des données devrait m’imposer une certaine réserve. Je forcerai pourtant le trait. Les questions sans réponse sont nombreuses : le désendettement, la compétitivité, le chômage ... ; les surprises que nous réserve l’actualité ne sont pas toutes agréables (le réveil des particularismes régionaux et communautaires n’est que l’une d’elles) ; les acteurs publics (l’Etat, l’Union Européenne…) ne sont pas au mieux de leur autorité et de leurs ressources ; je ne suis même pas sûr de notre capacité à diagnostiquer les situations... L’avenir était depuis toujours le lieu du rêve et de l’imagination. L’est-il encore ? Où sont les grandes visions, l’idée de progrès par exemple, qui inspiraient entrepreneurs et poètes, portaient l’espérance des familles et les ambitions des Etats ? Ne nous racontons pas d’histoires, nous avons choisi de faire du surplace.
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AVONS-NOUS PERDU LE SENS DE L’AVENIR ?
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## Un pays immobile Immobilité de la société : la vie quotidienne constitue son centre d’intérêt principal. Une fraction importante de la population bénéficie de « droits acquis » dont la préservation constitue son souci majeur. Quand des dizaines de millions de personnes passent leurs jours et leurs nuits devant des écrans, on doit se demander si elles restent acteurs de leur destinée et ce que cela signifie pour la vie sociale et pour la démocratie. La société reste, comme toujours, imprévisible, sujette à des crises passionnelles et manipulable. Rappelons-nous « les lendemains qui chantent », certaines campagnes politiques, les célébrations de leaders charismatiques. Immobilité de la vie politique : on aurait pu penser que ce n’est pas l’instant présent et sa banlieue temporelle immédiate qui compteraient le plus pour le monde politique. La préparation de l’avenir n’est-elle pas sa raison d’être profonde ? Or, il n’en est rien. L’attention à l’opinion publique, les crises du moment et les problèmes financiers l’absorbent entièrement. Toutes choses égales par ailleurs, nous en sommes toujours à Henri Queuille, cet homme politique des IIIe et IVe Républiques qui justifiait l’inaction dans le présent en expliquant que l’avenir saurait prendre soin de lui-même. Remarque-t-on assez ce paradoxe ? Puisque le politique a démissionné, l’administration – dont la référence est en principe le passé, avec la mise en œuvre de la Loi, des règlements, de la jurisprudence – a pris de facto la responsabilité des projets d’avenir.
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Immobilité dans les relations entre générations, déjà changées par l’allongement de la durée de la vie. On aurait pu craindre l’impatience des jeunes. Mais ceux-ci suivent le mauvais exemple des anciens en acceptant que l’endettement public continue de croître. Les personnes âgées ne se sentent donc pas mises en cause pour l’avoir si gravement laissé dériver. Tout cela n’est bon ni pour la transmission au sein des familles, ni pour la coopération entre les générations, ni pour la confiance de la société en son avenir. Immobilité dans les entreprises, qui participent d’un univers schumpétérien pour lequel l’avenir n’est pas un facteur essentiel. La stratégie leur importe plus que la vue longue. De fait, la réactivité est la seule réponse possible aux imprévus de l’économie mondialisée et à la fantaisie des régulateurs. Dans ces conditions, de très nombreux jeunes, parmi les plus capables et les mieux formés, doivent s’expatrier pour réussir. Tout se passe comme si on avait oublié les conséquences de la Révocation de l’Edit de Nantes qui a poussé 400 000 personnes à quitter la France à partir de 1685. Le comportement de la France contraste avec celui des autres nations, sur les autres continents mais aussi en Europe. L’avenir ici n’est plus qu’un déversoir pour les conséquences de nos actes que nous ne voulons ou ne pouvons pas connaître, pour ce qui nous encombre. Il en va de l’avenir comme de l’espace : des milliers de satellites, porteurs de toutes sortes de projets et d’espoirs quand on les a lancés, se sont perdus et errent dans le néant.
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AVONS-NOUS PERDU LE SENS DE L’AVENIR ?
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## Renouer avec le mouvement
Rien n’est plus difficile que de renouer avec le mouvement.
L’appui de l’opinion publique disparaîtra à la première mauvaise nouvelle, à la première petite phrase du style : « un projet qui ne fait pas l’unanimité ». Tout sera bon – « réforme » cosmétique, dérision, diffamation… – pour défendre l’existant et discréditer ce qui pourrait bouger. Comment croire qu’il sera possible en quelques semaines, voire en quelques années, de transformer des données enracinées depuis des décennies ? No good reform goes unpunished… Il faut se rappeler cette expression de la sagesse populaire britannique pour mesurer les risques. Il faut comprendre ces dirigeants qui préfèrent, somme toute, la sécurité du marécage aux incertitudes de la route...
Et pourtant, il est vital de le faire !
Je ne reviendrai pas sur les arguments habituels en faveur du mouvement. Ils sont bien connus. Mais j’insiste sur les menaces politiques. Nous négligeons trop le fait que, dans de nombreux pays, certains à deux ou trois heures d’avion de la France, continue de prospérer le modèle totalitaire, dont l’immobilisme est le principe : soumission des personnes à l’Etat, gestion politique des marchés, réécriture de l’Histoire et monopole étatique sur la pensée sur l’avenir. Il ne peut exister de démocratie véritable que dans le mouvement.
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AVONS-NOUS PERDU LE SENS DE L’AVENIR ?
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## Prudence est mère d’insécurité
On appelle trop généreusement prudence cette pusillanimité qui consiste à reporter une décision, à la vider de sa substance, à y renoncer. C’est seulement par des initiatives fortes, poursuivies avec obstination, que nous pourrons agir et non nous contenter de belles paroles. C’est par l’initiative, avec les combats qu’elle entraîne, que le conservatisme naturel de l’opinion publique sera surmonté.
Les exemples pourraient être nombreux. J’évoque des chantiers publics dont la réinvention aurait dû être démarrée depuis longtemps : le système éducatif, les mécanismes de sécurité et de solidarité… D’autres plus récents, dont nous nous détournons par manque de réflexion : réduire la coupure entre inclus et exclus ; dépasser les idées à la mode à propos de la relation économie-emploi, des situations respectives des jeunes et des vieux, du phénomène migratoire (les flux de migrants désespérés…). Les entreprises, elles aussi, auraient beaucoup à faire pour réduire leur propre infection bureaucratique ; notamment celles dont les dirigeants, issus de l’administration, passent leur vie à reproduire le modèle qu’ils ont appris dans leur jeunesse.
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AVONS-NOUS PERDU LE SENS DE L’AVENIR ?
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## Pour en finir avec l’avenir-déversoir
Apprendre à penser et à agir en termes de temporalités. Je dis bien « apprendre », car cet art reste largement méconnu : il s’agit non de prévoir (ce qui ne signifie plus rien), mais de tout faire pour rendre l’avenir possible.
C’est un art naissant. Il éclaire ce qu’induisent l’unité de l’espace terrestre (déjà accomplie grâce au numérique), l’unité du temps (la parité de considération des phases, rejetant les vieilles approches de type court terme/long terme), l’unité de l’espèce humaine (peut-être par le métissage). Il consiste à travailler sur les interactions entre les différents aspects de cette nouvelle réalité. Déjà Alain, au début du XXe siècle, l’avait annoncé : « Tant que l’on n’a pas bien compris la liaison de toutes choses et l’enchaînement des causes et des effets, on est accablé par l’avenir. »
Nous sommes capables de faire autre chose que du cabotage temporel et quelques-uns en administrent la preuve. Notre aptitude profonde à dissiper les contraintes, à nous projeter dans l’inconnu n’est pas morte. Le succès de l’auto-entreprenariat et le nombre des créations d’entreprises le prouvent. Nous avons toujours des visionnaires capables de conjuguer compétences, imagination et esprit d’entreprise. Il y a, dans les universités, les Grandes Ecoles, les centres de recherche, les fab lab …, bien des initiatives porteuses d’espérance.
Je reprendrais volontiers à mon compte cette image suggérée par le philosophe Jean-Pierre Dupuy : un peu comme l’alpiniste sur sa muraille jette le piolet en avant pour y prendre appui, les sociétés sont capables de se tracter à partir d’une vision de l’avenir, qui sera auto-réalisatrice si telle est leur détermination.
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NUMÉRIQUE, TERRITOIRES ET LIBERTÉS
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# Numérique, territoires et libertés L’heure de la confrontation a sonné. D’un côté des acteurs du numérique qui ignorent les frontières et se sentent tout puissants. De l’autre des Etats gouvernés par des élus qui voient les réseaux sociaux s’immiscer au cœur de ce qui fait leur légitimité : la souveraineté, la sécurité, l’identité culturelle. Pour Armand Braun, la société civile aspire à un compromis entre liberté et sécurité à l’intérieur des frontières sécurisantes de l’Etat. Depuis quarante ans, tant d’innovations sont intervenues dans le domaine des technologies de communication : semi-conducteurs, ordinateurs, Internet, Big Data ... ! On aurait pu croire qu’ensuite notre époque serait surtout consacrée à leur assimilation. Tel n’est pas du tout le cas. En fait, avec toutes ces innovations récentes est apparue une catégorie sui generis: les acteurs du numérique. Et nous savons maintenant que ce processus va continuer à se déployer, dans des conditions que nul ne peut décrire. L’humanité tout entière - personnes et institutions - est concernée. Que signifie ce phénomène sans précédent historique ? Nous avons tous considéré l’arrivée des acteurs du numérique comme une formidable aubaine : grâce à eux, un champ immense, insoupçonné jusque-là, s’ouvrait à l’intelligence, à la créativité, à l’initiative de chacun. Et lorsqu’on évoque l’éventualité de s’en passer, la réponse universelle est : « ce serait le retour à l’âge de pierre ».
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Les institutions politiques sont loin d’être aussi enthousiastes. Voilà en effet que s’imposent dans leur paysage des partenaires étranges et mal élevés ! Ils se permettent d’entretenir une relation personnelle et non médiatisée avec chaque citoyen, négligent le primat de la Loi sur les intérêts particuliers, font ce qu’ils peuvent pour ignorer le fisc, sont un souci pour la sécurité nationale, sont parfois soupçonnés d’agir pour le compte de puissances étrangères ; et ils prétendent négocier d’égal à égal avec la puissance publique !
## C’est à un choc majeur de cultures que nous avons affaire
D’un côté les acteurs du numérique : leurs partenaires sont les internautes, personnes et organisations, qu’ils connectent à travers le monde entier. Les nations et leurs regroupements sont pour eux des sous-ensembles dont ils s’accommodent en fonction de leurs spécificités : ainsi, le siège européen sera-t-il installé là où la fiscalité et la réglementation sont les plus avantageuses, la cotation s’effectuera-t-elle sur la Bourse la plus fréquentée, etc.
De l’autre les politiques : certes, ils représentent des territoires cloisonnés, mais ils sont avant tout des élus. Leur rêve colbertiste n’est toujours pas dissipé. Les réseaux sociaux, mis en œuvre par les acteurs du numérique, s’immiscent au cœur même de ce qui fait leur légitimité : la souveraineté, la sécurité, l’identité culturelle. Alors que toutes les nations démocratiques connaissent sous des formes diverses une crise de la citoyenneté, les réseaux sociaux sont des intervenants désormais influents dans le débat public.
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## Le temps de l’épreuve de force
Ces adversaires-partenaires mobilisent leurs arsenaux. Les acteurs du numérique se savent tout puissants. Ils se savent aussi fragiles à cause de la rapide succession des technologies et de l’intensité de la concurrence. Les procédures que les Etats multiplient à leur encontre peuvent, elles aussi, les mettre en danger (cf. l’enquête de l’Union Européenne, celles qui sont en cours dans chaque pays d’Europe et aux Etats-Unis). Enfin, les Etats affirment leur détermination à réguler le numérique et sont impatients de les taxer.
Ce combat de géants peut dégénérer. Dans l’immédiat, ce sont les citoyens qui en font les frais, avec d’une part la propension des acteurs du numérique à tirer profit des informations qu’ils détiennent sur leurs usagers, d’autre part celle des acteurs publics à les surveiller et à instrumentaliser, au nom des bons sentiments, des principes moraux à leur encontre (les « lanceurs d’alerte »).
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## Les attentes de la société civile Ce n’est pas par hasard que l’œuvre de George Orwell est si souvent évoquée dans cette affaire. Les institutions publiques se veulent le bouclier contre le monde orwellien que les acteurs du numérique sont censés incarner. La société civile commence à redouter que la crainte justifiée du terrorisme et l’extension sans limites de la réglementation administrative ne nous conduisent ensemble vers 1984. Les acteurs du numérique aspirent à une régulation globale et n’admettent pas que leur soient imposées des limitations territoriales. Ils perçoivent que c’est à eux que va l’appui des opinions publiques. N’oublions pas que des nations moins démocratiques que les nôtres (la Chine, la Russie...) se sont déjà assuré le contrôle du numérique pour rester seules maîtres chez elles en contrôlant l’information. Des mesures qui paraissent raisonnables en temps de démocratie peuvent être détournées ensuite par des régimes totalitaires ; il y a des précédents. Alors que nous aveuglent les certitudes respectives et opposées des défenseurs du numérique et des dirigeants politiques et administratifs, adoptons ce que Claude Lévi-Strauss appelait « le regard éloigné ». Leur conflit est latéral vis-à-vis des véritables enjeux de notre époque : celle-ci nous impose et nous donne la chance de tout réinventer. La société civile est en dehors de ce débat, dont les conséquences peuvent impacter le cœur même de l’idée démocratique. Elle doit pouvoir compter à la fois sur les collectivités publiques et les opérateurs du numérique pour servir effectivement la liberté et la créativité, pour faire respecter les règles qui encadrent et promeuvent l’usage universel du numérique. C’est en effet de la société civile que viendra - que vient déjà - le sens du mouvement qui écartera les menaces et élèvera le niveau de la civilisation. Les lignes qui suivent vont au cœur du sujet :
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« Quelle serait une société universelle qui n’aurait point de pays particulier (...) ? Qu’en résulterait-il pour ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie, comment s’exprimeraient des passions ressenties à la fois à la manière des différents peuples dans les différents climats ? Comment entrerait dans le langage cette confusion de besoins et d’images produits des divers soleils qui auraient éclairé une jeunesse, une virilité et une vieillesse communes ? Et quel serait ce langage ? (...) Sous quelle loi unique existerait cette société ? Comment trouver place sur une terre agrandie par la puissance d’ubiquité et rétrécie par les petites proportions d’un globe souillé partout ? » De qui sont-elles ? De Chateaubriand en 1841 (Mémoires d’Outre-Tombe, IV partie, Livre X).
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# Les « digital natives » et l’évidence d’une rupture sociétale Comment transmettre l’héritage d’une civilisation - ce qui relève de l’histoire longue - à des populations de jeunes « digital natives » qui surfent sur l’instant ? Hier, chacun vivait dans un réseau reçu comme une donnée, la famille, l’école, le travail. Aujourd’hui, la génération née avec internet peut construire son réseau individuel au hasard de rencontres virtuelles. Gérard Thoris fait référence aux travaux de McLuhan^1^ pour prendre la mesure de cette rupture radicale. Rivé à son écran, le « digital native » nous échappe doublement. Physiquement présent, il dose avec subtilité le degré de relation sociale qu’il consent avec son environnement réel. A y regarder de près, il ne s’agit sans doute que d’une façon nouvelle de ne pas se dévoiler en société. Si différence il y a, elle vient du fait que, avec cette attitude, il devient impossible de nouer un dialogue au bout duquel le masque peut tomber. Parallèlement, la nature de l’échange qui se noue avec le monde sur le mode virtuel n’est pas purement rationnelle. Et cela a une influence sur la construction de la personnalité. Hier chacun vivait dans un réseau de relations sociales reçu comme une donnée liée à la géographie, à la famille, à l’école, au milieu de travail... Aujourd’hui, l’influence de ces déterminismes matériels est largement tempérée. Chacun est à même de construire son ou ses réseaux de relations sociales au hasard de rencontres virtuelles. On peut prendre pour hypothèse qu’il le fait à son image et ressemblance, c’est-à-dire qu’il suit les penchants de sa propre nature, même à un moment où son identité n’est pas encore pleinement constituée. Nul doute qu’il s’agisse d’une rupture radicale, aussi bien en ce qui concerne la construction de la personnalité que le formatage du vivre ensemble.
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Il n’est pas simple de savoir quelle civilisation nous construisons sur cette base. Mais ce n’est pas seulement un exercice d’école que de chercher à le comprendre. D’abord, les relations entre les générations seront plus faciles à construire si les ruptures sont perçues dans ce qu’elles ont de fondamental. Sous cet angle, le premier réflexe est pratiquement toujours d’insister sur ce qui « ne sera plus jamais comme avant », alors même que cela ne représente pas nécessairement quelque chose d’essentiel. Il convient donc en contrepartie de se focaliser sur les opportunités que les nouveaux objets techniques ouvrent pour permettre à l’homme d’être davantage et plus pleinement homme. Ainsi, ils deviennent source de capabilité, au sens qu’Amartya Sen donne à ce mot. Ensuite, les pouvoirs publics peuvent plus facilement remplir leurs missions s’ils ont une connaissance appropriée des tissus sociaux et des interactions qui s’y nouent. A cet égard, il ne s’agit pas seulement d’avoir un compte Tweeter pour révolutionner la communication politique. Le risque le plus grand est certainement de l’utiliser comme un instrument d’argumentation alors même que la nature de la communication qu’il permet relève de l’émotionnel, du jalon sinon de l’éphémère.
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LES « DIGITAL NATIVES » ET L’ÉVIDENCE D’UNE RUPTURE SOCIÉTALE
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## Media chaud, media froid Malheureusement, la boîte à outils du sociologue est relativement pauvre et, si l’on y regarde de près, elle s’enrichit généralement après les transformations sociétales, pour tenter de les expliquer plutôt que de les prédire. Comme d’autres, nous allons nous inspirer de changements de paradigmes passés pour, l’analogie aidant, tenter d’éclairer le changement présent. Et puisque les outils numériques relèvent de la diffusion de l’information, nous allons tenter d’imaginer ce que Marshall McLuhan aurait dit de leur influence sociétale. D’abord, il aurait dit que « le message, c’est le medium » . Clairement, cela veut dire que le même message transmis par des médias différents ne sera pas perçu de la même manière. Inversement, « les analyses de ‘contenu’ et de programmation n’offrent aucun indice du pouvoir magique des médias ni de leur puissance subliminale » (id., p. 38). Ainsi, la manière dont un élève vivra une page d’histoire, par exemple les conquêtes de Napoléon, sera radicalement différente si elle lui parvient par le livre ou par une vidéo interactive. Mais, justement, derrière ce mot « vivra » se trouve bien plus que la capacité de répondre à un questionnaire portant sur ses connaissances ou à une dissertation sur l’art de la guerre. C’est un autre aspect de sa personnalité qui sera sollicité et, en appuyant systématiquement sur cet aspect dans le processus d’apprentissage, c’est à un autre développement de la personnalité auquel on assistera.
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