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831
institut présaje
2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
12
2
405
## Pourquoi dites-vous que l’ère des mass médias est terminée ? Elle couvre une période de l’histoire multi-millénaire du rapport entre information et société. Une bien courte période, à peine 160 ans. Trois grandes étapes dans cette longue histoire. D’abord le passage de l’oral à l’écrit sous l’Antiquité. Ensuite le passage de l’écrit à l’imprimé au moment de la Renaissance. Et aujourd’hui, le passage de l’imprimé au numérique. Pendant des dizaines de siècles, les hommes ont vécu sous le régime du « no media », pas de média et peu de lecteurs. Puis est arrivée la courte période du « mass média ». Aujourd’hui nous sommes rentrés dans la période du « max média ». Explosions du nombre d’acteurs médias et du nombre de lecteurs. La « parenthèse mass médias » présentait trois caractéristiques : - sur le plan économique, une forte tendance aux pratiques monopolistiques des entreprises de presse, élargies en cours de route aux médias de radio-télévision ; l’amortissement des imprimeries, la maîtrise des circuits de distribution, la captation des ressources publicitaires, le coût des antennes de télévision et de radio analogiques, tout plaidait pour la concentration des forces entre une poignée de grands acteurs ; le système était confortable pour les investisseurs et rassurant pour les journalistes ; - le client achetait tout à la fois de l’information et une organisation industrielle ; - les journalistes détenaient le monopole de l’information : la détection des « nouvelles » et la décision de les rendre ou non publiques leur appartenait ; l’information descendait en ligne verticale en direction du citoyen ; le débat public était initié par les journalistes.
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institut présaje
2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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428
## A quel moment s’est produite la rupture du système ? Le signal d’alarme aurait dû se déclencher dès que la courbe de vente des journaux a atteint un plateau et que la publicité s’est mise à décrocher de manière durable. La presse française a pris conscience de la menace plus tardivement qu’à l’étranger, compte tenu de l’effet amortisseur des aides publiques à la presse. Mais avec Google, avant même l’avènement de Facebook ou de Twitter, les annonceurs et les publicitaires avaient deviné qu’internet allait pulvériser les vieilles règles de la conquête d’audience. Qu’un blogger puisse capter depuis son salon une audience supérieure à celle d’un grand journal annonçait la remise en cause d’un siècle d’écosystème stable et vertueux. Schumpeter et sa destruction créatrice sont rentrés dans le jeu, créant un nouvel espace de développement extrêmement rapide à moindre coût. Plus personne ne s’étonne aujourd’hui de voir un journal comme « Le Monde » rassembler moins de 300.000 lecteurs « papier » pour 10 millions de visiteurs uniques sur internet. C’est une formidable opportunité pour les marques historiques tout autant qu’une menace et un défi pour les dirigeants et leurs équipes car tous les fondamentaux sont balayés dans un mouvement d’une grande violence. Il oblige à une transformation rapide et profonde des organisations, des savoir-faire et des structures de coûts au service d’une nouvelle vision. Ce basculement du confort de la vieille culture à l’hyper concurrence de la nouvelle est décisif. Comme le dit Michel Serres, « aujourd’hui il ne s’agit pas de s’adapter mais d’inventer ». Tout le monde ne l’a pas compris, ou tout du moins ne sait comment mener cette mutation sans concession tant la vitesse d’exécution est devenue essentielle.
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2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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C’est un mode de management radicalement nouveau qui suppose une réelle prise de risque, une culture de l’expérimentation permanente impulsée par la tête mais qui ne peut se réaliser sans la mise en mouvement de tous. Les Américains sont à l’aise avec cette culture y compris dans les grandes entreprises comme Google ou Apple. Chaque salarié y est considéré comme un vecteur potentiel d’innovation et d’invention du monde de demain. ## Comment s’est développé le nouvel éco-système de l’information ? Tout a commencé par une erreur d’analyse autour du concept de gratuité de l’information oubliant sans doute, comme aimait à le rappeler Milton Friedman, que « there is no free lunch » ! A partir de calculs naïfs, ou de paris oiseux, beaucoup de dirigeants de journaux ont tenu le raisonnement suivant : en passant du papier au numérique, les coûts - pas d’imprimerie, pas de rouleaux de papier, pas de camions - sont divisés par 10 ; à l’inverse, l’efficacité des outils de conquête d’audience est multipliée par 100. Faisant confiance à la notoriété de leurs marques, ils ont cru qu’une audience démultipliée sur des sites gratuits allait convaincre les annonceurs de maintenir des tarifs de publicité élevés. Mais l’explosion de l’offre d’audience à l’ère du « max média » et l’informatisation de la vente d’espace au travers de mécanismes d’enchères automatiques ont conduit à un effondrement des prix, doublé d’une réaction croissante des internautes poussés à contourner cette forme de publicité intrusive par l’utilisation de bloqueurs automatiques. La conséquence est une course effrénée à la taille d’audience avec un impact direct sur la qualité éditoriale bien supérieur à ce qu’il pouvait être à l’ère du « print ».
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2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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On sait aujourd’hui que seuls des colosses de langue anglaise ont les moyens de fonder une stratégie sur la gratuité totale, leur taille et leur notoriété mondiale leur donnant des arguments pour atteindre une taille suffisante en terme d’audience et de revenus qui permette de continuer à financer une rédaction de taille significative. En fait, si l’on veut produire de la qualité, on doit s’orienter vers un modèle « freemium », un système hybride qui utilise la gratuité pour faire croître la notoriété de la marque et sa présence tout en réservant son fonds éditorial à ceux qui acceptent d’en payer le prix. Celui-ci doit être accessible, presque indolore, servi par une interface marketing et éditoriale radicalement différente du passé. C’est le choix du « New York Times », du « Financial Times », du « Monde » ou des « Echos » en France. Ces titres rassemblent une véritable communauté de lecteurs « engagés » autour d’une valeur ajoutée éditoriale que ceux-ci plébiscitent et autour de laquelle ils se retrouvent.
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2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
12
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L’éco-système numérique est d’une toute autre nature que celui des médias non interactifs ou non communautaires d’autrefois. L’audience se conquiert, se garde et se monétise correctement à une seule condition : que se crée un engagement, cette relation de proximité avec le lecteur internaute qui dépasse le quasi-rapport d’autorité d’autrefois. Cette approche vaut aussi bien sûr pour les « pure-players » qui ont par ailleurs l’immense avantage de pouvoir adopter dès le début une organisation, une culture, un marketing et surtout une structure de coûts beaucoup plus légère et adaptée au nouvel écosystème. En France, un site comme Mediapart répond à cette définition. Il est jugé crédible car il a une rédaction à la dimension de son projet rédactionnel et de sa communauté de lecteurs engagés. Entièrement payant, à un prix attractif, il compte déjà un peu plus de 100.000 abonnés. L’entreprise est rentable avec environ 50 salariés (1,5 million d’euros de profit pour quelque 8 millions de chiffre d’affaires). Il n’est plus très loin du nombre d’abonnés d’un grand quotidien du soir avec à peine 10% de ses effectifs et une rentabilité positive de plus de 15%.
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2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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## La tentation n’est-elle pas de privilégier un marketing de la demande - partir de ce que le lecteur a envie de lire - alors que la liberté de la presse s’incarne traditionnellement dans un marketing de l’offre - la libre proposition d’un contenu en fonction d’un projet ouvertement subjectif - (conviction politique ou culturelle, libre regard sur le monde, choix d’un style et d’un ton) ? L’un ne va pas sans l’autre et le numérique est un formidable outil de « serendipité ». Rien de mieux aujourd’hui que les réseaux sociaux comme Twitter, Linkedin ou Facebook pour découvrir des choses que l’on n’a pas cherché, être mis en contact avec des pensées, des univers, des points de vue différents. Cela suppose néanmoins que cette démarche ouverte ne soit pas progressivement biaisée par le jeu caché des algorithmes, vrai sujet de préoccupation et de vigilance à l’heure actuelle.
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2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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431
Le point de départ d’une aventure éditoriale, c’est nécessairement l’envie de proposer quelque chose de nouveau, de construit avec des mots, des images et des sons. Mais à l’autre bout de la chaîne, le journaliste, aujourd’hui, doit impérativement convaincre un « client » beaucoup plus informé et beaucoup plus exigeant que par le passé. La presse d’influence a perdu de son influence. Le lecteur-internaute pianote sur son smartphone à longueur de journée et il a le choix entre une multitude de sources. Les métiers de l’information sont engagés dans une guerre de l’attention. Passer du « Web du clic » au « Web de l’attention » implique une réelle empathie avec le lecteur. Comprendre son mode de fonctionnement, c’est à dire son mode de vie, chercher à l’aider à s’enrichir en gagnant du temps. L’écouter et le mettre dans la conversation, ne pas l’envahir mais le servir sont de nouvelles exigences auxquelles les médias traditionnels de l’époque du mass média ne sont pas habitués. C’est un véritable retournement pour passer d’une culture « top-down » à une culture « bottom-up » comme disent les anglo-saxons. Aujourd’hui le patron, c’est le lecteur ! Et ce lecteur, ou ce non lecteur, est de plus en plus jeune avec un référentiel et des modes de consommation qui n’ont plus rien à voir avec celui de ses parents, la génération de ceux qui sont nés avec le papier et dirigent encore les entreprises de presse traditionnelles. ## A partir des exemples récents de créations pures ou de reconversions de médias traditionnels, quelles sont selon vous les constantes de stratégie qui ont assuré leur succès ? Il y en a un certain nombre mais j’en retiendrai surtout quatre qui me paraissent essentielles :
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institut présaje
2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
12
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454
- La vision. Que vous preniez Politico, Atlantic Media avec Quartz, Vox Media, Vice Media, Buzzfeed, ou Mediapart en France, tous ont en commun d’avoir été lancés par des équipes ayant une vraie compréhension du nouvel écosystème numérique, un projet en phase avec les comportements du citoyen ou du consommateur de l’ère de la mobilité. Tous ont cherché à inventer des concepts éditoriaux originaux et à répondre aux deux grandes attentes du marché : fournir de la pertinence et de la recommandation éditoriales au travers d’une interface technologique en phase avec les nouveaux usages. - Le courage de la rupture et de la prise de risque. Quand le magazine américain The Atlantic, créé en 1857, a décidé de se lancer dans l’aventure internet, il a accepté d’oublier sa culture « print » pour basculer dans le « digital first » et a choisi notamment d’inventer de toutes pièces une nouvelle marque média, sans le moindre lien avec la publication papier. Nouvelle marque, nouvelle organisation, nouvelle équipe de journalistes. Ainsi est né en 2012 le site Quartz, totalement autonome, aujourd’hui l’un des plus prestigieux des Etats-Unis, en concurrence directe avec les sites du Wall Street Journal et de Financial Times. En deux ans, et avec une équipe d’une cinquantaine de personnes, il a réussi à dépasser l’audience du Financial Times sur le territoire des Etats-Unis, vient de lancer une version indienne et projette de s’attaquer à de nouveaux territoires. Cela avec une économie légère, un marketing résolument numérique maîtrisant parfaitement la gestion des « datas », et un résultat déjà proche de l’équilibre. C’est vraiment la fin des paquebots, bienvenue dans l’univers de vedettes rapides ! Le groupe Atlantic Media, maison mère de Quartz, continue d’accroître sa flottille en lançant d’autres marques médias purement numériques, et en embauchant des journalistes. On ne voit guère çà en France !
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institut présaje
2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
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335
- La volonté du top management et l’argent pour investir dans une stratégie offensive. Pas d’audience fidèle sans réelle valeur ajoutée rédactionnelle et commerciale. Les investisseurs les plus en pointe l’ont compris, aujourd’hui à l’affût de projets éditoriaux ambitieux et de modèles commerciaux rénovés. La réussite éclatante du groupe Axel Springer dans le numérique est sans aucun doute le meilleur exemple européen de cette double conjonction. Elle est le fruit d’une réelle vision stratégique de son actionnaire et de son CEO, Mathias Döpfner, doublée d’une importante politique d’investissement et d’une large mobilisation de l’encadrement du groupe. Il y a quelques années, trois de ses principaux dirigeants ont été envoyés en « immersion » de six mois dans la Silicon Valley pour s’imprégner de cette nouvelle culture et des innovations qu’elle produit. C’est à ce prix que le changement de culture interne s’est engagé avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui Springer réalise plus de 50% de ses revenus et les deux tiers de ses confortables profits dans le numérique. Ses dirigeants n’ont pas copié un modèle, ils ont inventé un chemin et continuent aujourd’hui d’investir dans de nombreuses start-ups média notamment aux Etats-Unis pour rester au contact des innovations éditoriales et marketing les plus en pointe. Celle qui vont, ou pas, dessiner le paysage médiatique de demain.
831
institut présaje
2015-03-01
6
[ "david guiraud" ]
LES CLÉS DU NOUVEL ÉCO-SYSTÈME DES ENTREPRISES D’INFORMATION
12
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- La vitesse. Qui parlera aux Français dans dix ans ? Politico, Quartz, Vox... ou Vice News sont américains, la technologie des GAFA - Google, Apple, Facebook, Amazon - est américaine, les écoutes sont américaines et chinoises. Chaque jour de nouveaux concepts éditoriaux apparaissent sur la Toile. La France reste largement à l’écart de la course de vitesse engagée partout dans le monde, malgré l’offensive de quelques grands acteurs comme le groupe Figaro qui a réellement investi. Abandonner l’essentiel du terrain à des sites d’origine extra-européenne risquerait à terme de menacer notre démocratie. La contre-attaque, c’est aujourd’hui ou jamais. Propos recueillis par Jacques Barraux
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institut présaje
2015-03-01
5
[ "pierre-antoine merlin" ]
JOURNALISME ET « BIG DATA » : LE RÔLE INDISPENSABLE DU PASSEUR
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# Journalisme et « big data » : le rôle indispensable du passeur Y a-t-il encore de la place pour la recherche d’informations, leur vérification, leur classement, leur décryptage et leur mise en perspective ? Oui, explique Pierre-Antoine Merlin, qui voit dans l’exploitation rationnelle du « big data » par les journalistes professionnels le moyen de dissiper les illusions d’une démocratie numérique participative faite de tout... donc de rien. Plus les médias sont envahissants, plus les journalistes sont malheureux. Plus les propriétaires de journaux sont à droite, plus les journalistes sont à gauche. Plus la quantité d’informations rythme la vie quotidienne des gens, moins les professionnels de l’information en profitent. Ces paradoxes affligent, avec une brutalité inouïe, le beau métier de l’information. Oui, c’est un beau métier. Une façon de sentir, de vivre, d’être au monde, pour reprendre le vocabulaire infatué des structuralistes. Mais en quelques années, les tsunamis successifs des gratuits d’abord, d’internet ensuite, ont submergé sans retour ce qui restait de la presse. Nous voici tous immergés dans la grande mélasse de la blogosphère et de la vidéo ! La fameuse « agora informationnelle », ce pilier du rapport Nora-Minc publié il y a bientôt 40 ans, est enfin là. Pour le meilleur et pour le pire.
832
institut présaje
2015-03-01
5
[ "pierre-antoine merlin" ]
JOURNALISME ET « BIG DATA » : LE RÔLE INDISPENSABLE DU PASSEUR
4
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183
La question se pose donc avec acuité. Y a-t-il encore de la place pour la recherche d’informations, leur recoupement, leur vérification, leur mise en forme, leur décryptage, le tout avec un minimum de fautes d’orthographe, une petite mise en perspective des faits, si possible un peu de recul, et pourquoi pas un brin d’humour ? Normalement oui, mille fois oui, grâce aux effets bénéfiques du « big data ». Celui-ci a en effet pour vocation de recueillir, de raffiner et d’exploiter avec un maximum de finesse et de pertinence tout le savoir du monde. C’est une situation exaltante, vertigineuse, inédite dans l’histoire sociale et économique, et même, sans doute, dans l’histoire humaine.
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institut présaje
2015-03-01
5
[ "pierre-antoine merlin" ]
JOURNALISME ET « BIG DATA » : LE RÔLE INDISPENSABLE DU PASSEUR
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301
## Décomposition et recomposition permanentes Dans l’immédiat, ces débouchés presque infinis supposent d’unifier cet énorme corpus. Une tâche d’autant moins facile que cette masse d’informations est en décomposition et recomposition permanentes. Patrick Bensabat, président fondateur de Business & Décision, s’y attèle. Son intervention au colloque « big data », qui s’est tenu en décembre à la Maison de la Chimie, restera dans les annales. « L’un des gros problèmes, c’est de bâtir un référentiel hybride. Et pour réunir éléments certains et éléments incertains, il faut renforcer la norme. » C’est particulièrement vrai dans les domaines de la santé et du transport, où chaque bout d’information est crucial. « Tout cela nous ramène aux trois V », reprend avec un air d’évidence Stéphan Clemençon, professeur à Telecom Paris Tech, Institut Mines Telecom. « L’exploitation optimale du « big data » suppose de maîtriser la volumétrie, la vélocité et la variété des données ». Fait notable, dans cette course inédite, la France entend tenir son rang. Le « big data » constitue en effet l’une des sept priorités stratégiques énoncées au niveau européen par la « Commission Innovation 2030 ».
832
institut présaje
2015-03-01
5
[ "pierre-antoine merlin" ]
JOURNALISME ET « BIG DATA » : LE RÔLE INDISPENSABLE DU PASSEUR
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301
## Le monde mis en données Qu’espérer des rapports entre « big data » et information ? D’un côté, « le monde est mis en données », selon l’heureuse expression de Nathalie Boulanger, directrice du programme Start Up Ecosystème chez Orange. De l’autre, l’être humain ne change pas, en tout cas pas au même rythme. Les citoyens sont des consommateurs passifs qui ne tirent pas parti des nouveaux usages. Ils s’accommodent très bien de l’existant, généralement regroupé sous le terme pratique de « réseaux sociaux », sorte de fabrication pseudo-intellectuelle, largement artificielle, utilisée le plus souvent dans la langue de Shakespeare - si l’on peut dire. Ces « passeurs » que devraient être, plus que jamais, les professionnels de l’information, sont malheureusement inaudibles : leur marché a disparu au profit d’une démocratie numérique participative faite de tout, donc de rien. Au fond, pour espérer faire du journalisme à l’heure du « big data », il faut avoir une fortune personnelle, ou mener une vie d’ascète. Reste une ardente obligation, celle de l’optimisme. Saint-Augustin l’avait prévu : c’est parce qu’il est difficile de réussir qu’il est nécessaire d’entreprendre.
833
institut présaje
2015-03-01
7
[ "gérard moatti" ]
RESSERRER LE LIEN DISTENDU ENTRE L’INFORMATION ET LA DÉMOCRATIE
3
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465
# Resserrer le lien distendu entre l’information et la démocratie Le lien consubstantiel entre l’information et la démocratie a changé de forme avec internet. Hier, il était menacé par les pratiques de censure et d’auto-censure. Aujourd’hui, constate Gérard Moatti, il est affecté par la mêlée indissociable des nouvelles, des rumeurs et des messages orientés. La fragmentation des sources se double d’une fragmentation en « communautés » selon l’âge, les valeurs et les pôles d’intérêt. Mais la tendance reste à la demande croissante d’information fiable et objective. Pas de démocratie sans information : le constat n’est pas nouveau, et Tocqueville le formulait ainsi : « Lorsqu’on accorde à chacun un droit à gouverner la société, il faut bien lui reconnaître la capacité de choisir entre les différentes opinions qui agitent ses contemporains, et d’apprécier les différents faits dont la connaissance peut le guider. » (De la démocratie en Amérique, 1835). Pourquoi la question ressurgit-elle aujourd’hui ? Pourquoi le lien entre information et démocratie n’est-il plus aussi évident ? Pour beaucoup de raisons, dont celle-ci : c’est que la notion même d’information se brouille, avec l’irruption d’internet et des réseaux sociaux. Hier, la « fonction d’informer » était dévolue à la presse, un secteur certes sujet à transformations et élargissements (journaux, radio, télévision), mais dont on percevait clairement les contours. Aujourd’hui, la circulation des nouvelles, des rumeurs, des opinions, des images sur internet (illustrée par le slogan « tous journalistes ») concurrence les canaux classiques. Hier, la menace principale était la censure, la restriction de la liberté de la presse. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse : le danger est l’anarchie, l’absence de contrôle et de règles ; les répercussions sur la Toile des attentats du 7 janvier en ont fourni une nouvelle preuve.
833
institut présaje
2015-03-01
7
[ "gérard moatti" ]
RESSERRER LE LIEN DISTENDU ENTRE L’INFORMATION ET LA DÉMOCRATIE
3
1
454
## Un aiguillon salutaire pour la presse Cette concurrence est particulièrement vive et dangereuse en France, le pays où, dans les enquêtes sur la confiance accordée aux différentes institutions ou professions, la presse et le personnel politique occupent les dernières places. Elle a quelques effets positifs : elle pousse les journaux à créer une offre numérique, souvent plus variée et plus réactive que leur offre « papier ». Elle a aussi contribué à une réaction salutaire de la profession journalistique, réaction dont on perçoit des signes : l’insistance sur la déontologie, la réflexion sur le « on » et le « off », ou encore des émissions comme « Le secret des sources » (France Culture) et, bien sûr, le rôle de la presse dans la révélation de quelques scandales. ## L’exaspération des passions La fragmentation des sources enrichit, certes, l’offre d’information, mais elle a aussi trois conséquences potentiellement dangereuses pour la démocratie. Parce qu’elle brouille la frontière entre la vérité et la rumeur, entre la relation objective des faits et la propagande, elle ressuscite des sentiments de peur ou de haine et entretient les divisions : au sein même des sociétés « avancées », le « choc des civilisations » annoncé par Samuel Huntington prend l’avantage sur la « fin de l’histoire » (le triomphe définitif de la démocratie) décrite par Francis Fukuyama. La propagation des rumeurs (comme les résurgences périodiques des « théories du complot ») est favorisée par l’anonymat des émetteurs. Pourrait-elle être bridée, sinon entièrement maîtrisée, par une forme d’autocontrôle collectif ? On peut en douter : même sur le site Wikipedia, fort précieux par ailleurs, où cet autocontrôle existe, on a parfois du mal à distinguer, dans certains articles, l’exposé objectif de l’endoctrinement politique.
833
institut présaje
2015-03-01
7
[ "gérard moatti" ]
RESSERRER LE LIEN DISTENDU ENTRE L’INFORMATION ET LA DÉMOCRATIE
3
2
394
Cette fragmentation des sources entraîne une fragmentation des sujets. On peut taxer la presse classique de conformisme, lui reprocher ses réflexes moutonniers dans le choix des événements et des questions traitées, du moins met-elle en avant des thèmes communs, sur lesquels les opinions peuvent se confronter. Ce « forum » civique se restreint de plus en plus, au profit de sites, de blogs ou de rendez-vous de « followers » partageant les mêmes centres d’intérêt ou les mêmes opinions. Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a même envisagé récemment la création d’un système d’information numérique entièrement personnalisé, qui servirait à chacun les nouvelles censées le concerner... On voit que la fragmentation des sources et des sujets en favorise une troisième, celle de la société, dont on peut imaginer la dérive vers une juxtaposition de groupes étrangers les uns aux autres par leurs idéaux et leurs valeurs. ## Demande d’information fiable et objective Il ne faut cependant pas forcer le trait en exagérant les menaces. Tocqueville, pour en revenir à lui, affirmait que parmi les fondements de la démocratie américaine, les causes physiques comptaient moins que les lois, et les lois moins que les moeurs. Pour actualiser cette vision, on pourrait dire que les « causes physiques » - les technologies numériques - comptent moins que les mentalités. Si la qualité de l’information conditionne celle de la démocratie, en sens inverse la vigueur de l’esprit démocratique entretient une demande d’information fiable et objective. Il reste sans doute à inventer et à généraliser un « bon usage » des sources, notamment numériques, au service de la démocratie : question d’apprentissage.
834
institut présaje
2015-03-01
3
[ "bernard lecherbonnier" ]
DE LA RECOMMANDATION VERTICALE À L’INFORMATION HORIZONTALE
4
0
441
# De la recommandation verticale à l’information horizontale Il y a quinze ans, pour convaincre le public d’acheter un livre, il suffisait de passer chez Bernard Pivot, lequel prenait le temps de le lire. Aujourd’hui, la presse privilégie les livres qui viennent en écho d’une actualité forte ou qui mettent du piment dans le débat public. Le « buzz » qui naîtra par chance sur les réseaux sociaux décidera ensuite du destin de l’ouvrage, explique Bernard Lecherbonnier. L’information à la Pivot était verticale. Elle est devenue horizontale. L’introduction du numérique dans l’information a-t-elle fait évoluer l’information elle-même ? Les candidats au bac et les élèves de l’ENA n’ont pas fini de disserter sur le sujet. Au Moyen Age on appelait « quolibets » ces palabres qui faisaient la joie des théologiens et de leurs étudiants à la Sorbonne. Le bac se meurt, l’ENA aussi et la théologie ne se porte guère mieux. Alors essayons d’apporter une modeste pierre à ce vaste débat. Je partirai de mon expérience d’auteur. Il y a quinze ans, lorsque je publiais un essai ou un roman, mon objectif était de passer chez Pivot. Une prestation réussie garantissait grosso modo 10.000 ventes et une mise en avant dans les librairies. L’autorité de Bernard Pivot reposait essentiellement sur le fait qu’il avait effectivement lu votre livre et que ses questions étaient avisées et pertinentes. Que quelques critiques compétents joignissent leurs voix au concert et le succès était assuré. Bien entendu, des livres pouvaient également faire carrière sans Pivot s’ils étaient soutenus par un grand quotidien et, surtout, par un hebdomadaire de référence qui ouvrirait la voie à d’autres publications de presse et à des émissions radio ou télé.
834
institut présaje
2015-03-01
3
[ "bernard lecherbonnier" ]
DE LA RECOMMANDATION VERTICALE À L’INFORMATION HORIZONTALE
4
1
473
## La fin de Bouillon de Culture en 2001 a profondément modifié le paysage puisqu’aucun des émules de Pivot n’a égalé sa performance. Etaient-ils moins talentueux ? On ne saurait généraliser : il reste encore aujourd’hui de très intéressantes émissions littéraires, telles la Bibliothèque Médicis de Jean-Pierre Elkabbach sur LCP, La Grande librairie de François Busnel et les Grandes Questions de FOG sur la 5. Au fond c’est cette forme d’autorité intellectuelle incarnée par un sachant qui ne semble plus recevable par un public, d’une part moins littéraire, d’autre part plus diversifié dans ses goûts. En un mot, l’information à la Pivot était verticale. Elle est devenue horizontale. Qu’est-ce à dire ? ## Information verticale et horizontale Revenons au propos de base : comment faire connaître un livre aujourd’hui ? La première question, peut-être la seule question qui vaille aux yeux de la presse : quel excitant particulier recèle le livre ? Quel est son rapport à l’actualité ? Le livre est devenu un média « chaud » dont les quotidiens et les journaux d’information continue feront ou non un événement, condition indispensable pour être bien exposé dans les points de vente. La lecture de l’ouvrage devient alors assez secondaire. La quatrième de couverture et le communiqué de presse - finalisés l’un et l’autre avec soin - seront d’autant plus déterminants que les journalistes lanceurs d’information ne liront jamais rien d’autre. La presse écrite et audiovisuelle garde une place centrale dans la stratégie médiatique. Toutefois la presse en ligne est désormais plus fréquentée que la presse imprimée. C’est pourquoi chaque support de presse, y compris les hebdomadaires, publie sur son site et en continu des informations sur la Toile. L’auteur d’un livre a donc intérêt à être largement cité ou interviewé par les journaux en ligne dont la durabilité des informations est incomparablement plus longue que celle du support papier.
834
institut présaje
2015-03-01
3
[ "bernard lecherbonnier" ]
DE LA RECOMMANDATION VERTICALE À L’INFORMATION HORIZONTALE
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## Focalisation sur le livre-événement A l’aval, les réseaux sociaux reprennent, diffusent et commentent abondamment les contenus de la presse en ligne. D’où l’intérêt pour l’auteur que le « buzz » se généralise autour de son nom. A ce niveau, toutefois, tous les débordements sont possibles car en fait l’objet initial, le texte de l’ouvrage, a à peu près disparu des prolongements médiatiques qui ne s’intéressent qu’à son écho. S’ajoutent en boucle des commentaires à des commentaires : ils sont susceptibles de déformer complètement le propos du livre, et l’auteur n’y peut strictement rien même s’il se fait étriller à tort par des gens qui répandent une compréhension erronée de ce qu’il a écrit... En réalité, si nombreux que soient les commentaires, à peu près personne n’a encore lu le livre à ce stade... Il est clair que les ventes actuelles de livres, en dépit de l’explosion médiatique sur internet, sont fort inférieures à ce qu’elles étaient du temps de Pivot. Elles se focalisent sur des livres-événements : le Trierweiler, le Zemmour, le Houellebecq qui ne seront de fait pas plus lus par leurs acheteurs que le Goncourt. D’ailleurs on entend souvent dire : « J’ai acheté le Zemmour », rarement « J’ai lu le Zemmour ».
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institut présaje
2015-03-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
DE LA RECOMMANDATION VERTICALE À L’INFORMATION HORIZONTALE
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## Le rôle du libraire pour les livres de qualité Parallèlement à ce système vit, et vit assez bien, un circuit qui permet à des ouvrages de qualité d’atteindre de remarquables résultats commerciaux à l’écart de tout l’appareil médiatique, y compris numérique, ci-dessus évoqué. La belle littérature se survit en grande partie grâce aux libraires qui continuent de jouer un précieux rôle de conseil et de prescription auprès de leur clientèle. Par conséquent, on peut affirmer que la principale menace dont est porteur le numérique pèse sur la survie de la librairie qui sera de plus en plus concurrencée par la commercialisation du livre en ligne. Une nouvelle question de fond s’est ajoutée depuis peu : rompant avec les règles de l’économie actuelle où le lecteur paie l’auteur, notre impayable ministre de la Culture, coiffée de numérique, ne propose-t-elle pas qu’à son exemple les lecteurs doivent être payés pour lire ?
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institut présaje
2015-03-01
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[ "jacques barraux" ]
INFORMATION ET DEMOCRATIE A L’ERE DU NUMERIQUE (I)
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# INFORMATION ET DEMOCRATIE A L’ERE DU NUMERIQUE (I) De la Troisième République jusqu’à l’avènement d’internet à la fin du XXème siècle, le couple « information-démocratie » a fonctionné sur la base d’un compromis entre la loi et le marché. D’un côté, la loi du 29 juillet 1881 sur la presse garantissait la liberté d’expression tout en fixant un certain nombre de limites. De l’autre, une forme nouvelle de capitalisme, le capitalisme de presse, développait une industrie de l’information, prélude au règne des mass-médias. Et puis patatras ! La révolution numérique a remis en cause ce que l’on croyait être le plus efficace des outils de la démocratie. Les circuits de l’information libre se reconfigurent aujourd’hui dans le désordre. De nouveaux acteurs - investisseurs, stars de la galaxie internet, lanceurs d’alerte, créateurs de sites indépendants, militants associatifs - ont envahi le sanctuaire des professionnels de l’écrit et de l’audio-visuel analogique. La période de transition entre le « monde d’avant » et le « monde d’après » du journalisme a commencé il y a plus de dix ans. Elle se déploie sur deux fronts, celui du business et celui de la déontologie. Pas de liberté - réelle - de la presse sans preuve de la viabilité du modèle économique d’une entreprise d’information, qu’elle soit traditionnelle ou numérique. Pas de démocratie sans respect des codes de déontologie qui s’imposent à toute équipe de journalistes quelle que soit la nature de son projet éditorial. Internet est la caisse de résonance d’un débat public encore largement régulé par les médias traditionnels, mais chacun sait que la synthèse finale se fera au bénéfice du numérique. Née bien avant l’avènement de Facebook et de Twitter, une première génération de pionniers parvient aujourd’hui à l’âge de la maturité. Elle montre la marche à suivre.
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institut présaje
2015-03-01
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[ "jacques barraux" ]
INFORMATION ET DEMOCRATIE A L’ERE DU NUMERIQUE (I)
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Le dossier que [email protected] consacrera en deux numéros au sujet « Information et démocratie à l’ère d’internet » s’ouvre sur une confrontation entre un manager de presse, des journalistes et des experts.
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2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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# Adam Smith et son « spectateur impartial » à l’heure de Facebook Les réseaux sociaux sont les fenêtres du village d’autrefois. Les « digital natives » y épanchent leur vie au fil des heures et ils attendent avec impatience la bénédiction de la microsociété qu’ils se sont choisie sous la forme statistique d’un « like » bienveillant... Gérard Thoris propose une relecture des deux chefs d’oeuvre d’Adam Smith, la « Théorie des sentiments moraux » et la « Richesse des nations », pour comprendre les ressorts de la vie en société à l’heure d’internet. Les règles changent. Pas les objectifs. (Voir un premier article de Gérard Thoris sur les Digital Natives dans [email protected] n°24) Toute l’oeuvre d’Adam Smith peut être résumée comme la recherche de principes simples qui permettent d’assurer la cohésion de la société sans qu’il soit nécessaire de faire appel à quelque principe moral que ce soit. On sait le rôle que joue l’intérêt dans la «Richesse des nations». On sait aussi combien les Français jouent les prudes et crient au scandale que l’homme, né bon depuis Jean-Jacques Rousseau, puisse ne pas être naturellement porté à servir l’intérêt général... Les anglo-saxons n’ont pas cette pudeur excessive et préfèrent partir de l’homme tel qu’il est, avec son lot de qualités et quelques défauts bien ennuyeux pour croire à l’homogénéité d’une société portée par l’élan réparateur de l’intérêt général. Au moins, considérons comment, pour Adam Smith, l’intérêt peut jouer comme une force centripète pour rapprocher les hommes les uns des autres^1^.
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2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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En quelques lignes, l’intérêt rapproche les hommes les uns des autres parce que la division du travail permet d’atteindre un meilleur niveau de vie que l’auto-subsistance ; dans l’échange qui est corollaire de la division du travail, chacun doit être assez modéré dans ses exigences en termes de prix pour que la transaction ait lieu ; ainsi, le bénéfice de la division du travail est partagé de façon inversement proportionnelle à l’intensité des besoins ; de ce fait, celui qui gagne le plus à l’échange est celui qui découvre au plus près les besoins de ses co-échangistes, c’est-à-dire celui qui s’intéresse le plus aux autres sous l’angle de leurs besoins économiques. CQFD ! Mais Adam Smith n’en est pas dupe, il y a un prix à payer pour en arriver là, c’est de renoncer aux « doux noeuds de l’amour » qui se tissent « quand les secours sont donnés par l’affection mutuelle »^2^. Autrement dit, et nous le constatons tous les jours, cette socialisation par l’économie fonctionne, mais elle est froide comme un calcul économique et, osons-le, fort peu propice à nourrir le coeur. Or, pour Adam Smith, si l’on en est arrivé là, c’est à cause de l’ambition qui ruine le monde de la sympathie.
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2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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## Le désir d’être aimé Car il en était tout autrement dans sa «Théorie des sentiments moraux». Ici, le fondement de la socialisation réside dans le désir d’être aimé. Pour arriver à un résultat dans ce domaine, il faut commencer par donner des signaux agréables aux autres. Le plus souvent, il suffit d’en partager les joies et les peines d’une manière ou d’une autre. Pour ce faire, on ajuste son comportement à ce qui attire leur sympathie de l’autre. Le processus de socialisation est circulaire : l’affection donnée - ou au moins les signes de l’affection - est rendue et les hommes peuvent vivre dans une paix relationnelle. Ils le font sans s’acquitter d’un examen de conscience pour savoir s’ils ont ou non respecté une règle morale prétendument universelle.
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institut présaje
2015-03-01
4
[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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## Le rôle du « spectateur impartial » Enfin, pas tout à fait car « l’autre » m’est naturellement impénétrable. Il l’est dans ses besoins, et c’est pourquoi le marché est un processus de découverte des besoins d’autrui sanctionné par la réussite financière. Il l’est dans ses sentiments et c’est pourquoi l’acte convenable est un processus de découverte sanctionné par ce qui est socialement toléré. Dans la «Théorie des sentiments moraux», le résultat de ce processus est nommé « spectateur impartial ». Il n’a rien à voir avec une sorte de code moral auquel chacun confronterait son comportement quotidien ; il n’est que le comportement moyen socialement toléré, ce qui lui donne une forme de normalité, voire d’objectivité. En tout cas, en se comportant comme le spectateur impartial le ferait, chacun est sûr d’être considéré avec sympathie, c’est-à-dire de vivre tranquille - la « tranquillité » étant un objectif majeur de la vie chez Adam Smith. Mais quel peut bien être le rapport avec nos « digital natives ». Eh bien, c’est simple. Dans le village, « les fenêtres nous guettent »^3^ et le spectateur impartial se communique à la conscience individuelle par tous les bruissements de la rue et de la place publique. Dans la ville, la solitude rompt ce canal du contrôle social et l’anarchie guette. Les réseaux sociaux sont au sentiment moral de ceux qui les utilisent les fenêtres du village d’autrefois. On y épanche sa vie au fil des heures, texte et photos à l’appui, et on attend avec impatience la bénédiction de la microsociété que l’on s’est choisie sous la forme statistique d’un « like » bienveillant. Par un processus d’essai à erreur se dessinent les règles de ce qui est considéré comme un comportement socialement acceptable.
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2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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## « Les fenêtres surveillent » Est-ce à dire que l’on est entré dans l’ère du village global? Assurément non car les différences avec le XVIIIe siècle sont considérables. En premier lieu, on peut supposer avec certaines réserves que, chez Adam Smith, le regard du spectateur impartial atteint à une certaine forme d’universalité. En tout cas, il n’y a pas d’occurrence où l’expression est utilisée au pluriel. Donc, on peut penser que le sentiment moral est un. Au contraire, les réseaux sociaux sont au pluriel^4^. Certains, dont Facebook, sont une extension de la personnalité dans son ensemble ; d’autres sont constitués autour d’une passion, d’un caprice, de l’envie d’un moment. « Les fenêtres surveillent » : elles sont là, qu’on le veuille ou non, et le contrôle social s’exerce à mon corps défendant. Quant aux réseaux sociaux, c’est l’individu qui les constitue et qui choisit l’étendue des informations qu’il délivre comme dans un système de poupées russes. « Les fenêtres jacassent » devant les comportements socialement déviants ; au contraire, les réseaux sociaux permettent d’utiliser des avatars qui réduisent la portée des critiques. « Les fenêtres se taisent » quand vous quittez le village et que vous cherchez à vous faire une virginité sociale dans un autre village. Au contraire, la mémoire des sites sociaux est sans faille et le « droit au déréférencement personnel » suppose une démarche expresse dont il faut apprendre à se servir, jusqu’après la mort.
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2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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Ainsi se noue sous nos yeux une société dont les principes de socialisation sont en train de muter de manière radicale. D’abord du point de vue de la territorialité : l’analyse des flux liés aux réseaux sociaux est un indicateur intéressant des relations interpersonnelles. Ainsi, à partir des 210 millions d’abonnés Facebook, Pete Warden montre que les Etats-Unis sont constitués de sept districts plutôt que de 50 Etats.^5^ Point n’est besoin d’être géo-stratège pour en conclure que les Etats-nations sont une construction historique en suspens. Ensuite, du point de vue de la conscience sociale : la République est une et indivisible ; c’est peut-être encore vrai du droit, et encore ! Ce n’est plus vrai de ces principes qui structurent la personnalité. Ceux-ci se constituent au gré des rencontres virtuelles dans un jeu où l’affection et le hasard ont part égale. Assurément, on ne vit plus en société, mais en sociétés. Et, pour terminer sans conclure, tout ce qui est reçu dans le système éducatif est jaugé et jugé par les pairs via les réseaux sociaux, ce qui laisse vraisemblablement peu de place à l’objectivité scientifique.
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institut présaje
2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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Est-ce mieux ou moins bien ? C’est vraiment une question de réactionnaire ! C’est le nouvel état de la civilisation. D’ailleurs, ces réseaux sont infiltrés de toutes parts au point que la référence du spectateur impartial peut n’être parfois qu’une fiction. Des acteurs très partiaux créent autant de profils qu’il leur semble nécessaire pour influencer les membres des réseaux sociaux^6^. Plus grave sans doute, pour ceux qui croiraient à une avancée de la liberté de manifestation de soi, il faut s’interroger sur ce spectateur très particulier qui, a priori, n’émet aucun jugement, mais qui recense tout ce qui se dit et tout ce qui se montre, avec la complicité même des fournisseurs d’applications : aux Etats-Unis, c’est le programme de surveillance électronique PRISM ; en France, son équivalent n’a pas de nom, mais il n’en est pas moins opérationnel^7^. « Les fenêtres me suivent / Me suivent et me poursuivent / Jusqu’à ce que peur s’ensuive / Tout au fond de mes draps ». ^1^ Cf notre Analyse économique des systèmes, Paris, A. Colin, coll. U, 1997, p. 27 sq. ^2^ Adam Smith (1759), Théorie des sentiments moraux ou essai analytique des jugemens que portent naturellement les hommes, d’abord sur les actions des autres, et ensuite sur leurs propres actions, traduit de l’anglais sur la septième édition par Mme S. de Grouchy , marquise de Condorcet, Paris, chez Barrois L’ainé (1830), tome I, p. 156-157 ^3^ Jacques Brel, « Les fenêtres », 8 mars 1999 ^4^ A titre d’exemple, le « Top 10 des sites de réseaux sociaux », Média Internet, ^5^ Paul Warden « How to split up the US », 6 février 2010, Média Internet
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institut présaje
2015-03-01
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[ "gérard thoris" ]
ADAM SMITH ET SON « SPECTATEUR IMPARTIAL » À L’HEURE DE FACEBOOK
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^6^ Par exemple, Arnaud Pelletier (2010), « Fausses identités, infiltration au coeur des réseaux sociaux Web 2.0 », Média Internet ^7^ Jacques Follorou et Franck Johannès (2013), « Révélations sur le Big Brother français », LeMonde.fr du 4 juillet, Média Internet
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institut présaje
2015-03-01
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[ "michel rouger" ]
LA FRANCE AU LENDEMAIN DES JOURNÉES DE JANVIER 2015
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# La France au lendemain des journées de janvier 2015 Les événements dramatiques qui ont soulevé d’indignation le peuple français au début de cette année 2015 ont tout à la fois réveillé les fantômes du passé et ravivé les blessures d’aujourd’hui, constate Michel Rouger. Axée sur la réflexion autour du Droit, de l’Economie et de la Justice, [email protected] consacrera son prochain numéro aux enjeux de notre modèle républicain. Sous le titre « Information et démocratie à l’heure du numérique », la présente édition se propose d’en être l’introduction. La lettre [email protected] participe à la presse d’opinion, celle qui pense avant d'échanger et réfléchit avant de publier. Sa parution trimestrielle correspond au sérieux des sujets traités : Droit, Economie, Justice. Lorsque la conférence de rédaction de décembre a préparé cette lettre, il était connu, de longue date, que les guerres qui déchirent le Moyen-Orient engendreraient des mouvements fanatiques prêts à combattre les démocraties et tenter de les abattre, en représailles aux actions militaires qu’elles mènent pour les empêcher d’étendre la domination de leur Foi sur les Lois par lesquelles les peuples ont choisi leur mode vie. On sait par quel enchainement de circonstances et de décisions démocratiques la France a vécu ce rendez-vous dramatique avec son histoire : la fin de son Empire colonial et le rapatriement brutal des Français d’Algérie, l’immigration massive de main-d’oeuvre industrielle nord-africaine, suivie de son regroupement familial, l’abolition de la conscription, qui a privé la Nation du rôle intégrateur de l’Armée, la bureaucratisation de l’Ecole et de la Justice qui ont différé les adaptations voulues par les plus lucides de leurs ministres démissionnaires face aux jeunes « sauvageons » abandonnés par l’Etat.
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institut présaje
2015-03-01
1
[ "michel rouger" ]
LA FRANCE AU LENDEMAIN DES JOURNÉES DE JANVIER 2015
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C'est ainsi que la France vit cette tragédie. Elle provoque des réactions dont le salutaire et le durable le disputent à l’excessif et à l’éphémère. L’urgent est d’attendre la prochaine lettre de [email protected], en laissant se dissiper la fumée des incendies allumés par les assassins, et s’évacuer l’eau des pompiers qui s’affairent jour et nuit. L’analyse des effets prévisibles sur le Droit, l’Economie et la Justice exige une réflexion qui dépasse cet éditorial. En espérant que le pays évite ses classiques guerres civiles tièdes qui opposent les mouvements d’opinion attachés à la démocratie parlementaire ouverte au monde, et ceux qui préfèrent un Etat autoritaire replié sur lui-même.
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institut présaje
2015-03-01
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[ "michel rouger" ]
LA FRANCE AU LENDEMAIN DES JOURNÉES DE JANVIER 2015
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## Les sujets ne manquent pas. On savait que les fanatiques religieux useraient des techniques de la cyberguerre pour contrer les guerres technologiques des armées des « mécréants ». Ce qui était une hypothèse cachée est devenu une réalité admise, dans la longue durée. L’action et la réaction ont changé le paysage qu’il faut redessiner. L’économie s’y adaptera-t-elle ? L'action a été structurée par les outils numériques, les smartphones et les réseaux qui ont servi aux agresseurs aussi bien qu’aux agressés et aux services de sécurité. L’utilisation bivalente, bien et mal, de ces outils impose une révision des concepts de contrôle des moyens offerts sur les marchés. Le Droit et la Justice le pourront-ils ? La Loi et son respect par tous, pièce maîtresse de la démocratie, vit en permanence une alternance proclamation/abrogation qui la rend incompréhensible, qui lui vaut les critiques des plus hautes autorités et qui la soumet aux directives de l’Union européenne, plus appliquées en râlant qu’expliquées en formant celui qu’elle contraint. Comment les législateurs et les juristes vont-ils aider le pays à sortir de ce marasme ? La puissance des réseaux numériques a amplifié les réactions populaires que, pour la première fois, il a été impossible de prévoir. Les risques d’une telle situation ont été maîtrisés par un chef d’Etat, qui a fait bon usage de sa nature débonnaire. Qu’en sera-t-il d’un successeur d’un tempérament différent ? Les institutions pourront-elles préserver la démocratie des réactions excessives stimulées par les pulsions des réseaux ?
837
institut présaje
2015-03-01
1
[ "michel rouger" ]
LA FRANCE AU LENDEMAIN DES JOURNÉES DE JANVIER 2015
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Les réactions médiatiques, hyper bruyantes pour le concept de « Charlie », hyper silencieuses pour les marches, n’ont pas livré leur nature, numérique ou politique. Une réponse qui collerait au temps de l’info télé ou du web ne pourra qu’être ambigüe. Surtout sur le sens de la présence, à Paris, de dirigeants étrangers issus de nations occupant la moitié de l’hémisphère nord et qui vivent, depuis des millénaires, leurs conflits entre les trois grandes religions du Livre, leurs guerres, leurs croisades, leurs conquêtes coloniales, plus les génocides du XXème siècle. Comment prendre le temps d’expliquer ? Sans oublier l’essentiel, la jeunesse présente sur le sol de France, celle qui y trouve sa nationalité, mais pas son identité. Que signifie, pour elle, cette notion de laïcité vénérée par ceux qui furent formés par les « Hussards noirs » d’une Instruction publique aujourd’hui raillée ? Comment la faire adhérer à la République une et indivisible alors que les réseaux du monde entier lui font vivre de multiples communautés ? Le décryptage des messages adressés à la France par son histoire exigera du temps. Espérons qu’aucun gros pépin, hélas latent, ne plonge le pays dans une guerre civile, chaude, attisée par les ennemis de la cyberguerre, plus violente que les guérillas urbaines des vieilles cités de non-droit qui l’auront fait naitre.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "nicolas mottis" ]
INSTABILITÉ FISCALE : MOUCHES ET COÛTS CACHÉS...
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# Instabilité fiscale : mouches et coûts cachés... L’EBE, l’excédent brut d’exploitation, a été l’objet d’une controverse franco-française médiocrement savoureuse il y a quelques mois. Pour les entreprises, la doctrine fiscale de notre pays a un double problème de crédibilité et de stabilité. Les entreprises françaises sont bien obligées de faire avec. Les entreprises étrangères elles, stigmatisent la destination France. « Le pare-brise plein de mouches écrasées est toujours plus sale que le rétroviseur, mais on ne conduit pas en regardant le rétroviseur »... Bien connue des praticiens du management et de la conception de tableaux de bord, cette formule résonne fortement avec la situation de notre économie. Illustrons.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "nicolas mottis" ]
INSTABILITÉ FISCALE : MOUCHES ET COÛTS CACHÉS...
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L’EBE Net ou pas Net ? Vu des entreprises, le message fiscal officiel actuel semble assez clair : « la pression n’augmentera plus sur vous, le gros a été fait, les efforts porteront maintenant sur les réductions de coûts et les particuliers (aisés) ». C’est séduisant pour tout dirigeant jonglant avec une demande stagnante et des structures de coûts souvent assez rigides. Mais une grosse mouche vient de s’écraser sur le pare-brise : une nouvelle base d’imposition pour les entreprises est créée « l’Excédent Brut d’Exploitation ». Le clin d’œil dans le rétroviseur suggère qu’une nouvelle base c’est jamais un bon présage. On commence avec un taux faible puis, avec les « Monsieur Petit Plus », quelques années plus tard l’assiette finit bien chargée. Le problème en fait c’est surtout la deuxième grosse mouche : « on vient de corriger, ce sera en fait l’EBE Net, mais avec un taux plus élevé». Pourquoi ? Pour ne pas « finalement désavantager ceux qui investissent ». Sans blague ? Et là on se dit que si un détail aussi anodin a été sous-estimé au moment où l’idée a été avancée, on a une puissance publique qui a un vrai besoin de stage en entreprise. Gros doute sur la crédibilité de la doctrine fiscale et sa stabilité future. Enorme coût caché.
838
institut présaje
2014-02-01
11
[ "nicolas mottis" ]
INSTABILITÉ FISCALE : MOUCHES ET COÛTS CACHÉS...
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## Le brouillard de la feuille de paie L’énarque et les feuilles de paie... Une discussion avec un ancien étudiant, passé ensuite par l’ENA, et ayant aidé un entrepreneur de sa famille à faire les feuilles de paie des salariés de sa TPE pendant des années: « on a eu un contrôle URSSAF récemment, sur les 150 bulletins de paie que j’avais préparés, savez-vous combien étaient justes ? » « Euh... non, disons 50% ? »... « Non, aucune ! Mais heureusement, comme il y avait autant d’erreurs en notre défaveur, qu’en notre faveur, on n’a pas été redressé. » Quelques mouches dans l’œil permettent d’éliminer d’emblée l’hypothèse de la responsabilité du système de formation. En fait, du citoyen de base à l’expert-comptable, gérer des bulletins de paie en France est juste un défi. Si on regarde dans le rétroviseur les taux appliqués et toutes les lignes sur les bulletins passés, on risque la sortie de route, c’est écrit tellement petit qu’il faut se pencher pour lire. Surtout, en regardant devant, on ne compte plus les mouches et autres bourdons qui viennent s’écraser sur le pare-brise pour changer les règles, les lignes, les taux, etc. Alors difficile de tracer sa route, ce qui conduit plutôt à freiner quand on pense recruter. Gros coût caché. Le coût horaire du travail calculé par quelques statisticiens n’est qu’une partie « visible » du problème.
838
institut présaje
2014-02-01
11
[ "nicolas mottis" ]
INSTABILITÉ FISCALE : MOUCHES ET COÛTS CACHÉS...
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Recruter en France ? Le poids du thème de l’expatriation fiscale a été frappant dans le débat politico-économique récent. Si on ne peut pas mesurer, on ne peut pas manager (paraît-il). Alors un point clé du débat a été la demande de mesures précises du phénomène par les services de l’Etat. Conclusion: c’est un phénomène mineur. A la limite peu importe. Quiconque travaille aujourd’hui avec des entreprises constate au moins deux choses: pour la plupart des françaises le phénomène est limité, peu de cadres ou dirigeants partent. Et pour les profils qualifiés, le siège étant en France, beaucoup de recrutements y restent localisés. Pour les entreprises étrangères c’est une autre histoire : opérer en Europe avec des filiales dans différents pays conduit de façon quasi-systématique à favoriser à tout prix les recrutements en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple, y compris pour des profils moyennement qualifiés, et à éviter la France. C’est plus difficile à mesurer. Mais ce coût, s’il est caché, est énorme. Comment chiffrer une non-décision ? En entreprise on a du mal, mais chacun sait que quand certaines choses ne sont pas faites elles finissent par coûter beaucoup.
838
institut présaje
2014-02-01
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[ "nicolas mottis" ]
INSTABILITÉ FISCALE : MOUCHES ET COÛTS CACHÉS...
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Pour avoir étudié et travaillé dans de nombreux pays, les atouts de notre pays apparaissent évidents. Le problème avec les étrangers est qu’ils ont souvent du mal à saisir notre génie alors qu’il n’y a qu’à regarder dans le rétroviseur : mais oui, il est arrivé que nous ayons raison avant tout le monde ! Et lorsqu’ils regardent devant avec nous, on leur envoie un sacré paquet de mouches sur leur pare-brise. Or en management on sait bien que les coûts cachés sont souvent très supérieurs aux coûts mesurés et que faire simple est certes compliqué... mais ça rapporte beaucoup. Arrêtons donc d’essayer de leur faire croire que la meilleure façon de conduire est d’être assis dans le coffre... parce que de là le pare-brise est trop loin pour qu’on y distingue encore les mouches !
839
institut présaje
2015-03-01
2
[ "armand braun" ]
LE NÉCESSAIRE APPRENTISSAGE D’UN NOUVEL ART D’INFORMER ET DE S’INFORMER
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# Le nécessaire apprentissage d’un nouvel art d’informer et de s’informer Le chef d’entreprise lit « Les Echos » et écoute « BFM ». Le fonctionnaire lit « Le Monde » et écoute « France Inter ». Le réflexe naturel est de s’informer auprès de ceux qui partagent notre conception du monde. Mais cela ne suffit pas, explique Armand Braun dans une saisissante comparaison entre l'internaute et le chasseur-cueilleur des temps préhistoriques. L’art de se mettre à l’affût de l’information sensible, de sentir le vent, de suivre des traces... Nos lointains ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs. Que viennent-ils faire ici alors qu’il s’agit d’information au XXIème siècle ? Pourquoi cette image archaïque à l’époque des médias, de l'ubiquité, de l’instantanéité ?
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institut présaje
2015-03-01
2
[ "armand braun" ]
LE NÉCESSAIRE APPRENTISSAGE D’UN NOUVEL ART D’INFORMER ET DE S’INFORMER
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## C’est que les chasseurs-cueilleurs étaient des maîtres de l’information. Par nécessité, pour nourrir leurs familles. Mais pas seulement. Il y avait aussi chez eux ce Drang, cette pulsion humaine que l’on retrouvera chez les explorateurs, les innovateurs, les entrepreneurs de toutes les époques et de tous les domaines. Sortir du périmètre connu pour aller voir ce qui se passe ailleurs est une expression irrésistible de l’humain, appuyée sur notre capacité, unique parmi les formes du vivant, à concevoir et à réaliser, à force de volonté, de rêve, d’imagination, d’intuition, d’énergie. On sait que les chasseurs-cueilleurs sont aussi devenus des peintres, des architectes, des ingénieurs... Nous connaissons une partie de ce qu’ils ont réalisé, nous en profitons encore (le feu, la roue...) Pour chasser, ils avaient besoin d’apprendre à s’informer, de s’entraîner en vue de toutes les situations et de savoir courir des risques (ennemis, animaux féroces, nature hostile...). Ils étaient toujours aux aguets et savaient que le plus grand danger était de ne rien faire. Entre eux et nous, que de différences ! De nos jours, l’information vient à nous à travers toutes sortes de médias. Pourtant, nous avons besoin des mêmes talents. Nous aussi devons chercher et nous entraîner sans trêve : faire preuve de constance et de patience, être à l’affût, percevoir ce que les autres ne voient pas, discerner, dans le chaos des données, ce qui importe et ce qui est possible.
839
institut présaje
2015-03-01
2
[ "armand braun" ]
LE NÉCESSAIRE APPRENTISSAGE D’UN NOUVEL ART D’INFORMER ET DE S’INFORMER
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Nous aimons à affirmer que nous ne pensons qu’à cela. Gérer l’information personnelle est un art que chacun croit posséder. En pratique, l’habitude et le conformisme règnent. L’habitude ? Le chef d’entreprise lit Les Echos et écoute BFM, le fonctionnaire lit Le Monde et écoute France Inter, l’étudiant lit Libération ou consulte divers sites politiques. Le conformisme ? La plupart s’informent auprès de ceux qui vont dans le sens de ce qu’ils pensaient déjà. Et que dire des points de vue péremptoires qui s’expriment dans les clubs, les organisations professionnelles, les syndicats, les partis... Dans les dîners, on se jette à la figure les arguments ainsi ressassés. L'événementiel des médias et des réseaux sociaux nous abreuve de faits d’actualité et de commentaires à chaud qui nous donnent l’illusion que nous sommes informés et nous ôtent le désir d’aller plus loin ou ailleurs.
839
institut présaje
2015-03-01
2
[ "armand braun" ]
LE NÉCESSAIRE APPRENTISSAGE D’UN NOUVEL ART D’INFORMER ET DE S’INFORMER
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400
## Français ballotés au vent du « story telling » L’information n’intéresse pas tout le monde. Beaucoup la reçoivent en passant car ils n’éprouvent pour elle qu’un appétit de surface. Des dizaines de millions de Français sont ainsi, sans en avoir conscience, ballotés au vent de la pensée correcte, du story telling et d’une communication souvent peu éloignée de la propagande. Les jeux vidéo et autres interviennent eux aussi à ce propos : ils constituent un marché mondial, dont font partie 53% des Français ; ils situent l’action dans des mondes parallèles uchroniques et généralement violents. Nous avons donc un immense milieu de couch potatoes, récepteurs passifs, consommateurs non discriminants d’information. Des médias souvent florissants leur sont dédiés, ainsi que l’actualité. Faut-il souligner la gravité pour la société et pour la vie démocratique de ce risque - captivité médiatique choisie, possibilité de tsunamis passionnels de tous ordres - qui reste tabou et auquel aucun bon esprit ne s’intéresse à ma connaissance ? Le monde actuel confronte ceux qui ont réellement le souci de s’informer à des problèmes supplémentaires. L’information qui nous parvient est formatée. Les médias, et plus encore les réseaux, nous donnent accès à des assemblages de rayons d’hypermarchés où l’on trouve des produits bien rangés et calibrés (les mêmes à travers le monde). Ce monde est infiniment complexe et nul n’est capable de l’appréhender vraiment au-delà de son propre domaine d’expertise et de connaissance ; il devient donc très difficile de partager l’information et de se forger des opinions partagées sur le fond.
839
institut présaje
2015-03-01
2
[ "armand braun" ]
LE NÉCESSAIRE APPRENTISSAGE D’UN NOUVEL ART D’INFORMER ET DE S’INFORMER
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## L’art de lire les traces, de sentir le vent La quête de l’information pertinente est l’un des problèmes majeurs et non perçus de notre époque. En voici quelques illustrations : dans les affaires publiques, en 1944, Alliés et Allemands ont joué au chat et à la souris à propos du lieu du Débarquement ; dans les affaires privées, les premiers investisseurs dans des PME naissantes dénommées Apple et Google ont été moqués par les gens d’expérience ; en ce moment, nous participons sans le comprendre au déploiement de la net économie et de la méta économie financière, indépendamment de l’économie réelle. Notre monde est bien plus « giboyeux » que celui des chasseurs-cueilleurs. Il est différent aussi de celui tout récent où nous avons forgé notre expérience. La lame de fond de la société de l’information à faible coût se met en place. Elle ouvre tous les horizons et les referme dans le même mouvement. Nous devons devenir experts dans l’art de lire les traces, de sentir le vent, d’être intellectuellement mobiles, de forger nos convictions, de suivre une piste...
840
institut présaje
2014-02-01
10
[ "patrick légeron" ]
OÙ SE TROUVE L’ « HUMAIN » DANS LES FORMATIONS ET L’ÉDUCATION ?
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# Où se trouve l’ « humain » dans les formations et l’éducation ? Le climat des affaires s’est fortement assombri en France depuis une demi-douzaine d’années. Cela ne suffit pas à expliquer la difficulté du dialogue quotidien entre les dirigeants et les salariés de nombreuses entreprises. A l’origine de cette froideur ou de cette incommunicabilité, explique Patrick Légeron, il y a la faible prise en compte de l’humain dans le monde du travail. La prise de conscience a été brutale et dramatique. La vague de suicides observée ces dernières années dans le monde du travail a mis en évidence les impacts sur les individus des profondes transformations des environnements professionnels confrontés aux exigences de compétitivité et d’adaptation et l’incapacité des entreprises à les anticiper. La souffrance au travail, partie moins visible de cet iceberg qu’est la détresse psychologique de salariés, est aussi un phénomène qui se développe de façon inquiétante. Le management des entreprises est ainsi fortement interpellé et les managers s’avèrent la plupart du temps bien dépourvus non seulement pour comprendre mais aussi pour gérer cette réalité. « Notre entreprise sait très bien construire des voitures mais absolument pas prévenir les suicides » me confiait avec beaucoup d’humilité il y a quelques années le DRH d’un grand constructeur automobile confronté à ces drames humains. Il avait hélas raison. Dans nos plus belles écoles dites de management, d’ailleurs intitulées plus honnêtement « Business Schools », on apprend tout (finances, stratégies, affaires, etc.) sauf... le management ! Dans les programmes de formation de nos futurs dirigeants, la place faite à la psychologie est quasiment inexistante. Comme si les attentes des individus, leurs émotions (négatives mais aussi positives), leur vécu ne jouaient pas un rôle déterminant dans le fonctionnement de l’entreprise.
840
institut présaje
2014-02-01
10
[ "patrick légeron" ]
OÙ SE TROUVE L’ « HUMAIN » DANS LES FORMATIONS ET L’ÉDUCATION ?
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Sans surprise, il en résulte que l’activité principale des managers tend à devenir le remplissage de tableaux excel et le reporting d’indicateurs et de moins en moins la gestion de leurs collaborateurs. « Moins je le vois, mieux je me porte !» entendait-on souvent dire de leur chef les salariés il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui ces mêmes salariés se plaignent plutôt de l’absence de leur manager et de son manque de soutien.
840
institut présaje
2014-02-01
10
[ "patrick légeron" ]
OÙ SE TROUVE L’ « HUMAIN » DANS LES FORMATIONS ET L’ÉDUCATION ?
4
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## La France en retrait Cette faible prise en compte de l’humain dans le monde du travail est particulièrement marquée dans notre pays, comme l’indiquent de nombreuses études internationales (Eurofound, European Value Surveys, International Social Survey Programme, etc.). Trop fréquemment, les capacités d’un manager à construire l’estime de soi de ses collaborateurs, à pratiquer de la reconnaissance ou à faire preuve d’empathie sont considérées comme liées à la personnalité de celui-ci et non, comme dans les pays anglo-saxons, comme de véritables compétences professionnelles à développer et même à évaluer régulièrement. Paradoxalement, dans un univers où l’on pourrait penser que l’humain est primordial, celui de la médecine, le constat est également assez décevant. Les médecins tout au long de leurs études sont formés à la connaissance des maladies, très peu des malades. Les médecins des siècles passés, dépourvus de remèdes efficaces, ne pouvaient réconforter le malade et sa famille que par la qualité de leur présence et leur humanité. Les progrès techniques et l’efficacité des thérapeutiques se sont hélas faits au détriment de la relation humaine. Les patients le ressentent d’ailleurs fort bien qui attendent autant de l’ « humain » que de la « science » de leur médecin. Les étudiants en médecine sont bien formés à diagnostiquer un cancer et à conduire un traitement, mais sont démunis face à la détresse du patient, à ses interrogations. Nos facultés de médecine ont bien sûr introduit dans leur enseignement des fondamentaux de psychologie et des cours sur la relation médecin-patient, mais plus dans ses aspects théoriques que pratiques. Ainsi, nos futurs praticiens, pour ne citer qu’un exemple, apprennent rarement les attitudes à adopter face à un malade qui s’effondre en pleurs devant eux. Ce devrait pourtant faire partie intégrante de leur savoir professionnel.
840
institut présaje
2014-02-01
10
[ "patrick légeron" ]
OÙ SE TROUVE L’ « HUMAIN » DANS LES FORMATIONS ET L’ÉDUCATION ?
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Les compétences « humaines », que l’on peut aussi qualifier de compétences psychologiques et même émotionnelles, ne peuvent jamais remplacer les compétences « techniques » qui définissent la maîtrise de tout métier. L’humain dans le fonctionnement d’une entreprise, d’une équipe ou d’un collectif n’est pas la cerise « éthique » sur le gâteau, mais essentiel à sa dynamique et à sa performance. Certes, dans la plupart des entreprises, des « chartes » affirment solennellement que leur première valeur est l’homme et de nombreux rapports officiels insistent sur la nécessité de remettre l’homme au cœur de l’entreprise. Mais la réalité est souvent bien différente. Car dès le plus jeune âge, nous n’avons jamais réellement appris ce qu’étaient ces compétences humaines. Au fil des années et de nos expériences, nous saurons bien sûr les développer empiriquement plus ou moins bien d’ailleurs et hélas tardivement. Dans les écoles québécoises, très tôt, les enfants au moyen de jeux de rôle développent leurs capacités à établir des relations satisfaisantes et efficaces avec les autres, tant au niveau comportemental qu’émotionnel. Le concept d’intelligence émotionnelle y est enseigné et surtout mis en application. Mais ce qui est vraiment utile dans la vie est rarement appris à l’école et ultérieurement très peu dans le monde du travail. Ce triste constat s’applique aussi à l’acquisition des compétences à gérer l’humain.
841
institut présaje
2014-02-01
9
[ "philippe durance", "dominique boullier", "daniel kaplan" ]
HAUTS ET BAS DE LA RÉVOLUTION DES MOOCS
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# Hauts et bas de la révolution des MOOCs Il y a trois ans à peine, la rumeur publique annonçait une révolution. Les MOOCs - Massive Open Online Courses - allaient rétablir l’égalité des chances en matière de transmission du savoir et d’apprentissage partout dans le monde. Aujourd’hui, l’enthousiasme est retombé mais quelque chose est bien en train de se produire. L’Ecole de Paris a organisé le 27 janvier 2014 une soirée débat sur le thème : « Les MOOCs, et après ? ». Trois témoignages.
841
institut présaje
2014-02-01
9
[ "philippe durance", "dominique boullier", "daniel kaplan" ]
HAUTS ET BAS DE LA RÉVOLUTION DES MOOCS
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## Philippe Durance, professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers De l’enthousiasme excessif en 2010-2011 au discours injustement catastrophiste en 2014. La jeune histoire des MOOCs commence sous le signe des envolées lyriques et se poursuit sous le signe des explications musclées. Pour le grand public, tout commence par un emballement médiatique autour d’une initiative de Sebastian Thrun, allemand d’origine, professeur d’informatique à Stanford, fondateur d’Udacity et conseil de Google. Thrun décide de mettre son cours d’intelligence artificielle en ligne et il a la surprise d’enregistrer 50.000 inscriptions en provenance du monde entier. Ce succès donne des idées au « New-York Times » qui raconte l’événement dans ses colonnes. Aussitôt, le nombre des inscrits bondit à 160.000, dix fois le nombre des étudiants de Stanford. Les réseaux sociaux bourdonnent alors de commentaires sur les victoires futures de l’éducation gratuite pour tous, partout dans le monde. Au même moment, les réseaux sociaux bourdonnent de commentaires sur l’originalité grandissante des programmes en ligne. Tels par exemple les programmes philanthropiques soutenus par l’acteur indien Salman Khan, agrémentés de vidéos accessibles sur YouTube. Trois caractéristiques Polémique ou pas, l’avenir des MOOCs est assuré. Ce sont de vrais cours en ligne sous des formats modulaires et exploitant toutes les ressources du multimédia et de l’interactivité que permet internet. Ils sont gratuits et ouverts à tous. Pas de sélection, pas de droits d’inscription. Ils s’adressent aux masses : un professeur ayant un peu d’ancienneté a plus d’élèves en un seul cours que la totalité de ceux qu’il a côtoyés dans toute sa vie.
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institut présaje
2014-02-01
9
[ "philippe durance", "dominique boullier", "daniel kaplan" ]
HAUTS ET BAS DE LA RÉVOLUTION DES MOOCS
5
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453
Quelles sont les limites du modèle ? Le rêve de la démocratisation de l’enseignement à l’échelle mondiale s’est quelque peu évanoui à la suite de la publication dans la revue « Nature » d’une étude sur les étudiants des programmes de MOOCs. Surprise ! On y découvre qu’ils appartiennent en majorité à la catégorie des étudiants les mieux formés et les plus fortunés. Autre élément à prendre en compte : la forte proportion d’abandons en cours de route. Les inscriptions massives se transforment au fil du temps en des participations réelles beaucoup plus restreintes. Harvard et le MIT constatent que 5% seulement des inscrits se soumettent à l’examen final prévu dans leurs modules d’enseignement. Mais quand 5% signifient que 40.000 étudiants suivent l’intégralité d’un cursus - ce qui s’observe pour les programmes les plus prisés - on comprend bien qu’en dépit de toutes les critiques, les MOOCs ont une puissance de frappe sans égale. ## Dominique Boullier, professeur coordonnateur scientifique du médialab à Sciences Po Paris La numérisation de l’enseignement est une vieille histoire. On y travaille depuis 25 ans. Depuis quinze ans, les plates-formes de e-learning se sont multipliées. Mais depuis 6 ans, avec les MOOCs, l’enseignement en ligne est enfin devenu un vrai sujet de mobilisation du corps enseignant. Les cours en ligne ont longtemps été d’ennuyeuses reproductions de cours magistraux. Et si aujourd’hui, beaucoup d’enseignants figurent parmi les inscrits des meilleurs programmes internationaux, c’est parce que à leur tour, ils veulent s’initier aux nouveaux langages, aux nouveaux outils pédagogiques. Un apprentissage qui transforme et enrichit le métier d’enseignant. - Nouvelle définition de ce que l’on appelle un « cours », un module d’enseignement. L’idée du découpage en « grains » articulés avec d’autres grains.
841
institut présaje
2014-02-01
9
[ "philippe durance", "dominique boullier", "daniel kaplan" ]
HAUTS ET BAS DE LA RÉVOLUTION DES MOOCS
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- Scénarisation aussi poussée que possible des programmes afin de capter l’attention des étudiants. Recours à tous les instruments de la communication multimédia : production de vidéos, jeux de rôle, ressorts d’émotion, combinaison de séquences de styles opposés etc. Cela signifie mobilisation d’équipes polyvalentes. - Découverte de publics nouveaux. Les MOOCs rassemblent des publics qui peuvent paraître hétérogènes mais qui élargissent le regard de l’enseignant sur le monde. Trois données à prendre en compte 1. Le succès des MOOCs est une conséquence inattendue de la crise de financement des universités américaines. Celles-ci ont vu les crédits publics chuter de 50% en 20 ans. Les droits d’inscription atteignent des sommets ce qui a entraîné la formation d’une bulle d’endettement étudiant sans précédent. Beaucoup de jeunes renoncent à accéder à l’université. C’est pourquoi ils se retournent vers les plates-formes gratuites. 2. Il est faux de dire que la France est en retard, compte tenu du fait que le phénomène des MOOCs n’a guère que cinq ou six ans d’âge ! La tentation française d’imiter tout de suite ce qui se passe aux Etats-Unis est à la fois stupide et contre-productive. La France doit inventer son propre modèle. 3. La recherche de l’effet de masse ne peut pas être l’objectif prioritaire d’un MOOC. Autant il est légitime pour une université de partir à la conquête de nouveaux publics autant il importe de le faire en ciblant son offre et en adaptant sa pédagogie. Au risque d’un échec rapide, l’objectif ne peut pas être de livrer des productions banales pour des publics indifférenciés. Il est au contraire de préparer une offre « incarnée » à l’intention d’étudiants, de salariés ou d’entrepreneurs qui cherchent à s’armer pour leur combat dans la vie réelle.
841
institut présaje
2014-02-01
9
[ "philippe durance", "dominique boullier", "daniel kaplan" ]
HAUTS ET BAS DE LA RÉVOLUTION DES MOOCS
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## Daniel Kaplan, délégué général de la Fondation internet nouvelle génération De l’e-learning aux MOOCs, nous vivons la continuité d’une histoire avec ses hauts et ses bas comme le raconte l’impertinente Audrey Watters sur son site (hackeducation.com). L’enseignement supérieur vit des moments de trouble dans le monde entier mais aussi des moments fondateurs : - toutes les universités ont des problèmes de financement ce qui remet en cause leurs modèles économiques ; entre les universités, les écoles et les géants Google, Facebook, Yahoo ou Amazon les grands arbitrages de business sont encore à venir ; - le petit groupe des universités les plus prestigieuses dans le monde se livre à une concurrence déchaînée ; - les grandes institutions américaines pratiquent des stratégies de préemption quel qu’en soit le prix ; - les MOOCs sont un domino dans un jeu beaucoup plus large qui concerne l’ensemble des mondes de l’éducation et de la communication. La boîte de Pandore est ouverte. Facteur positif : nous vivons un moment d’intense créativité en matière de pédagogie. On sent partout l’envie d’une complète remise à plat des méthodes, des procédures, des formats. On s’interroge sur l’acte d’enseigner, l’acte de transmettre, l’acte d’apprendre, l’acte de partager dans un lieu « physique » dédié ou au travers de la galaxie numérique. On cherche autant à réinventer l’enseignement « résidentiel » - dans les murs de l’université - qu’à imaginer des formules collaboratives pour les étudiants inscrits aux cours en ligne. L’enseignement supérieur sort d’un modèle séculaire.
842
institut présaje
2014-02-01
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[ "françois ecalle" ]
QUELS SONT LES MÉTIERS DE DEMAIN ? LES POSTES À POURVOIR D’ICI À 2020
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# Quels sont les métiers de demain ? Les postes à pourvoir d’ici à 2020 Le système éducatif doit préparer les jeunes aux métiers de demain et non à ceux d’hier, ce qui impose de s’appuyer sur des travaux de prospective pour les identifier. Les dernières projections du ministère du Travail et du Centre d’analyse stratégique montrent où seront les postes à pourvoir dans les prochaines années. Le Centre d’analyse stratégique (récemment rebaptisé Commissariat général à la stratégie et à la prospective) et la DARES (Direction des études du ministère du Travail) ont publié en mars 2012 une projection des métiers à l’horizon de 2020. Le système de formation doit certes s’adapter aux évolutions prévisibles de l’emploi à un horizon plus lointain que 2020, mais établir des prévisions à un niveau fin de la nomenclature des métiers à un horizon de huit ans est déjà un exercice très difficile et il ne faut pas demander aux prévisionnistes plus qu’ils ne peuvent raisonnablement fournir. Le nombre de postes à pourvoir, pour chaque métier, est la somme de deux termes qui sont distingués dans ces projections : le nombre de départs en fin de carrière, qu’il faut remplacer si les effectifs ne varient pas, et le nombre de créations, ou de destructions, d’emplois par rapport à la situation initiale (celle de 2010 dans cette étude). Sur la période 2010-2020 dans l’économie française, ce nombre est, en moyenne, de 750 000 par an, soit 600 000 remplacements de départs en retraite et 150 000 créations nettes d’emplois. Ce dernier chiffre est sans doute un peu optimiste, surtout pour la période actuelle, mais l’intérêt de cet exercice réside surtout dans la répartition des recrutements par métiers qu’il met en évidence.
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institut présaje
2014-02-01
5
[ "françois ecalle" ]
QUELS SONT LES MÉTIERS DE DEMAIN ? LES POSTES À POURVOIR D’ICI À 2020
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C’est le nombre de postes à pourvoir dans les prochaines années qui doit orienter le système éducatif. Les dix métiers où il est le plus élevé sont : les agents d’entretien (37 000 emplois non qualifiés par an), les aides à domicile (32 000 emplois non qualifiés), les enseignants (28 000 emplois de cadres), les aides-soignants (22 000 emplois qualifiés), les cadres des services administratifs, comptables et financiers (22 000 emplois de cadres), les infirmiers (21 000 emplois des professions intermédiaires), les conducteurs de véhicules (20 000 emplois qualifiés), les vendeurs (20 000 emplois qualifiés), les cadres commerciaux et technico-commerciaux (19 000 emplois de cadres), les ouvriers qualifiés du bâtiment (16 000 emplois qualifiés). La classification en emplois non qualifiés, qualifiés, intermédiaires et d’encadrement est celle du ministère du travail. Sur 750 000 postes à pourvoir chaque année, il y aura 160 000 postes de cadres, 155 000 postes correspondant à des professions intermédiaires, 100 000 postes d’employés qualifiés, 110 000 postes d’ouvriers qualifiés, 110 000 postes d’employés non qualifiés, 20 000 postes d’ouvriers non qualifiés et 80 000 emplois indépendants. Si plus de la moitié de ces postes est destinée aux cadres, professions intermédiaires et indépendants, environ 17 % ne requièrent aucune qualification particulière au sens des nomenclatures du ministère du Travail. Ces métiers, comme les autres, exigent cependant la maîtrise de connaissances de base, en français notamment, et l’adoption de comportements adaptés à un environnement professionnel que tous les jeunes n’ont malheureusement pas à la sortie du système éducatif.
842
institut présaje
2014-02-01
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[ "françois ecalle" ]
QUELS SONT LES MÉTIERS DE DEMAIN ? LES POSTES À POURVOIR D’ICI À 2020
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En outre, une part non négligeable des postes d’ouvriers ou d’employés qualifiés (aides-soignants, chauffeurs de poids lourds...) ne correspond pas aux « métiers de demain » tels qu’on les imagine parfois (conducteurs de robots industriels, spécialistes des biotechnologies, gestionnaires de bases de données etc.). Au vu de ces projections, il serait inapproprié de trop augmenter les capacités de formation aux métiers « high tech » alors que, par exemple, les recrutements seront limités à 11 000 par an pour les ingénieurs de l’informatique ou à 15 000 par an pour les chargés d’études et de recherche. Il faut maintenir des capacités de formation suffisantes aux métiers traditionnels, mais en les faisant évoluer, notamment parce que ces métiers sont aussi très souvent affectés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Surtout, il ne faut pas laisser les 75 % d’adolescents de chaque génération qui obtiennent le baccalauréat espérer qu’ils auront tous un poste de cadre, ou exerceront au moins une « profession intermédiaire », alors qu’une partie non négligeable d’entre eux sera ouvrier ou employé, et pas toujours « qualifié ».
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institut présaje
2014-02-01
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[ "thomas paris" ]
LE SYSTÈME ÉDUCATIF, MOTEUR - OU FREIN - DE TOUT SYSTÈME D’INNOVATION
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# Le système éducatif, moteur - ou frein - de tout système d’innovation L’éducation transmet les connaissances. L’innovation les remet en cause pour construire un futur qui n’existe pas. Les deux notions ne sont antinomiques qu’en apparence explique Thomas Paris. La « culture » de l’innovation dans un pays est le fruit des valeurs prônéespar le système éducatif. L’affirmation de la stratégie de Lisbonne par l’Union européenne en 2000 a sans doute défini ou cristallisé, bien plus qu’un cadre d’action, un cadre cognitif pour l’ensemble des parties prenantes du monde politique et économique. Elle disait que l’Europe devait prendre acte du basculement vers l’économie de la connaissance, et que, dans cette nouvelle économie, l’éducation et l’innovation, notamment, devaient être considérées comme des priorités. Ce cadre irrigue depuis, sinon la politique, tout au moins la réflexion des pouvoirs publics dans de nombreux pays. En France, l’éducation est une priorité, l’innovation aussi, et différentes actions sont engagées depuis plusieurs années pour la traduire en actes. Ces deux enjeux sont loin d’être indépendants. Une première approche grossière suggérerait même une forme d’antinomie entre les deux notions, l’éducation et la formation signifiant la transmission de connaissances, et l’innovation une capacité à interroger et à remettre en cause les connaissances. L’innovation exige une forme d’inconscience que l’accumulation de connaissances peut empêcher. Il s’agit là, bien entendu, d’une première approche grossière, mais elle montre tout l’intérêt à aborder ces questions de concert.
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institut présaje
2014-02-01
7
[ "thomas paris" ]
LE SYSTÈME ÉDUCATIF, MOTEUR - OU FREIN - DE TOUT SYSTÈME D’INNOVATION
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Relier ces deux questions ne se limite pas à la question de la formation à l’innovation. L’on sait aujourd’hui que l’innovation n’est pas le geste plus ou moins hasardeux d’un individu génial, image que véhicule toute une mythologie dont les figures s’appellent Newton ou Fleming, l’inventeur de la pénicilline. Il y a des méthodes plus ou moins structurées pour accompagner l’activité de création, laquelle précède l’innovation. Mais l’innovation est aussi, et sans doute avant tout, une affaire de culture, qui prend donc ses racines dans l’histoire d’un territoire ou d’un pays, mais aussi dans un système éducatif dans sa globalité. L’interrogation systématique de ce qui peut paraître comme des normes incontournables, la prise de risque sur des chemins improbables auxquels parfois personne ne croit, la curiosité qui conduit à casser les frontières des champs de spécialisation, la persévérance qui consiste à chercher à contourner l’obstacle plutôt que de s’y arrêter, et l’échec parfois répété constituent des éléments normaux d’un parcours d’innovation. Ils exigent des qualités singulières des individus qui s’y engagent, certes, mais ils exigent aussi que ces individus puissent déployer ces qualités. L’innovation est rarement l’acte d’un individu isolé, et nécessite que le cheminement dont nous venons d’esquisser brièvement les traits, constitué d’essais-erreurs, de doute, d’échecs puisse se produire. Il faut donc non pas un mais plusieurs individus qui croient à cette aventure, et un contexte qui la rende possible.
843
institut présaje
2014-02-01
7
[ "thomas paris" ]
LE SYSTÈME ÉDUCATIF, MOTEUR - OU FREIN - DE TOUT SYSTÈME D’INNOVATION
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La particularité de l’innovation est qu’elle consiste en la construction d’un futur qui n’existe pas. Il ne s’agit pas de découvrir un chemin mais de le dessiner. Cela a pour conséquence que rien n’est pré-écrit et qu’il n’y a pas de "demande" préexistante : aux innovateurs de proposer un avenir parmi d’autres, que la société adoptera ou non. Cette posture montre en quoi le système éducatif peut contribuer à une culture de l’innovation. Un système qui favorise l’expérimentation et les projets collectifs est sans doute plus propice à cette culture. De même que l’est un système qui ne stigmatise pas l’échec, ou qu’un système qui n’est pas fondé sur une hiérarchisation et une échelle des valeurs unique. Un système qui favorise la discussion l’est sans doute aussi plus qu’un qui consisterait en la transmission de connaissances présentées comme incontestables. Enfin, un système qui met l’accent sur l’ouverture d’esprit l’est sans doute plus que celui qui chercherait à spécialiser très vite.
843
institut présaje
2014-02-01
7
[ "thomas paris" ]
LE SYSTÈME ÉDUCATIF, MOTEUR - OU FREIN - DE TOUT SYSTÈME D’INNOVATION
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La France a construit un système éducatif basé sur le mérite individuel et la maîtrise de connaissances fondamentales en accordant le primat au cartésianisme, incarné par les mathématiques. D’autres pays ont développé ou expérimentent des approches radicalement différentes, avec parfois des effets considérés comme intéressants au regard de comparaisons internationales portant sur les résultats scolaires ou la capacité d’innovation nationale. Il serait néanmoins dommageable de faire des raccourcis rapides en définissant le système éducatif en fonction de l’innovation. D’une part - c’est une évidence - parce que le système éducatif n’a pas comme visée unique de promouvoir l’innovation. Il est l’un des outils d’un projet de société. Et quand bien même cela serait le cas, promouvoir l’innovation ne saurait se ramener à ne fabriquer que des profils d’innovateurs. D’autre part parce que les systèmes d’innovation qui fonctionnent montrent bien que l’éducation n’est pas le facteur unique. La Silicon Valley, parangon incontesté en la matière, se nourrit principalement de talents étrangers, pour beaucoup formés en partie loin des Etats-Unis. La culture d’innovation repose sur d’autres facteurs plus prosaïques, comme l’accès à des ressources financières.
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institut présaje
2014-02-01
8
[ "olivier babeau" ]
PREMIERS PAS D’UN PROFESSEUR DANS LE MONDE DES COURS VIRTUELS
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# Premiers pas d’un professeur dans le monde des cours virtuels Deux mondes, deux modes de relation avec l’étudiant. D’un côté le « présentiel », mot très laid utilisé aujourd’hui pour désigner la présence physique de l’étudiant á l’école ou á l’université. De l’autre, le « virtuel », champ nouveau de la transmission du savoir qui amène le corps enseignant á redéfinir ses missions et ses méthodes. MOOC. L’acronyme ne semble ni séduisant ni sérieux. Pourtant il constitue pour l’enseignement supérieur l’événement majeur de cette décennie, et peut-être même des suivantes. Le numérique n’a pas seulement influencé notre façon de faire cours en amphithéâtre, il est en train de bouleverser la forme et le contenu même de cet enseignement - l’une étant quoiqu’on en dise liée á l’autre. Au sens strict, le
844
institut présaje
2014-02-01
8
[ "olivier babeau" ]
PREMIERS PAS D’UN PROFESSEUR DANS LE MONDE DES COURS VIRTUELS
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## Massive Online Open Course désigne le fait de diffuser gratuitement un grand nombre de cours. L’idée de dématérialiser l’enseignement ne passionne pas seulement les universités et les grandes écoles parce qu’elles y voient une façon de toucher un public plus nombreux, de démocratiser le savoir et de paraître « á la page ». De façon beaucoup plus prosaïque, elles y voient une opportunité inespérée de régler enfin le problème endémique du manque de salles de cours, conséquence d’une massification de l’enseignement universitaire elle-même mécaniquement produite par la transformation du baccalauréat en quasi droit-créance pour tout lycéen. L’université á laquelle j’ai l’honneur d’appartenir se lance depuis la rentrée 2013 dans l’expérience : plutôt que d’un MOOC au sens strict, il s’agit pour l’instant pour elle de proposer que certains cours soient dématérialisés. A l’heure dite, plutôt que de se déplacer sur le campus, les étudiants se connectent via une plateforme pour suivre en direct l’enseignement du professeur. Sollicité pour faire partie des explorateurs de ce nouveau monde, je donne depuis plusieurs semaines un même cours sous les deux formes : d’abord en « virtuel », et le lendemain en « présentiel » - terme particulièrement laid mais pour l’instant il ne s’en est pas trouvé d’autre. Voici quelques impressions et réflexions nées de cette première expérience.
844
institut présaje
2014-02-01
8
[ "olivier babeau" ]
PREMIERS PAS D’UN PROFESSEUR DANS LE MONDE DES COURS VIRTUELS
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Les premières heures furent particulièrement déstabilisantes. Habitué depuis près de quinze ans á me trouver en face d’étudiants, ma solitude face á mon ordinateur et á ma webcam était troublante. Les réflexes les plus basiques se heurtent á la limitation de l’outil, et je me retrouve á utiliser le tableau de ma fille (deux ans) pour montrer tant bien que mal un schéma explicatif... J’ai pu me rendre compte combien en pratique la présence physique des étudiants constituait une caisse de résonance utile au discours, les réactions des étudiants, comprises á travers mille petits signes, guidant le propos, motivant des variations de rythme et bien souvent encourageant á l’introduction de telle ou telle anecdote pour récréer un auditoire fatigué. Devant l’ordinateur, aucun signe ou presque de la présence d’étudiants : aucun retour audio ni aucune image. Ils peuvent certes poser des questions, mais ils le font par écrit via une interface de clavardage. Comment alors ne pas avoir l’impression quelque peu pénible de conduire, trois heures (!) durant, un soliloque un peu absurde ? J’imagine fort bien, connaissant la capacité de nos jeunes gens et jeunes filles á penser ou faire autre chose lorsqu’ils sont en classe, que bien peu sont entièrement concentrés sur mon propos et les slides de ma présentation. Clavardage parallèle, consultation de sites en ligne - au premier rang desquels l’inévitable Facebook -, discussion au téléphone voire activité domestique, je ne deviens que l’animateur marginal d’un show forcément ennuyeux, placé en concurrence avec l’infini des autres sollicitations. Et d’ailleurs comment les en blâmer, tant l’époque ne favorise plus comme autrefois la concentration prolongée ?
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institut présaje
2014-02-01
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[ "olivier babeau" ]
PREMIERS PAS D’UN PROFESSEUR DANS LE MONDE DES COURS VIRTUELS
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## Apprentissage de l’interaction Et pourtant, au bout de quelque temps, je dois dire que le caractère étrange de la situation disparaît. L’interaction finit par se créer, et même cette sorte de complicité qui apparaît lorsque des heures de dialogues font apparaître le sentiment d’une expérience partagée. Indéniablement, un collectif numérique est lá. A mon grand étonnement, je me rends compte que je progresse finalement á la même vitesse et que je suis dans le même état d’esprit lors des deux séances. Je goûte peut-être même plus la séance virtuelle, car elle réduit l’acte d’enseignement á l’essentiel - l’effort de transmission d’un savoir qui se construit aussi á chaque formulation, un échange dans le logos - tout en nous épargnant á tous le cortège pénible des contraintes matérielles : transports publics toujours saturés faisant perdre un temps considérable, salles parfois malcommodes, sous-dimensionnées et mal équipées, etc. L’avenir me dira si les résultats obtenus par les deux groupes sont comparables, indiquant ainsi l’effet respectif des deux modes d’enseignement. Pour l’heure, j’entrevois les conséquences immenses des cours en ligne et toutes les questions que leur développement pose : si pour l’instant le cours n’est pas enregistré, il devrait finir par l’être, qu’adviendra-t-il alors de l’interactivité minimale qui maintient l’impression d’un dialogue lorsque chacun pourra se contenter de visionner l’enregistrement á l’heure qui lui convient le mieux ? Le vrai MOOC se consomme comme n’importe quelle vidéo, mais justement les autres vidéos se regardent de façon passive : l’étudiant saura-t-il adopter l’attitude active qu’il est censé avoir en cours ? Pourquoi recommencer le cours s’il a été enregistré une année et qu’il n’a pas á être actualisé tous les ans ? Jusqu’où supprimer l’obligation de présence physique des étudiants, et avec quelles conséquences sur l’apprentissage ?
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institut présaje
2014-02-01
8
[ "olivier babeau" ]
PREMIERS PAS D’UN PROFESSEUR DANS LE MONDE DES COURS VIRTUELS
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En permettant de multiplier á l’infini le nombre d’étudiants pour un professeur, les cours en ligne n’induisent-ils pas á terme une baisse du nombre d’enseignants dont les universités désormais gestionnaires de leur masse salariale seraient heureuses ? Le statut du professeur, et en particulier son sacro-saint service d’enseignement de 192 heures « équivalent TD » ne devront-ils pas changer en profondeur pour prendre en compte les nouvelles façons d’enseigner et le nouveau contenu effectif des charges d’enseignement ? Dans quelle mesure la possibilité pour les universités et grandes écoles de s’affranchir de toute contrainte spatiale en devenant des marques déclinables partout dans le monde va-t-elle reconfigurer le paysage concurrentiel de l’enseignement supérieur ? Autrement dit, les universités les moins attractives ne vont-elles pas perdre leur public au profit des plus prestigieuses ? Finalement, l’avènement des MOOC constitue surtout l’opportunité pour le milieu académique de reposer les questions de ses finalités - á quoi servons-nous ? Quels doivent être nos objectifs ? - et de ses modes de fonctionnement. Le numérique a cela de merveilleux qu’il n’a cure des justifications institutionnelles de confort, se rie des arrangements routiniers et replace l’intérêt du consommateur final au centre du jeu. C’est tout ce que l’on peut souhaiter á nos universités.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "armand braun" ]
FORMATION, ÉDUCATION, MÉTIER : CHAQUE JEUNE FRANÇAIS DÉTIENT LA CLÉ DE SON AVENIR
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# Formation, éducation, métier : chaque jeune Français détient la clé de son avenir De nouveaux métiers apparaissent, d’autres disparaissent, d’anciens métiers renaissent, l’éventail des choix de carrières n’a jamais été aussi large pour les jeunes Français, pour peu qu’ils voyagent, qu’ils ouvrent les yeux, qu’ils s’informent et qu’ils échappent aux diktats de la famille et du lycée. En 1987, j’ai créé avec mon épouse L’Aventure des métiers, un salon qui se tenait à la Grande Halle de la Villette et, pendant une semaine, accueillait bon an mal an 150 000 à 200 000 collégiens venus de toute la France pour découvrir les métiers présentés par ceux-là même qui les exerçaient. L’événement a été répété chaque année jusqu’à ce que, dans sa grande sagesse, Claude Allègre ne le récupère et le noie dans le cadre du Salon de l’Education, à la Porte de Versailles... J’y ai observé les enfants et je les ai écoutés. S’il est un thème qui revenait chez tous, de mille manières, c’était : « c’est à moi qu’il revient de conduire ma vie ». J’ai été impressionné par cette détermination de tous à assumer eux-mêmes la responsabilité de leur avenir. C’est pourquoi nous devions les aider à ne pas trop écouter leurs professeurs et, le week-end, à échapper à leurs parents : ces jeunes visiteurs, quelle que soit la nature du métier dont ils rêvaient, comprenaient intuitivement qu’eux seuls détenaient la clef de leur avenir.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "armand braun" ]
FORMATION, ÉDUCATION, MÉTIER : CHAQUE JEUNE FRANÇAIS DÉTIENT LA CLÉ DE SON AVENIR
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La conviction que j’ai retirée de cette expérience demeure. Quelqu’un l’a exprimée mieux que je ne saurais le faire : dans son film Les Sept Samouraï, Kurosawa faisait dire à un de ses personnages : "Les gosses en font souvent plus que les adultes, pourvu qu'on les traite en adultes". Le temps a passé. Beaucoup de données ont changé, parfois dans des conditions inconcevables à l’époque de l’Aventure des métiers. D’autres sont en train de surgir. De nouveaux métiers apparaissent et d’anciens métiers revivent. On a beaucoup parlé de l’école de formation au numérique de Xavier Niel et il se crée des écoles pour les métiers de bouche, les métiers d’art, d’autres savoir-faire artisanaux. Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher à Asnières et grand communicateur devant les médias, a métamorphosé l’image de sa profession, obtenant notamment de longs reportages dans le New York Times et le Wall Street Journal. Chaque employeur veut s’assurer les services des meilleurs ; la rencontre de l’offre et de la demande revêt des formes originales. Un marché mondial des talents surgit. Initialement il portait sur des formations et des métiers rares, liés pour la plupart aux nouvelles technologies de l’information. Désormais, il concerne tous les métiers qualifiés (c’est ainsi que, dans mon propre entourage, un architecte a trouvé un emploi à Chicago et un pâtissier à Macao) et tend à formater aussi les activités non qualifiées. D’un côté, cette mondialisation durcit la concurrence ; de l’autre, elle favorise la réinvention de métiers et de leur enseignement. Les MOOCs permettent à tous d’accéder à la formation de leur choix, dans les pays du Sud comme dans ceux du Nord ; avant peu, des dizaines de millions de personnes obtiendront ainsi des diplômes d’universités prestigieuses et se présenteront sur le marché avec des CV d’un type nouveau.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "armand braun" ]
FORMATION, ÉDUCATION, MÉTIER : CHAQUE JEUNE FRANÇAIS DÉTIENT LA CLÉ DE SON AVENIR
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Le monde s’adapte à cette nouvelle réalité. A notre modeste échelle (à côté d’autres facteurs, notamment fiscaux), l’existence de ce marché mondial explique le fait que chaque année des dizaines de milliers de jeunes Français s’expatrient pour un emploi. Quelques nations - l’Australie a été la première, la Grande Bretagne avance très vite - ont compris avant nous la chance qu’il pouvait représenter. Savons-nous que nous-mêmes sommes déjà demandeurs de compétences sur ce marché mondial, par exemple parmi les managers et les universitaires ? La France devrait opter délibérément pour une vocation d’attracteur majeur en termes de formation aux talents. La compétence vérifiée est en train de devenir l’un des premiers marchés dans le monde. Seuls en Europe, nous avons la chance d’avoir une jeunesse nombreuse ; notre appareil de formation a de beaux restes ; nous sommes la patrie de métiers en grand nombre dont beaucoup sont rares. Nous mettons en œuvre sur le territoire national de nombreuses compétences avancées. Nous sommes une nation de vieille culture qui est aussi en phase avec notre temps. Nous cherchons actuellement à promouvoir d’autres domaines - l’industrie entre autres - mais ceux-ci sont eux-mêmes déterminés dans leur développement par la qualité des compétences qu’ils sauront attirer. Voilà une perspective ouverte à la création de richesses, une chance de réaffirmer notre rayonnement, un champ sur lequel notre réussite dépendra avant tout de nos efforts. Par contre il est devant nous, le choc wagnérien des cultures entre nos systèmes éducatifs bureaucratiques et méritocratiques et une réalité fondée sur l’initiative individuelle, la responsabilité de chacun vis-à-vis de son destin et la parité d’estime entre tous les métiers. Mais y-a-t-il beaucoup d’autres domaines dont nous puissions être sûrs, à cette échelle, que la France y trouvera un avenir ?
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2014-02-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
TRAVAIL MANUEL : L’URGENCE ABSOLUE D’UNE RÉHABILITATION POUR EN FINIR AVEC UN DRAMATIQUE ARCHAÏSME FRANÇAIS
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# Travail manuel : l’urgence absolue d’une réhabilitation pour en finir avec un dramatique archaïsme français En France, les « bobos », les bourgeois et le petit peuple ont au moins un point commun : celui d’être convaincus que l’enseignement technique n’est pas la filière qui peut favoriser le bonheur futur de leurs enfants. Fatale et absurde croyance dans un pays qui compte un demi-million d’emplois non pourvus malgré 3 millions de chômeurs. 400.000 emplois non pourvus dans un pays qui compte 3 millions de chômeurs. Dans un pays qui renâcle devant les flux d’immigration massive au motif que les nouveaux venus viennent occuper des emplois vacants. Où est l’erreur ? Pourquoi nos enfants ne veulent-ils plus porter le tablier du boucher ou faire le taxi ? Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne voulons pas qu’ils deviennent bouchers ou chauffeurs de taxi ! Un de mes collègues de la Sorbonne, le grand spécialiste du roman naturaliste, obligé de constater le peu d’entrain mis par son fils pour trainer chaque matin sa lassitude au lycée, finit par lui demander - le bambin stagnait en Troisième - ce qu’il souhaitait « faire plus tard ». Plus embarrassé que s’il avait dû avouer des pulsions homosexuelles, le rejeton rougissant laissa tomber : «Je voudrais être mécanicien. » Le père était intelligent. Il inscrivit aussitôt son fils dans un établissement professionnel préparant au BEP de mécanique. Aujourd’hui le diplômé en mécanique a roulé sa bosse et réussi une jolie carrière. Que serait-il devenu sans un père compréhensif et intelligent ? Un rappeur de plus ? Combien de contre-exemples pourrais-je citer ! Combien de familles se seraient crues déshonorées à l’idée qu’un de leurs héritiers ait volontairement choisi un métier manuel, encore pire, un métier de bouche !
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2014-02-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
TRAVAIL MANUEL : L’URGENCE ABSOLUE D’UNE RÉHABILITATION POUR EN FINIR AVEC UN DRAMATIQUE ARCHAÏSME FRANÇAIS
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D’où nous vient cette perversion ? Ce refus petit-bourgeois du réel ? Une conception unidimensionnelle de l’éducation a fait du bac général la voie royale de l’éducation. Tous ceux qui ne montrent aucun goût pour le type d’études dispensé au collège unique ou au lycée sont considérés comme des marginaux, et, osons le dire, comme des crétins. Et que fait-on de ces prétendus crétins ? Eh bien, on leur donne un métier manuel ou technique au nom de la prétendue compassion nationale. En d’autres termes, le paradoxe veut que ne soient assurés d’obtenir un vrai métier et un emploi que les déboutés de l’Education Nationale. Et ce seront peut-être les seuls à obtenir une retraite à taux plein du fait de leur engagement précoce dans la vie active.
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2014-02-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
TRAVAIL MANUEL : L’URGENCE ABSOLUE D’UNE RÉHABILITATION POUR EN FINIR AVEC UN DRAMATIQUE ARCHAÏSME FRANÇAIS
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J’ai conduit en 2012, à la demande du Conseil régional d’Ilede-France, une enquête sur l’insertion des jeunes diplômés. Pour ne pas être influencé par de quelconques préjugés, j’ai fait le choix, à propos des études professionnelles, d’une filière dont je ne connaissais rien, l’Electricité. Je suis allé de surprise en surprise. Visite du lycée professionnel situé rue de la Roquette, à deux pas de la Bastille, où l’on forme des adolescents au CAP, au BEP et au bac professionnel. Sur les 300 dossiers étudiés que j’ai examinés avec mon équipe, pas plus de dix élèves avaient opté pour cette voie. Tous les autres étaient des exclus du système général. D’où venaient-ils ? A peine une poignée d’origine européenne. 30% d’Africains, 50% de Maghrébins et 10% d’Asiatiques. Les professeurs ? Des gens de métier sans état d’âme, c’est l’éducation à la dure, pour ne pas dire militaire. Un jour je demande à un professeur : « Pourquoi il n’y a pas de chaise dans votre classe ? ». Il réplique, brutal : « Un ouvrier, ça ne s’assoit pas. » Des résultats corrects aux examens et, surtout, l’emploi assuré pour tous à la sortie de l’Ecole. J’ai consulté le parcours professionnel des anciens élèves. Beaucoup ont créé leur entreprise, à peu près tous sont restés dans le métier, un très petit nombre ont poussé plus loin jusqu’à un BTS. Je ne sais pas si on peut parler de succès car on peut regretter que les talents révélés dans un tel établissement ne puissent poursuivre au-delà. En tout cas il ne faudra plus vous étonner que votre plombier ou votre électricien vienne du Grand Sud...
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2014-02-01
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[ "bernard lecherbonnier" ]
TRAVAIL MANUEL : L’URGENCE ABSOLUE D’UNE RÉHABILITATION POUR EN FINIR AVEC UN DRAMATIQUE ARCHAÏSME FRANÇAIS
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## Le naufrage de la formation professionnelle Que le bobo n’aime pas le cambouis, c’est son affaire. Mais que le bobo détourne ses enfants du cambouis, c’est notre affaire. Du moins, ce devrait être notre affaire. Or, que constatons-nous ? Un naufrage de la formation professionnelle qui vire au désastre financier national. Trente milliards d’euros annuels alimentent des multitudes d’organismes sans qu’aucun contrôle ne s’exerce réellement ni sur leurs performances ni sur leur impact économique. Un seul exemple, un vrai scandale : la taxe d’apprentissage, 0,5% de la masse salariale, dont strictement personne ne peut mesurer l’impact sur la formation, par conséquent sur l’emploi. J’ai eu l’occasion, au cours de l’enquête déjà citée, de plonger dans les comptes de certains établissements supérieurs professionnels, parfois consulaires : le résultat net y est comme par hasard égal à la collecte de la taxe d’apprentissage ! Les solutions ? Enfin on découvre les vertus de l’alternance qui consiste à associer la formation dans l’entreprise à la formation dans les établissements scolaires et supérieurs. Au-delà de l’alternance, la participation des entreprises à l’acte éducatif doit aussi être encouragée. En effet seules les entreprises peuvent avoir une vision globale de leur métier. L’exemple a été donné récemment par un industriel de la boulangerie. Sa marque forme de jeunes boulangers en veillant à leur apprendre tout aussi bien leur métier technique qui consiste à maîtriser l’art du pain que leur métier d’artisan capable de gérer une société. Les grands distributeurs empruntent le même chemin. La restauration rapide promet, par voie publicitaire, à son personnel des situations de manager. Et l’on voit un nombre sans cesse accru de grands groupes créer des universités internes. Par bonheur commencent à émerger également des universités publiques, comme celle d’Evry, qui font le choix d’un étroit partenariat avec les entreprises de la région avec un seul et unique objectif : l’emploi.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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# Le maître et l’élève à l’heure des MOOCs et d’internet - Jacques Barraux A l’école, à l’Université, dans la salle de classe, sur la Toile : le monde de l’éducation semble se préparer à une conflagration générale sans trop savoir comment nos petits-enfants se prépareront à l’école de la vie. Avez-vous une idée du « monde d’après », là où depuis des siècles se transmettait le savoir ? - Nicolas Mottis Voilà plus de quinze ans que se dessinent les contours de ce que vous appelez le « monde d’après » dans l’éducation. Un monde naturellement conditionné par l’évolution des mœurs, par la révolution numérique et par la mondialisation des services. Restons au niveau très concret du métier d’enseignant. Le primaire et le secondaire sont face à des enjeux différents de ceux de l’enseignement supérieur. Pour le primaire et le secondaire : le lieu physique de la salle de classe, les horaires rigides jusqu’au baccalauréat, le standard de « gavage » de l’écolier, la quasi absence de projets en équipe, l’uniformité des « formats », tout cela risque d’être fortement secoué. On le devine avec nos étudiants actuels dont les pratiques d’apprentissage changent beaucoup. - Jacques Barraux Dans l’enseignement supérieur, la concurrence mondiale entre les institutions n’est-elle pas attisée par des épiphénomènes, comme par exemple les MOOCs. En quoi cela change-t-il le métier de professeur ?
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institut présaje
2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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- Nicolas Mottis Reprenons les fondamentaux du métier de professeur dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui comme hier le métier a quatre composantes. Un, la pédagogie qui est l’art d’enseigner. Deux, la production de connaissances, c’est à dire la recherche au sens large (livres, articles, etc). Trois, la participation aux tâches d’animation et d’administration de son école ou de son université. Quatre, l’activité de conseil et d’expertise. Depuis vingt ans la modulation entre les quatre composantes a beaucoup évolué selon les politiques suivies par les institutions. La recherche a été fortement mise en avant pendant de longues années mais on observe aujourd’hui un questionnement marqué sur la pédagogie (les écoles et les universités sont soumises à une pression croissante de leurs « clients », étudiants et entreprises). L’heure est à la modestie en matière de recherche. Seules les institutions les plus prestigieuses ont les moyens de financer cette activité très coûteuse, d’autant plus qu’il n’y a en fait qu’une petite minorité de « vrais » producteurs d’idées nouvelles. Accent nouveau donc - et probablement souhaitable - sur la pédagogie. - Jacques Barraux Quels sont les changements les plus notables depuis les années 1990 ?
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2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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- Nicolas Mottis J’en vois deux essentiellement. D’abord la prise de conscience des professeurs d’être pour une large part des « prestataires de services ». Tout y contribue : les attentes des nouvelles générations d’étudiants, la pratique de l’évaluation des professeurs, les difficultés du marché du travail pour les clients de la formation continue. Et aussi, la pression concurrentielle des grandes institutions étrangères, business schools et universités. Le deuxième changement est structurel. Il concerne bien sûr la technologie. Tout a commencé il y a 15 ans avec la mode du « e-learning ». On parlait alors de révolution mondiale comme aujourd’hui avec les MOOCs. L’idée forte - plus que jamais d’actualité en 2014 - était qu’avec ses nouveaux outils, la technologie allait permettre de faire bénéficier les masses de la double vocation de l’école et de l’université : la transmission de connaissance (l’acquisition de contenus) et la relation interactive entre le professeur et l’étudiant. - Jacques Barraux La technologie était là en 2 000 : le lien d’interactivité était possible, les outils du multimédia fonctionnaient. Pourquoi n’y a-t-il pas eu cette « révolution » que l’on annonce aujourd’hui avec les MOOCs ? - Nicolas Mottis Le e-learning pas cher c’est facile ! Mais la raison tient en partie au coût très élevé des expériences de bonne qualité. Mobilisation de lourdes équipes (professeur, assistants pédagogiques, techniciens), scénarisation des programmes, mise en scène attractive, dialogue personnalisé avec les étudiants, organisation « d’examens » avec délivrance de certificats en fin de cycle. Face à de tels enjeux économiques on a vu alors se multiplier les modules certes multimédias, avec son, image, vidéo, mais assez plats et sans réelle interaction. Quinze ans plus tard on tire la leçon du succès limité de l’e-learning : ses promoteurs avaient surestimé les attentes de « contenus » et sous-estimé les attentes des clients en matière d’interaction et d’effet réseau.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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- Jacques Barraux Les réseaux sociaux ont changé la donne dans le monde d’internet. Les MOOCs apportent-ils les réponses aux demandes des déçus de l’e-learning ? - Nicolas Mottis Un ingénieur ou un cadre qui suit un programme de formation continue dans une business school a trois soucis : d’abord il veut acquérir un contenu ; ensuite il cherche à ouvrir son horizon de relations professionnelles et personnelles en s’insérant dans un réseau ; enfin il cherche à satisfaire son ego, en un mot, à être mieux reconnu. Avec les MOOCs, il a des chances de satisfaire deux des trois attentes : la transmission d’un contenu et l’accès à un réseau infiniment plus riche qu’il y a dix ans, ouvert aux solutions collaboratives. Pour illustrer, j’ai participé à un MOOC de Philippe Silberzahn à l’EM de Lyon sur l’entrepreneuriat. Il y avait au début plusieurs milliers d’inscrits du monde entier. Pendant 5 semaines, les apprentis entrepreneurs travaillaient en réseau sur des cas d’entreprises, chacun pouvant discuter les travaux des autres. En parallèle, un forum sur la création d’entreprise entretenait une communauté de projets. Au final, plusieurs centaines d’inscrits ont obtenu un certificat. C’est peut paraître faible, mais le contenu était très intéressant, les échanges entre participants étaient très riches et il est fort probable que certains aient vraiment avancé leur projet de création. Rien à voir avec les vieux modules e-learning d’il y a quelques années. - Jacques Barraux Etes-vous sensible à l’argument selon lequel les MOOCs annoncent une rupture historique : l’accès des masses à une formation totalement gratuite dans tous les pays, à commencer par les pays en développement ?
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2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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- Nicolas Mottis Une formation gratuite ? Oui pour l’accès à des connaissances standard. Je suis plus réservé pour les programmes de haut niveau. Il n’y a guère de comparaison possible entre ce que propose un MOOC à 10.000 personnes dispersées dans le monde et un programme résidentiel de haut niveau dans une business school ou une université. Pour prendre un exemple, Harvard et le MIT ont des stratégies habiles de distinction entre deux catégories de publics. D’un côté la gratuité pour les masses sur tous les continents, de l’autre des droits d’inscription très élevés sur leurs campus pour des populations ciblées de haut revenu et de haut potentiel. Les MOOCs deviennent alors des outils marketing pour repérer et attirer les meilleurs « clients » dans toute la planète. L’ère des professeurs stars J’ai deux autres réserves sur les MOOCs. D’une part, ils favorisent les carrières de « show men », les « professeurs stars » qui manient l’humour et pratiquent l’art du spectacle, rejetant dans l’ombre des enseignants moins charismatiques ou investissant des sujets moins populaires mais pourtant essentiels à la progression des connaissances d’une communauté académique. Un glissement qui peut avoir des conséquences sur les politiques de recrutement d’enseignants dans les établissements (et sur leurs méthodes de marketing). Deuxième réserve : il faut se méfier de l’illusion utilitariste parfois entretenue autour des MOOCs. Croire qu’en un temps raccourci, en une demi-heure par jour pendant quelques semaines, on puisse tout à la fois acquérir des connaissances et faire l’apprentissage d’une fonction peut être source de déception. Internet n’abolit pas les lois du temps. Des lois incontournables en matière d’assimilation de connaissances et de pratiques d’apprentissage. Dit autrement, pour apprendre il faut aussi prendre le temps de se planter et de ne pas tout comprendre immédiatement... - Jacques Barraux Diriez-vous que le métier de base d’un enseignant est en train de changer ?
847
institut présaje
2014-02-01
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[ "jacques barraux", "nicolas mottis" ]
LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE À L’HEURE DES MOOCS ET D’INTERNET
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- Nicolas Mottis Je répondrai pour l’enseignement supérieur. Les quatre composantes du métier - contenu, pédagogie, institution, consultation - sont toujours là. Mais en face de l’enseignant, il y a une personne exercée aux outils de l’ère numérique, qui veut avancer dans la vie, qui entend participer, dialoguer et qui se déclare souvent plus ouverte au travail collectif. Ce qui change pour moi en tant qu’enseignant, c’est que je ne suis plus « celui qui sait ». J’essaie d’être celui qui sait poser les questions, qui aide à hiérarchiser, à mettre en perspective. Celui qui met en interaction et qui maîtrise des process à la fois humains et technologiques assez instables...
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institut présaje
2014-02-01
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[ "michel rouger" ]
INNOVATION. DÉLIT D'ENTRAVES
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# Innovation. Délit d'entraves Les Français sont imaginatifs et créatifs. D’où vient que leur goût pour l’innovation soit si difficile à être transformé en conquêtes commerciales et en aventures industrielles ? Michel Rouger s’interroge sur les entraves à la libre expression des talents dans notre pays : le mépris de la réussite matérielle, l’aversion au risque et… le code du Travail. Arrêtons de nous auto-flageller. Les Français sont un peuple inventif, créatif et innovateur. Celui du Préfet Poubelle, de Géo Trouvetout, du concours Lépine. Mieux encore, celui de l’exceptionnelle création du cœur artificiel de Carmat, société accompagnée dans son aventure par les équipes du Fonds Truffle, la truffe, de mon proche ami Henri MOULARD. L’innovation est bien vivante, mais comme dans le langage courant elle a absorbé la création, l’opinion confond ce qu’elle est en France, avec celle que nos innovateurs vont créer à l’étranger. C’est là qu’interviennent ces entraves, mot devenu familier dans la partie collective de notre droit du travail, qu’il convient d’utiliser avec modération en considérant que leur effet est simplement relatif, par les découragements qu'il provoque. Ces entraves à l’innovation construites comme la machine à 3 pieux, le tripalium, qui entravait les bêtes rétives et qui a donné son nom au travail, peuvent être ainsi décrites, comme le produit d’une aversion, d’une phobie et d’un refus qui se conjuguent.
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institut présaje
2014-02-01
6
[ "michel rouger" ]
INNOVATION. DÉLIT D'ENTRAVES
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L’AVERSION vient du fond des âges et des institutions, féodales, monarchiques et religieuses, qui ont donné à la richesse spirituelle la primauté sur la richesse et la réussite matérielles. à tout le moins pour celui qui n'est ni le Seigneur, ni le Roi, ni l'état républicain qui les a remplacés, l’un et l’autre. Cette aversion qui s'est étendue vers les personnes qui incarnaient la richesse et la réussite, par la Loi fiscale, pratique compulsive de l’Etat, ne peut qu'entraver le mouvement de ceux qui sont réputés prétendre aux deux par la mise en œuvre de leurs innovations, dans leur pays. La PHOBIE, celle des risques encourus, est de nature plus historique dans un pays qui a subi tant de difficultés d'invasion et de crises depuis que les seigneurs confinés dans le petit confetti de l'île-de-France au XIVe siècle ont entrepris de créer la France et de lui donner l'état qui assurerait sa cohérence et sa pérennité. Cette phobie du risque n’a pas quitté la société française, sauf en 1914 au temps de la fleur au fusil, pour mieux renaitre dans l’abandon de 1940. Elle a toujours privilégié l’épargne de précaution, l'argent mis de côté, au cas où, contre l'investissement productif. Puis une fois venu le temps des technologies, elle a sacralisé sa phobie irrépressible des risques par la Loi dans ce modèle unique au monde d’un principe de précaution constitutionnalisé.
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institut présaje
2014-02-01
6
[ "michel rouger" ]
INNOVATION. DÉLIT D'ENTRAVES
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Le REFUS de l'exploitation de l'homme par le travail qui lui est imposé repose, comme les pavés de l’enfer, sur de bonnes intentions. Ce refus qui trouve son origine justifiée dans le travail des enfants, puis par l'asservissement des femmes dans les sociétés archaïques, puis celle des hommes dans les sociétés industrielles est devenu idéologique. A nouveau la Loi est devenue contrainte pour faire respecter, dans le travail, l’équilibre entre les besoins et les moyens de celui qui s’y engage. Le code du travail à la Française, originalité mondiale par son volume et ses prescriptions, modèle de bureaucratie omnipotente, est incompatible avec le quotidien du créateur qui veut donner corps et vie à son innovation. La conscience en est prise, depuis peu. Espérons En conclusion, est-ce à dire que la République et son Etat s’ingénient à entraver tout ce que son peuple porte en lui de capacités d’innovation et de création ? Non. Mais c’est parce qu’ils ne le peuvent pas, même s’ils le veulent. Les Français, encore plus imaginatifs que créateurs, ont su se protéger des emprises coûteuses des formes successives de leur Etat et de ses lois. Avec l’éternel et polyvalent système D des gens dits de peu, la flexibilité des contraintes par les passe-droits de ceux dits d’en haut, et laculture intensive des niches fiscales pour les possédants ou les malins râleurs. Une fois tout remis en rétrospective et en perspective, les innovants ont encore de beaux jours à vivre, en France, selon le prix qu’ils attachent à leurs innovations en monnaie de liberté, égalité et fraternité qu'ils attendent de leur pays.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "andré babeau" ]
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : OUI À LA « RÈGLE DE PLATINE »
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# Prélèvements obligatoires : oui à la « règle de platine » Qui a dit : « nos dépenses publiques atteignent 57% de notre produit intérieur, en sommes-nous plus heureux ? ». Réponse : le chef de l’Etat « social-démocrate »… Le tout, explique André Babeau, est d’ouvrir au plus vite le chantier de mise aux normes de la France avec ses partenaires européens, soit 10 points de PIB à gagner sur nos dépenses publiques. Rude défi mais condition nécessaire à la sortie de la longue stagnation. Faisant écho à la « règle d’or » d’équilibre des dépenses et des recettes publiques proposée par Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre, député UMP des Français de l’étranger et ex-ministre, a énoncé il y a quelque temps une « règle de platine » selon laquelle les prélèvements obligatoires en France ne devraient pas dépasser la moyenne européenne. On eût naturellement aimé que cette règle fût avancée par un autre Lefebvre, prénommé Dominique, député PS du Val d’Oise et co-auteur avec Karine Berger d’un rapport sur l’épargne dont on a beaucoup parlé. Après tout, le président lui-même a eu naguère un premier instant de lucidité, rappelons-nous : « Nos dépenses publiques atteignent 57% de notre produit intérieur, en sommes-nous plus heureux ? ». Il en a eu tout récemment un deuxième (et non pas, espérons-le un « second »), avec la nouvelle politique de l’offre et l’affirmation que la production devait précéder la redistribution (du DSK pur jus !) : la « règle de platine » ne pourrait-elle pas être à François Hollande ce que l’agenda 2010 a été à Gerhard Schröder ?
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institut présaje
2014-02-01
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[ "andré babeau" ]
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : OUI À LA « RÈGLE DE PLATINE »
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Cette règle mérite en effet considération. La moyenne des prélèvements obligatoires de l’Union européenne, comme d’ailleurs celle de la seule Zone euro, est actuellement proche de 40% du PIB des différents pays. Nous serons, quant à nous, à plus de 46% pour l’année en cours et les prévisions du gouvernement ne font état, en dépit d’hypothèses de croissance assez favorables, que d’une faible baisse en dessous de 46% en 2017. A partir de la situation actuelle, la « règle de platine » constitue donc bien un véritable challenge digne d’être relevé par un François Hollande, challenge dont il convient de bien mesurer les implications. Sur le moyen terme, il faut bien sûr raisonner avec des recettes et des dépenses publiques en équilibre. S’agissant des recettes, aux prélèvements obligatoires de 40% on doit ajouter les prélèvements considérés comme « non obligatoires » (la redevance télévision, par exemple), les revenus des participations de l’Etat (dividendes perçus) et certaines autres ressources propres de l’Etat ou des collectivités locales, soit au total environ 6 à 7% du PIB, proportion que l’on peut considérer comme stable dans le temps. Dans l’hypothèse de la « règle de platine », les dépenses publiques à l’équilibre ne devront donc pas dépasser quelque 46 ou 47%. Nous en sommes à 57%. C’est donc 10 points de PIB que nous devons gagner sur nos dépenses publiques à un horizon qui pourrait être – à supposer que, même avec le quinquennat, un Président de la République française puisse s’attacher au long terme – celui de la décennie : un peu plus de 6 points au titre de la diminution des prélèvements et près de 4 points pour résorber l’actuel déficit.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "andré babeau" ]
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : OUI À LA « RÈGLE DE PLATINE »
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A l’horizon de 2024, avec des hypothèses raisonnables de croissance et d’inflation, cet objectif n’est pas hors d’atteinte, mais au lieu de la faible croissance (hors inflation) des dépenses publiques que retient le gouvernement pour les prochaines années, c’est évidement d’une diminution qu’il faut parler pour les dix ans à venir. Protection sociale, dépenses de l’Etat, dépenses des collectivités locales, l’effort demandé ne sera pas le même pour ces trois chapitres. En 2013, sur environ 1150 milliards de dépenses publiques, la part de la protection sociale était un peu inférieure à la moitié, celle des dépenses de l’Etat de l’ordre du tiers et celle des collectivités locales, proche du cinquième. Au titre de ces deux derniers postes, des économies sont certes indispensables, notamment en matière de dépenses de personnels (en activité ou en retraite) : il faudra procéder à plusieurs désindexations et, pour faire bonne mesure, ne pas exclure non plus celle du SMIC, très nécessaire pour regagner des parts de marché, pendant.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "andré babeau" ]
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : OUI À LA « RÈGLE DE PLATINE »
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## Les dérives de la protection sociale Mais ce sont les charges liées à la protection sociale qui devront être réduites le plus fortement, à la fois parce qu’il s’agit du poste principal de dépenses et parce que leur évolution a été jusqu’à aujourd’hui le moins bien contrôlée. L’heure n’est plus ici aux économies de bouts de chandelle et la correction des « abus et excès » n’y suffira pas. C’est le modèle lui-même qu’il faut très probablement modifier et, avec lui en particulier, une conception de l’universalité de près de 70 ans d’âge. Famille, santé, chômage, au-delà d’économies rendues possibles par des contrôles appropriés dans chacun de ces trois « risques », les ménages aisés devront sans doute, comme en Allemagne, faire l’objet de couvertures plus mesurées. Ces contribuables de premier rang seront dédommagés par le net reflux des prélèvements qui devra accompagner celui des dépenses. Qui veut la fin veut les moyens. Les patrimoines devront alors, de leur côté, être considérés comme légitimes – ce qu’ils ne sont pas encore totalement aujourd’hui dans notre inconscient collectif – et affectés à des objectifs qui peuvent être la jouissance, la précaution ou la transmission, mais aussi la contribution au financement de l’économie. La baisse des prélèvements (fiscaux, sociaux) – qui facilitera l’accumulation de ces patrimoines – se proposera, quant à elle, deux objectifs principaux, l’un à l’autre liés : faciliter le redémarrage des investissements et renforcer la compétitivité de notre économie pour pouvoir enfin assurer, par la baisse du chômage, la reprise du pouvoir d’achat à partir des revenus d’activité et non plus, comme cela a été le cas depuis des décennies, par la croissance des prestations.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "andré babeau" ]
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : OUI À LA « RÈGLE DE PLATINE »
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Un tel changement exigera beaucoup de pédagogie et un rare courage politique de la part de l’actuel Président de la République… ou du suivant. Sans abuser de Comités Théodule, il devra cependant bien évidemment être précédé d’études préalables pour en chiffrer les conséquences en matière d’efficacité et d’équité. Il s’agit là, sans doute, de la seule alternative réaliste à une longue stagnation qui accélérerait le recul de notre pays par rapport à l’ensemble des économies émergentes.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "yves montenay" ]
L'IMPORTANT, C’EST L’INNOVATION, PAS LA TECHNIQUE
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# L'important, c’est l’innovation, pas la technique ## La technique est une chose, l’innovation en est une autre. Pour Yves Montenay, disciple de Jean Fourastié, « l’innovation réelle, c’est celle qui améliore la productivité ». Une nouvelle technique - un nouvel outil numérique par exemple - n’est rien tant qu’elle ne s’accompagne pas de nouvelles méthodes d’organisation, de gestion, de vente ou de production. La clé de l’innovation se trouve dans les effets secondaires d’une avancée technique, pas à sa source. L'innovation technique, tout le monde s'y intéresse. On l’appelle souvent « nouvelles technologies ». ça fait plus chic. Les technophobes se hérissent, les acteurs de l'économie y voient le levier de la croissance et du progrès. Ils la couvrent donc d'argent (ou du moins en parlent). Tous les grands classements mondiaux sont établis à partir des mêmes critères : R & D, dépôt ou exploitation de brevets. Bref, dépensons et si possible brevetons. Mais quand les économistes parlent d'innovation, ils pensent plutôt productivité et augmentation du niveau de vie (à nous Fourastié !). Eh bien, me direz-vous, l’innovation technique est là pour ça. Voire ! Souvenez-vous d’Auguste Deteuf : « Il y a 3 façons de se ruiner : le jeu, les femmes et les ingénieurs. La troisième est la moins agréable et la plus sûre ». D’ailleurs les PME innovantes rachetées se révèlent souvent des coquilles vides après le départ des créateurs, même si les dossiers, voire les brevets, restent la propriété de l'acheteur. L'innovation technique en elle-même n'est rien tant qu'elle ne se traduit pas sur le terrain : voir l'exemple célèbre des ordinateurs qui n’ont eu aucun impact sur la productivité américaine jusqu’au milieu des années 1990. Car ce n’est qu'après formation et réorganisation que le progrès se concrétise.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "yves montenay" ]
L'IMPORTANT, C’EST L’INNOVATION, PAS LA TECHNIQUE
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L'innovation réelle, pour moi, c'est celle qui améliore la productivité, qu'elle incorpore ou non une nouveauté technique. Perfectionner la gestion des stocks, la distribution, inventer le forfait téléphonique (Bouygues, 1996), inventer de nouveaux financements (Vinci) ... ne nécessite pas de percée technologique, ni même beaucoup d'argent. A l'inverse, malgré leur puissance financière, IBM n'a pas su prendre le virage du PC, ni Nokia celui des smartphones. Illustrons cela par un témoignage, celui de mon expérience dans une entreprise de gestion et économie de l'énergie (métier stratégique !). Cette entreprise n'a inventé aucun nouveau produit. Mais elle a fait mieux : elle a généré des économies d'énergie extrêmement importantes. Comment ? Par l'innovation contractuelle et la mise sur le terrain des compétences. C'était très simple et même trivial. Donc non brevetable, et s'est répandu rapidement dans toute la profession et même dans d'autres, pour le plus grand bien de la productivité nationale. L'innovation était de dire à des clients du « tertiaire », hôpitaux par exemple : « vous dépensez maladroitement 100 en gestion de l’énergie car ce n’est pas votre métier ; nous nous occupons de tout, moyennant un forfait de 80, mais vous nous laissez faire pendant 10 ans ». Cette liberté de gestion et d’investissement permettait d’appliquer des innovations techniques bien rôdées, de baisser les coûts à 60, de récupérer rapidement l'investissement et de dégager ainsi une marge de 20 s'ajoutant à celle de même montant pour le client. Vous avez bien lu : 40 % d'économie, principalement d'énergie, sans gros investissement !
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2014-02-01
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[ "yves montenay" ]
L'IMPORTANT, C’EST L’INNOVATION, PAS LA TECHNIQUE
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Cette innovation juridique (en fait assez complexe) était relayée par la mise sur le terrain des compétences : la présence stable d'un technicien ou d'un ingénieur pour, disons, une dizaine de grands bâtiments ou une cinquantaine de petits, qui non seulement s'assurait de l'optimisation technique très concrète (par exemple en tenant compte des vents) mais aussi de la bonne compréhension des usagers. à ce stade, on peut faire une observation économique importante : le raisonnement joue dans les 2 sens. Car toute complication juridique, sociale, humaine, organisationnelle a évidemment l'effet inverse. Elle diminue la productivité nationale. Je rêve de voir les politiques nous épargner les « usines à gaz » qui annulent les gains de productivité dégagés à grand-peine par les acteurs économiques.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "yves montenay" ]
L'IMPORTANT, C’EST L’INNOVATION, PAS LA TECHNIQUE
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## Le bon sens à la Fourastié Tout cela est-il enseigné dans les écoles d'ingénieurs et de management ? Je n'ai pas la prétention d'avoir plongé dans leurs programmes d'aujourd'hui et poursuis seulement mon témoignage. Ma formation à l’Ecole Centrale m'avait sensibilisé aux innovations techniques, notamment par l'évocation des « grands anciens », dont Gustave Eiffel pour la construction métallique puis les souffleries pour la mise au point des avions. A Sciences-Po j'aurais dû entendre parler d'innovation organisationnelle. Mais ce n'était pas le genre de la maison, à part le cours de Jean Fourastié, avec l'importance qu'il donnait à la productivité. Mais ce cours faisait hausser les épaules comme très terre à terre, et Jean Fourastié a quitté Sciences-Po pour les Arts et Métiers. Devenu plus tard enseignant du soir rue Saint Guillaume, j'ai bousculé les consignes de la direction et mes élèves polytechniciens en « année d'application » économique en m'attaquant aux modèles mathématiques et en multipliant les exemples triviaux « à la Fourastié ». Actuellement à l'ESCP, mon enseignement sur les pays musulmans insiste sur le décrochage de ces derniers autour du XIe siècle, lorsqu’ils ont assimilé toute innovation à une hérésie et abandonné les classiques grecs prométhéens (l’homme progressera avec le feu pris aux dieux). Je fais alors le lien avec les islamistes d'aujourd'hui, qui se disent modernes mais sont incapables d'accepter la liberté de pensée nécessaire à l'innovation. Je pense que c’est utile à mes étudiants musulmans et à leur pays.
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institut présaje
2014-02-01
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[ "yves montenay" ]
L'IMPORTANT, C’EST L’INNOVATION, PAS LA TECHNIQUE
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Tout cela me semble également absent de l’enseignement de l’économie dans le secondaire qui est une véritable catastrophe^1^. Je côtoie des enseignants d’histoire et géographie obligés d’aborder l’évolution économique, et qui profèrent des énormités en écho de l’enseignement qu’ils ont reçu et des lectures qui ont suivi, énormités analogues à celles de certains politiques. Il y a là tout un monde allergique à la notion d’entrepreneur, de productivité, d’évaluation, et profondément ignorant de ce qui le fait vivre. Tels les islamistes, certains se pensent modernes parce qu'ils utilisent tel outil « innovant », mais rejettent l'écosystème qui l’a généré. Tout cela pèse sur l'état d'esprit national, et les Français qui ont un projet d'entreprise innovante se sentent mal à l'aise et s’expatrient. En extrapolant, abusivement j'espère, il ne restera plus que des fonctionnaires payés par des emprunts souscrits auprès de l'Arabie. Que nous demandera-t-elle en contrepartie ? 1 http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/education/221170004/economie-est-mal-enseignee-on-veut-faire-pire
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institut présaje
2013-06-01
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[ "institut présaje" ]
INNOVATION, CROISSANCE, EMPLOI : L’IMPÉRATIF ENTREPRENEURIAL
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# Innovation, croissance, emploi : l’impératif entrepreneurial Le réveil de l’esprit d’entreprise est la condition absolue de la sortie de crise d’une France qui doute d’elle-même mais dont les possibilités de rebond et les ressources internes sont intactes. Ce numéro de Presaje.Com est consacré au basculement irrémédiable qui attend l’économie française sous l’effet de la révolution numérique et de l’entrée dans une phase nouvelle de la mondialisation. A l’opposé du fatalisme paresseux d’une partie de l’opinion, la démarche dynamique de l’entrepreneur est la seule réponse au risque de rupture des liens traditionnels entre l’innovation, la croissance et l’emploi. Rupture sans doute transitoire mais qui serait la source de graves turbulences si la jeune génération des créateurs et des développeurs n’explorait pas au plus vite des pistes nouvelles… d’innovation, de croissance et d’emploi.