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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECRETS ET TRANSPARENCE
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Depuis une dizaine d\'années, les autorités de marché ont appliqué progressivement, de plus en plus lourdement, les méthodes à respecter par les grandes entreprises. Reste à préserver la méthode des dérives de l\'émotionnel, du superficiel et de l\'instabilité lorsque les aléas de l\'économie inspirent des peurs qui détournent du traitement des dangers. Mais cette méthode ne peut être pérenne que si elle s\'étend bien au-delà du cercle des sociétés cotées. Les parties prenantes à l\'économie de marché se sont multipliées bien au-delà des entreprises du secteur marchand. À tel point que les spécialistes évoquent ouvertement l\'application des principes de gouvernance, de transparence et de « rendu de compte » à tous les organismes, publics ou privés, associatifs à but lucratif ou non, groupements et réseaux, qui interviennent dans les échanges de biens et de services. Le chantier à entreprendre est vaste et urgent. Ce début de XXIe siècle laisse apparaître les fractures de l\'édifice économique et financier contrôlé par les puissances de l\'OCDE depuis quelques décennies. Les temps devenant plus durs, l\'obligation de rendre compte sera plus indispensable que jamais pour ceux qui détiendront un pouvoir sur les conditions de vie des autres. Après l\'été, que PRESAJE vous souhaite agréable, le thème des comptes à rendre dans différentes professions dont la nature est de se nourrir du secret, sera abordé par des spécialistes de premier plan dans notre prochain ouvrage. À bientôt.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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# SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ? Tel était le thème du débat organisé par Présaje et le Press Club le 10 juin dernier, à l\'occasion de la parution de notre 11ème ouvrage : « *Pour une stratégie* *globale de sécurité nationale* », publié sous la direction de Nicolas Arpagian et Eric Delbecque. Ciaprès figure la synthèse des propos tenus par les quatre intervenants. Les débats étaient animés par Eric Giacometti, rédacteur en chef au Parisien. La transcription intégrale des débats peut être consultée sur notre site www.presaje.com
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Xavier RAUFER Nous sommes dans une société de l\'information. A la tribune, nous en faisons tous partie comme experts ou praticiens, présents ou passés, d\'une manière ou d\'une autre. Et cette société a oublié les fondamentaux : connaître son ennemi. On a oublié l\'urgence absolue et le côté indispensable du diagnostic dans tout ce que l\'on fait. On se précipite sur les solutions et souvent, elles ne sont pas satisfaisantes. Le premier chapitre de notre ouvrage est une approche phénoménologique. Je suis parti du dépliant d\'une conférence à laquelle j\'avais été invité à Washington, conférence qui durait trois jours sur la défense des frontières. Le dépliant, comme la conférence, vous livre des tonnes d\'informations. Pas une seule fois au cours de la conférence, il n\'a été dit un mot sur ce qui menaçait la frontière sud des Etats-Unis. C\'était une série de gadgets, du fétichisme de la haute technologie (des rayons, des lasers\...), mais pas un mot sur qui peut bien avoir l\'idée de passer illicitement la frontière. Sur les menaces non terroristes qui se déroulent au sein de l\'Union européenne, entre 2002 et 2007, la quantité de cocaïne importée dans l\'Union européenne, selon Europol qui compile toutes les statistiques des saisies dans l\'Union européenne, est passée de 50 à 300 tonnes, soit 300 000 kilos. Les dégâts sont naturellement énormes. L\'héroïne est une drogue pour marginaux suicidaires. Cyniquement, on pourrait penser, comme dans le petit commerce : « Si cela n\'aide pas, cela débarrasse\... ». Mais la cocaïne est une drogue de jeunes actifs, d\'ingénieurs, de médecins, de gens du showbiz. Elle vise la société au coeur.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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Il faut savoir que l\'ennemi n\'est pas ce que l\'on voudrait qu\'il soit. Dans un bureau des élèves d\'une école coranique, l\'association n\'est pas en forme de pyramide, mais en forme de système solaire : un individu est au milieu avec des gens qui gravitent autour. Tout chez les islamis- tes est "Maktabiste", une forme d\'organisation qui leur est spécifique. Or, les Etats-Unis n\'ont jamais entendu parler de cela. Quiconque assiste à un meeting du Hezbollah voit une représentation qui, sur la scène, a l\'air du plus grand désordre. Des chefs prennent la parole avec des gardes du corps autour qui ont l\'air de graviter d\'une manière complétement chaotique. Il existe pourtant un ordre, différent du nôtre.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Jean-Pierre MAULNY Nous pouvons assister à des accélérations de l\'histoire. C\'est par exemple la hausse des prix du pétrole, couplée à la hausse des matières premières, notamment des produits alimentaires et des ressources stratégiques. On peut se retrouver, dans cette configuration, avec des migrations très importantes, car les populations ne peuvent plus se nourrir dans certains pays. Cela peut être une rupture stratégique qui n\'est pas nécessairement prévue : voilà ce que l\'on pourrait appeler une menace, en tout cas une menace intentionnelle. Telle sera la difficulté des années à venir. Les formats opérationnels des armées seront réduits et nos capacités de projection avec eux. Une des solutions à la fois naturelle, politique et nécessaire est d\'envisager toutes ces questions de sécurité et de défense dans un cadre qui n\'est plus uniquement français, mais plutôt multilatéral et naturellement européen. *C\'est politiquement* *nécessaire*. Il faut essayer de progresser dans la construction de l\'Europe de la défense. Nous avons près de deux millions de soldats en Europe contre un million et demi aux Etats- Unis. Si nous arrivions à mettre tout cela en commun, nos capacités seraient certainement supérieures. Il en est de même en matière de moyens civils, de sécurité civile, de lutte contre le terrorisme avec d\'ailleurs une clause d\'assistance mutuelle qui est prévue dans le Traité de Lisbonne.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Eric DELBECQUE Observons un débat qui suscite beaucoup de passion, celui des fonds d\'investissements. Pas tous les fonds d\'investissements, mais certains, que l\'on connaît bien aujourd\'hui. Certains sont neutres et d\'autres ne le sont pas. Il existe deux écoles. Pardonnez-moi ces jeux de mots, mais le premier « intellectueur » venu va vous expliquer que tout cela est un monde parfaitement libéral et que ces fonds d\'investissement sont totalement neutres. A l\'opposé, vous avez des énervés qui vont vous expliquer qu\'il y a des complots partout. L A L E T T R E D E P R E S A J E - N ° 2 4 - J U I L L E T 2 0 0 8 Il n\'y a pas de complots partout, mais la recherche d\'une capacité des individus à travailler ensemble et à faire que les intérêts d\'Etat et les intérêts privés se marient harmonieusement. On nous demande : « la France est-elle à la hauteur ? ». Qu\'est-ce que cela veut dire ? C\'est simplement cette capacité merveilleuse à se dire que l\'on peut récupérer une technologie qui, pour des raisons de sécurité nationale, est intéressante et qu\'en plus, on peut gagner beaucoup d\'argent. Il faut se débarrasser du complexe d\'infériorité européen. En France, nous sommes de ce point de vue très mal préparés car, comme nous pouvons le constater dans les médias, nous n\'avons pas d\'intérêts mais des idéaux. Il est obscène de dire que l\'on a des intérêts. Nous, nous avons des idéaux. Mais ces idéaux ne se soutiennent bien que sur une puissance, sur une force d\'expansion. Si on n\'a pas de potentiel de puissance derrière, que défend-on ? Rien.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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Il y a tout de même quelques avancées. S\'il n\'y a pas d\'accroc, nous allons normalement créer une *Small* *Business Administration* en Europe à partir de la fin juin. Je vous rappelle qu\'aux Etats-Unis, ce qui a donné naissance à ce dispositif, donc la loi, date de 1953. Juin 2008 pour notre SBA à l\'Européenne, eux juin 1953\... Nous pouvons commencer à penser que nous sommes en retard. Le problème essentiel est le rattrapage !
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Nicolas ARPAGIAN S\'il s\'agit de protéger d\'un point de vue physique le territoire national, techniquement, même une France encore appauvrie, amoindrie, peut encore physiquement le faire. La seule question est : quelles ambitions politiques, audelà de nos strictes frontières, avons-nous pour notre pays, pour ses idées, pour ses intérêts que nous voulons voir prospèrer hors de nos frontières ? En clair, dès lors que les moyens d\'action sont réduits, il faudra admettre que nous ne puissions plus intervenir lors de conflits dans toutes les régions du monde, que la France sera obligée, soit d\'admettre qu\'elle n\'a pas les moyens de ses ambitions, soit de composer avec d\'autres nations. Quand on pose la question des fonds souverains, faudrait- il un fonds souverain à la française ? Je rappelle qu\'un fonds souverain, dans les économies « normales », est soit un excédent budgétaire, ce que nous n\'avons pas à ma connaissance, soit un excédent qui découle des gains liés aux réserves énergétiques ou autres. En d\'autres termes, c\'est du *cash*, comme un particulier qui aurait de l\'argent dont il n\'aurait pas immédiatement besoin. En matière de défense, c\'est la même chose. La France a les moyens de sécuriser son territoire de Dunkerque à Calvi, elle pourra même protéger les DOM-TOM. Au-delà de la protection de ses territoires, c\'est avant tout une question d\'ambition politique et de moyens investis pour la concrétiser.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Jean-Pierre MAULNY Je reviens sur les questions industrielles et de protection économique, de protection des intérêts et des technologies. Le système des Américains est très simple : on peut investir chez eux à condition de ne rien connaître sur ce qui se passe dans l\'entreprise. Votre actionnaire arrive en fin d\'année, touche ses bénéfices, mais il ne sait absolument rien de ce qui se passe dans l\'entreprise. Il n\'a pas le droit d\'intervenir dans la stratégie de l\'entreprise. Sur cette question du contrôle des investissements, nous avons une législation. Le Code monétaire et financier a été revu. Nous avons le décret de 2005. Nous avons même été accusés par la Commission européenne, car le spectre du contrôle des investissements étrangers était trop large. Le contrôle des investissements consiste à examiner le dossier de quelqu\'un qui veut investir en France avec la possibilité de lui dire non. La législation existe donc sur le sujet. Le tout est de savoir qui est l\'investisseur, ce qu\'il veut faire. ## Eric DELBECQUE La grande question est : comment organiser nos ressources, comment les coordonner ? Nous en revenons à nos vieux débats : comment construire les lieux de concentration de cette pensée et de sa projection à l\'international ? Le problème est d\'organiser la projection de la pensée française ou européenne. Preuve que nous n\'avons pas la même approche que les Etats-Unis : il faut savoir que les Américains peuvent décider, pour des raisons de sécurité nationale, d\'interdire un investissement. La logique à l\'oeuvre est très différente de la nôtre.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "michel rouger" ]
SECURITE NATIONALE : LA FRANCE DISPOSE-T-ELLE DE MOYENS A LA HAUTEUR DES MENACES ?
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## Nicolas ARPAGIAN L\'idée de base de notre ouvrage était, à l\'instar du fameux « la guerre est chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires » de Clemenceau, de se dire que cette question ne doit pas être l\'apanage des seuls militaires. Il faut que l\'opinion publique s\'en saisisse, que la sphère économique se l\'approprie, que le politique en soit partie prenante ; bref, se dire que c\'est une oeuvre collective.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "alexis rimbaud" ]
EXPERTISE, SAVOIR ET POUVOIR
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# EXPERTISE, SAVOIR ET POUVOIR La bulle médiatique née de la déclaration de vingt scientifiques sur la question de la dangerosité des téléphones mobiles a montré, une fois de plus, avec quelle légèreté sont gérés les rapports entre science et médias. Un peu d\'histoire : depuis le début du XXème siècle, les interrogations liées à l\'usage prolongé des champs magnétiques ont donné lieu à bon nombre de violentes polémiques. Il suffit de relire les travaux passionnants de Nicolas Tesla2 pour s\'en convaincre. Aujourd\'hui, on nous brandit le « principe de précaution » à tout bout de champ, et tout de suite on sonne l\'alarme. Le problème soulevé mérite tout de même mieux qu\'un « coup médiatique ». Un film de quelques secondes a déclenché « le buzz » sur Internet (plus de 200 000 consultations en six jours). Cette vidéo réalisée caméra au point, en plan séquence, présente deux amis réunissant quatre téléphones GSM placés en croix, au milieu desquels sont disposés des grains de maïs crus. Faisant sonner les quatre appareils en même temps, les grains explosent soudainement en popcorn, ce qui est censé démontrer l\'influence des ondes additionnées. Cette « démonstration » étonnante suscita une polémique sur les forums Internet, dénonçant l\'influence néfaste des ondes sur le cerveau, avant que la supercherie ne soit dévoilée et qu\'un fabricant d\'oreillettes blue-tooth ne confirme qu\'il s\'agissait bien d\'un film publicitaire vantant l\'utilité de ses produits.
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institut présaje
2008-07-01
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[ "alexis rimbaud" ]
EXPERTISE, SAVOIR ET POUVOIR
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La référence au « principe de précaution » comme seule réponse à un problème posé par la confrontation des évolutions de nos sciences avec la santé est une conception curieuse du progrès. Où en seraient nos modes de transport ou notre industrie si ce principe avait été appliqué ? Aurionsnous atteint les 100 km/h si l\'on avait écouté les scientifiques prédisant le manque d\'oxygène à une telle vitesse ? Et que dire des travaux de Pierre et Marie Curie sur la radioactivité... Le principe de précaution relève du champ de l\'expertise. Il impose une distinction claire entre Savoirs et Pouvoir. Ce principe induit aussi le questionnement et l\'établissement d\'un référentiel méthodologique normalisé. C\'est précisément dans cette indépendance, loin des pressions et du tumulte médiatique, que nos institutions doivent faire appel à l\'expertise oeuvrant dans le domaine du savoir. Moins de battage, plus de sérieux ! 1 Auteur de l\'ouvrage « Le juge pénal et l\'expertise numérique », Ed. Présaje/Dalloz 2 Inventeur et ingénieur d\'origine serbe, émigré aux Etats-Unis, 1856-1943
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institut présaje
2008-04-01
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[ "michel rouger" ]
RÉFORMES ET INCOHÉRENCES
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# Réformes et incohérences La réforme est le maître mot de la société française depuis si longtemps qu\'on finira bien un jour par trouver pour quelles raisons il est impossible de réaliser, par cette voie classique, les transformations que les Français attendent. Le passionnant colloque* des Entretiens de Saintes *(1) sur « La santé, malade de la Justice ? » a démontré à quel point il fallait prendre en compte ces incohérences. Le fameux « French paradox », inexpliqué par les médecins qui se penchent sur les risques alimentaires des Français et leur vaillante "résistance", n'est pas le seul. - Si l\'on veut attirer l\'attention sur les multiples incohérences évoquées ci-dessus, il suffit de retenir les plus évidentes par les temps qui courent. - Pourquoi les Français champions de l\'épargne individuelle entretiennent-ils un Etat champion du surendettement collectif ? - Pourquoi le pays qui comporte un million d\'élus de toutes sortes admet-il que la loi soit faite par cent directeurs de cabinet du pouvoir central ? - Pourquoi le système de santé français est-il considéré comme le meilleur du monde, vu de l\'étranger, alors qu\'il est présenté à l\'intérieur du pays comme un malade proche de l\'agonie ? - Pourquoi le vin français est-il considéré comme le meilleur sur le marché mondial alors qu\'il est dénoncé comme poison par les agences sanitaires de l\'État ? - Pourquoi les Français continuent-ils à espérer augmenter leur pouvoir d\'achat alors que leur administration étatique fait tout pour entraver la capacité de vente de leur économie ? - Pourquoi la France entretient-elle son imagerie révolutionnaire en rêvant de faire bouger des Français manifestement réfractaires à tout changement ? - Pourquoi les Français sollicitent-ils la confiance des étrangers alors qu\'ils vivent dans un état de défiance les uns à l\'égard des autres ?
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institut présaje
2008-04-01
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[ "michel rouger" ]
RÉFORMES ET INCOHÉRENCES
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- Pourquoi les Français sont-ils sincèrement défenseurs des droits de l\'homme chez les autres alors que leur Etat est régulièrement condamné pour ne pas les appliquer correctement chez eux ? Il n\'y aura sans doute pas de réponse à ces questions dans le prochain numéro. Les Français ont appris à vivre avec ces incohérences, comme on apprend, avec l\'âge, à vivre avec ses rhumatismes. Ils s\'en accommodent, en dehors des périodes de rémission et de traitement qui durent quelques mois après le changement de rhumatologue. A l\'institut PRESAJE, nous qui pensons ce malcurable, serions-nous devenus incohérents ?
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institut présaje
2008-04-01
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[ "christian noyer" ]
LA NOTATION FINANCIERE ET SES MALENTENDUS
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# LA NOTATION FINANCIERE ET SES MALENTENDUS « Les agences de notation et la crise du crédit : faux procès et vrais débats ». Tel était le thème du dernier colloque organisé par l\'institut Présaje, l\'université Paris X-Nanterre, le Cercle France- Amériques et l\'Association française des docteurs en droit, avec le soutien de Ernst & Young. Ci-dessous figure la synthèse des propos tenus par le Gouverneur de la Banque de France. Quelle est la fonction essentielle des marchés financiers ? Celle de la collecte et du traitement de l\'information. C\'est cette fonction qui permet d\'évaluer le rendement et le risque des divers actifs et, par là, de prendre les décisions d\'investissement et de financement. Le seul ennui, c\'est qu\'il existe sur les marchés de nombreuses asymétries d\'information, d\'où résultent maints dysfonctionnements : par exemple, la « sélection adverse » (quand les investissements de moindre qualité trouvent plus facilement de l\'argent que les bons projets), ou encore l\'aléa moral. Surtout, l\'information est coûteuse : les investisseurs ne sont guère incités à engager ces coûts s\'ils pensent que d\'autres s\'en chargeront à leur place ! Quand les banques assurent l\'intermédiation entre prêteurs et emprunteurs, elles s\'appuient sur la connaissance des clients pour exercer un rôle de tri. Mais sur un marché titrisé, cela ne joue plus. C\'est ce qui explique l\'apparition et le développement des agences de notation : il y a, à l\'évidence, concomitance entre le développement de la titrisation et celui de la notation.
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institut présaje
2008-04-01
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[ "christian noyer" ]
LA NOTATION FINANCIERE ET SES MALENTENDUS
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## Triomphe de la confusion Mais le processus ne s\'est pas arrêté à cette première étape. L\'ingénierie financière ayant inventé les produits « structurés », conséquemment les agences de notation ont vu là un moyen de développer considérablement leurs activités. Elles en sont venues à inventer des méthodes et des modèles censés évaluer, véhicule par véhicule, la corrélation entre rendement et effet de levier créé par la structuration. Résultat : elle sont souvent sur la sellette, depuis le début de la crise. Tout cela trouve sa source dans l\'immense malentendu qui s\'est installé entre certains investisseurs et les agences. Premier malentendu : le contenu même de la notation. Les agences se considèrent comme responsables du jugement sur le seul risque de crédit, tandis que beaucoup de gestionnaires \- comme les fonds de placement à court terme - ont pensé trouver chez elles une protection globale, couvrant notamment les risques de liquidité. Deuxième source de malentendu : la « métrique » utilisée pour noter les produits structurés. Celle-ci est identique, dans sa présentation, à celle qui est utilisée pour les produits obligataires classiques. Or, il s\'agit de deux univers différents. L\'attribution d\'un AAA pour un CDO (Collateralized Debt Obligation : en français, obligation adossée à des actifs) n\'emporte pas les mêmes conséquences qu\'un AAA sur une obligation « corporate ». Les produits structurés sont construits sur des corrélations et des effets de levier. Il suffit qu\'une des tranches risquées soit défectueuse pour que les autres tranches soient affectées par contagion. On a vu récemment un CPDO (Constant Proportion Debt Obligation) noté AAA subir une dégradation de neuf crans en une seule journée !
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institut présaje
2008-04-01
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[ "christian noyer" ]
LA NOTATION FINANCIERE ET SES MALENTENDUS
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Il eût été sûrement plus simple et plus sage d\'adopter une métrique spécifique pour les produits structurés; on aurait sans doute évité bien des incompréhensions ! ## Revoir la métrique Que faire aujourd\'hui ? D\'abord éviter les rafistolages. Les perturbations actuelles sont trop importantes pour que l\'on se contente de demimesures. De plus, il ne faut pas oublier Bâle II, qui repose sur un calcul plus fin des risques ; il faudra une référence plus fréquente à la notation externe. Deuxième erreur à éviter : se lancer dans une réglementation pesante et détaillée de l\'activité de notation. Mais il y a beaucoup d\'améliorations possibles, comme celles évoquées par Michel Prada (1) : enregistrement, reporting, amélioration de l\'organisation professionnelle... Pour ma part, je proposerais, dans la ligne de ce que j\'ai évoqué dans mon diagnostic, deux changements majeurs : 1. d\'abord exiger une plus grande transparence des méthodes, et une différenciation marquée des métriques entre obligations classiques et produits structurés : soit en adoptant une autre échelle de notation, soit en complétant la notation de crédit par une appréciation sur la volatilité ; 2. ensuite, mettre en place une notation spécifique du risque de liquidité ; ce n\'est pas facile, mais des concertations sont en cours - groupes de régulateurs de marché, groupes de banquiers centraux travaillant à ces questions \- et la Banque de France y est activement impliquée. Il y va de la survie de la fonction de notation et du développement des marchés financiers. Donc de l\'économie.
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institut présaje
2008-04-01
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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# LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN Jean Petit était l\'un des intervenants au colloque annuel *Les Entretiens de Saintes*, coorganisé par Présaje et le barreau de Saintes le 5 avril dernier, sur le thème de « la santé, malade de la justice ? ». Le compte rendu publié dans les Annonces de la Seine du 7 avril est en ligne sur notre site www.presaje.com Les rapports entre la médecine et la justice sont marqués de longue date par une grande incompréhension mutuelle, faite au mieux d\'ignorance et au pire de suspicion réciproques. Parallèlement à des progrès continus, plusieurs évolutions ont marqué de ce point de vue la dernière décennie. La plus importante est probablement le développement des « droits des patients » qui scelle un changement majeur et irréversible des rapports entre les professionnels de santé et leurs patients. La France a été le premier pays à promulguer, en 1974, une « Charte des malades hospitalisés », devenue ensuite (1995) une « Charte des patients hospitalisés », puis en 2006 « des personnes hospitalisées ». La Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et la Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie reflètent cette aspiration collective à plus de transparence et à une plus grande association des patients aux décisions les concernant. L\'information donnée est, évidemment, au coeur de ce débat. Alors, la plupart des pays développés ont pris conscience des risques liés aux soins médicaux. Aux USA, l\'Institute of Medicine estime le nombre de décès
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institut présaje
2008-04-01
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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*évitables* par évènement indésirable entre 44 000 et 98 000, soit davantage que le nombre de décès par accident de la voie publique, cancer du sein et SIDA ! Des chiffres similaires en proportion ont été rapportés en Grande Bretagne et récemment en France (Enquête Nationale sur les Evènements Indésirables liés au Soins, données publiés sur le site du Ministère (1). Parallèlement, la justice ne s\'est plus seulement intéressée à la responsabilité du médecin dans le colloque singulier avec son malade. L\'autorité administrative voire politique en matière de santé publique s\'est trouvée mise en question. Il convient ainsi de distinguer d\'une part les rapports de la justice et de la médecine individuelle, d\'autre part les rapports de la justice et des autorités de santé publique. Ce sont deux sujets bien distincts, quoique pour le citoyen malade ou potentiellement malade, cette distinction n\'ait guère de sens concret.
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institut présaje
2008-04-01
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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## Justice et médecine individuelle Le propos n\'est pas ici à un long développement historique. Le code d\'Hammourabi, les premières condamnations par des tribunaux civils français au XIXème siècle, puis le glissement progressif vers une obligation de moyens (arrêt Mercier - 1936) jusqu'à une quasi-obligation de sécurité de résultat reflètent l\'adaptation de la justice aux progrés de la médecine et aux exigences croissantes de la société. En France, la responsabilité médicale peut, selon le choix du demandeur, être posée devant la justice pénale ou devant la justice civile (établissements de santé privés et exercice libéral) ou administrative (établissements de santé publics). Toutes activités médicales et paramédicales confondues, le nombre de plaintes devant le juge pénal est stable depuis dix ans, de l\'ordre de 350 par an. Les recours en responsabilité civile ont augmenté, de 1000 par an au début des années 90 à plus de 4000 aujourd\'hui, mais un sur dix seulement donne lieu à indemnisation. Environ 3000 recours sont enregistrés par les tribunaux administratifs. Dans les faits, le nombre des affaires impliquant des professionnels ou des établissements de santé et portées devant la justice française reste donc particulièrement faible comparé aux pays anglo-saxons. Un médecin américain sur six fait aujourd\'hui l\'objet d\'un recours juridique pour faute chaque année, avec des frais de 23 000 \$ par recours, et une indemnisation moyenne de 1 000 000 \$ par recours indemnisé en 2000 ! Pour rendre compte de la faiblesse relative des recours en France, il est difficile de formuler une explication univoque et objective... Meilleure prévention des risques ?
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institut présaje
2008-04-01
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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Inadaptation du dispositif de recours ? Efficacité des dispositifs défensifs des médecins ? Vindication faible des patients explicable par la perception d\'un niveau élevé de qualité des soins ? Le législateur, il est vrai, a développé de très nombreux mécanismes de prévention et de régulation pour les deux types de juridiction. Des évolutions sont attendues, leur impact est encore imprévisible. Le mouvement anglo-saxon qualifié de « patient empowerment » sonne la fin du paternalisme médical et ouvre une voie nouvelle pour les relations médecins-malades, avec une plus grande transparence (communication du dossier médical du patient, développement de la médiation, obligation d\'information du malade sur sa pathologie, ses problèmes de santé). Le développement de l\'évaluation des pratiques professionnelles, la réflexion sur l\'évaluation des compétences qui est en cours, sont d\'autres mécanismes de régulation. ## Justice et santé publique Plusieurs « affaires », portées devant la justice pénale, ont marqué les dernières décennies : sang contaminé, infections du site opératoire, hormone de croissance, etc. D\'autres devraient suivre. Ces affaires illustrent le manque de transparence des prises de décision sanitaire et l\'inefficacité des mécanismes de régulation de l\'époque. D'où une véritable logorrhéée réglementaire. En matière civile, les conséquences judiciaires de ces affaires sont restées particulièrement limitées, pour ne pas dire dérisoires. Diverses explications peuvent être mises en avant, notamment l\'impossibilité d\'action en nom collectif dans le droit français. La justice administrative reste à ce jour peu concernée. Les procès correspondants, concernant principalement des responsables administratifs ou politiques, ont eu une conséquence importante : une rupture de confiance entre les citoyens et les autorités dans le domaine sanitaire. Ces affaires et l\'incompréhension du « principe de précaution » sont en partie responsables de la perception d\'une judiciarisation accrue des relations justice - médecins.
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institut présaje
2008-04-01
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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## Pourquoi le corps médical a-t-il la perception d\'une dérive vers la judiciarisation de la médecine ? Si le nombre des plaintes civiles et des déclarations de sinistre aux assureurs ont effectivement augmenté ces dernières années, cette augmentation ne peut pas justifier de manière objective la perception du corps médical. En revanche, l\'augmentation des primes d\'assurance en responsabilité civile a été particulièrement rapide. Un jeune obstétricien qui s\'installe en secteur libéral peut se voir demander 25 000 à 30 000 e par an... Certes l\'Assurance Maladie lui en remboursera les deux tiers s\'il s\'engage dans le mécanisme vertueux ( ?) de l\'accréditation médicale. Certes, son collègue américain paye de 90 000 \$ (en Californie) à 277 000 \$ (en Floride)... Mais rien, dans son enseignement, ne l\'avait préparé à cette prise de conscience pour le moins brutale du coût du risque. Un autre élément à prendre en compte est la multiplication des textes législatifs et réglementaires et les décisions des agences. La multiplication des mécanismes de prévention ou de régulation tend à persuader les professionnels de santé français d\'une américanisation au mieux imminente et au pire déjà présente. Enfin, les prises de position souvent alarmistes des associations agréées de défense des usagers, des professionnels de la justice, des assureurs, des médias, voire des politiques, ne contribuent pas à la sérénité pourtant nécessaire à la pratique d\'une médecine de qualité.
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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L\'impact d\'une hypothétique augmentation de la gestion juridique de la faute médicale sur le système de santé français L\'analyse du système américain montre que la judiciarisation du système de santé induit de nombreux effets néfastes, notamment des comportements défensifs des professionnels de santé dans leurs propositions en matière de stratégies diagnostiques et thérapeutiques, une croissance exponentielle des dépenses de santé et une explosion des primes d\'assurance. En France, deux options, incompatibles entre elles, peuvent être envisagées pour le proche avenir : continuer à mettre en avant la sanction et accroître la réparation de la faute médicale ; ou, au contraire, privilégier la transparence et la promotion de la qualité des soins. C\'est plutôt cette seconde voie qui a été retenue. ## Les mécanismes de prévention et de régulation Ils sont particulièrement nombreux en matière d\'évaluation externe et d\'amélioration de la qualité et de la sécurité des patients dans le système de santé français : - poursuite de l\'extension des champs d\'activité soumis à police sanitaire et réglementation - développement de recommandations de bonnes pratiques cliniques - renforcement du dispositif de médiation et création de commissions de relation avec les usagers sur la qualité de la prise en charge dans les établissements de santé - création d\'un dispositif d\'indemnisation de l\'aléa thérapeutique, sous certaines conditions (CRCI) - certification des établissements de santé et des réseaux de soins, par la Haute Autorité de Santé - évaluation obligatoire des pratiques professionnelles médicales et accréditation des équipes médicales à risque, par la Haute Autorité de Santé - évaluation des compétences médicales (Direction de l\'Hospitalisation et de l\'Offre de Soins) - contrats de bon usage des médicaments ; accords cadres de bonne pratique hospitalière ; accords de bon usage des soins (Assurance Maladie)
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[ "jean petit" ]
LA SANTE, MALADE DE LA JUSTICE ? OU... LE JUGE, LE MEDECIN ET LE CITOYEN
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- tableaux de bord d\'indicateurs de performance des établissements de santé. Au total, en France, la médecine n\'est certainement pas malade de la justice. Mais elle souffre de la complexité du dispositif judiciaire et du dispositif de régulation, associée à la multiplicité des « clients » et à une communication défaillante. Les médecins, ou du moins certains d\'entre eux, sont devenus malades à la pensée qu\'un jour le système sanitaire français pourrait connaître une derive anglo-saxonne ; certains d\'entre eux sont même, probablement, persuadés que ce jour est déjà arrivé. \(1\) Etudes et Résultats N° 398, mai 2005 : Les événements indésirables graves liés aux soins observés dans les établissements de santé : premiers résultats d'une étude nationale \<http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er398/er398.pdf\>. Philippe Michel, Jean-Luc Quenon, Ahmed Djihoud, Sophie Tricaud-Vialle, Anne-Marie de Sarasqueta, Sandrine Domecq, CCECQA, avec la collaboration de Brigitte Haury et de Chantal Cases, DREES
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[ "thomas cassuto" ]
LE DROIT ET LA VIE
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# LE DROIT ET LA VIE Par ses trois arrêts du 6 février 2008, la Cour de cassation a replacé sur le devant de la scène l\'une des questions les plus difficiles à trancher : la définition du seuil de la vie. Il faut partir, naturellement, de l\'Etat de la science médicale. Celle-ci a changé, au fil des ans, l\'image de la vie, singulièrement *l\'image* du foetus « intra utero » : désormais, on perçoit plus concrètement les premières manifestations de la vie. Ne va-t-on pas jusqu\'à imaginer un visage sur le corps qui réagit à la voix du père, à ses mains ? Comment concilier cette image avec l\'idée rappelée par de nombreux scientifiques selon laquelle la vie est un continuum ? Une interruption de grossesse, volontaire ou accidentelle, est un événement dramatique. La question de la viabilité devient alors critique. La définition d\'un seuil théorique a évolué grâce aux progrès scientifiques. Mais un tel seuil ne saurait avoir un caractère systématique. Il ne peut reposer sur l\'arbitraire, à l\'instar du seuil de la notion de majorité. Que dit le droit ? La loi du 8 janvier 1993 a inséré un article 79-1 dans le Code civil qui offre la faculté d\'établir sur l\'Etat civil un acte d\'enfant sans vie. Cet acte ne préjuge pas la question de savoir si l\'enfant a vécu ou non. Que dit la Cour de cassation ? Elle rappelle que le texte de loi n\'entend introduire aucune distinction quant à la durée de la grossesse ou au poids du foetus. Certains ont cru y voir une avancée vers la définition d\'un
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[ "thomas cassuto" ]
LE DROIT ET LA VIE
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*statut de l\'embryon* ou sur l\'expression, par la Haute juridiction, d\'une indication sur le début de la vie. De telles interprétations sont contraires à l\'esprit de la loi et aux décisions rendues, et satisferaient ainsi « une soumission inconditionnelle aux pressions et convoitises d\'une idéologie de convenance », pour reprendre l\'expression du Professeur Emmanuel Hirsch1 . Qu\'il y ait débat sur la notion de début de la vie est parfaitement normal. Cela relève de considérations philosophiques et éthiques. Mais quand il s\'agit de la loi, il ne faut laisser aucune place à telle ou telle interprétation idéologique : le texte de loi s\'impose au juge tel qu\'il est, et il faut se garder de lui demander une interprétation qui serait contraire à l\'essence même de la loi. Sinon, il est à craindre que la médecine devienne un fragile sujet du droit et, qu\'à l\'occasion de contentieux, le désir devienne une source de droit dont le juge ne pourrait se départir. Cette affaire est révélatrice « des conflits qui animent notre société et de la faiblesse de notre droit à s\'affirmer comme un ensemble de valeurs dynamiques dont la compréhension et la cohérence ne peuvent être assurées que par l\'intermédiaire de l\'office du juge »2 . 1 Le Figaro 20 mars 2008. 2 Thomas Cassuto, *La santé publique en procès*, PUF, avril 2008 p. 160.
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[ "michel rouger" ]
APPRÉCIATION, ÉVALUATION, NOTATION
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# Appréciation, évaluation, notation Les temps sont aux évaluations, et, corrélativement, aux critiques qu\'elles inspirent. Chacun a le souvenir des mercuriales, ces registres tenus par les maires, qui fixaient la valeur des biens échangés et les prix pratiqués sur les foires et les marchés. On a oublié le sens originel du mot, qui s\'appliquait au jugement que le Roi portait sur la Justice. Louis XII, désireux de censurer les juges, proposa une mercuriale en tenant un lit de justice pour « traiter et accuser leurs moeurs et leurs façons de vivre ». Il choisit le mercredi. Cinq siècles plus tard, un autre mercredi, s\'est tenue à Paris une mercuriale originale (1), entre grands professionnels de la finance entrée en crise. Les agences de notation y prirent la place des juges du XVème siècle. Les notateurs, leurs clients et les opérateurs de marché se sont expliqués, non sur leurs moeurs, mais sur la nature de leurs activités et leurs prestations. Les agences de notation, confrontées à l\'évaluation de produits hyper complexes, ont évoqué mille difficultés. Les experts en calcul que sont les évaluateurs, les parents des notateurs, pris dans le tsunami comptable qui submerge la planète ont protégé leurs travaux en faisant valider la technique dite de l\'analyse multicritères. Lorsque le juge, l\'autorité administrative, venaient troubler le jeu du marché, à nouveau la complexité fabriquait un brouillard dans lequel tout le monde se trouvait enveloppé. Les notateurs, eux, condamnés à s\'exprimer par quelques chiffres ou lettres, n\'ont pas cette protection.
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[ "michel rouger" ]
APPRÉCIATION, ÉVALUATION, NOTATION
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Montons d\'un cran. Il est question de faire évaluer l\'action du pouvoir exécutif en fonction des résultats. Les experts évaluateurs, qui vont ainsi se rapprocher du pouvoir suprême, vont devoir affirmer la pertinence de leurs analyses multicritères ! Alors que dans le politique il s\'agit autant de qualitatif que de quantitatif. Verrons-nous un ministère auréolé d\'un triple A ? Si oui, Édouard Herriot, grand amateur d\'andouillettes quintuple A, se retournera dans sa tombe, lui qui disait que la politique et l\'andouillette se ressemblaient par leur odeur. En 1990, un grand banquier de la place portait une appréciation simple sur sa profession, en disant que dorénavant la nature des choses serait de mal tourner. Cette saine analyse a suffi pour trouver les moyens de sortir les banques françaises de leur marasme, avec ou sans experts en évaluation et en notation. 2008 devrait confirmer la grande valeur de l\'intuition et de l\'appréciation. Soyons confiants. (1) Débats accessibles sur le site www.presaje.com : « les agences de notation et la crise du crédit ».
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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# LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE Synthèse des débats du 21 novembre 2007 à la Maison du barreau de Paris, tenus sous la présidence de Michel ARMAND-PREVOST et Thomas CASSUTO. Pour la lecture de la version intégrale, se reporter à notre site www.presaje.com (actualités Présaje)
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## I - PREUVE NUMERIQUE ET PROCEDURE CIVILE Introduisant le débat, le bâtonnier Yves Repiquet note que les juges, magistrats et avocats pratiquent tous la preuve immatérielle. Et cela, depuis des décennies, depuis que l\'usage de la photocopieuse est partagé par le plus grand nombre. En effet, dans le procès civil, combien de fois entend-on un juge ou un avocat demander que soit produite la pièce originale ? Il est très rare que le cas se présente, sans pour autant que la preuve perde en \"qualité\", en force probante. C\'est qu\'une preuve s\'apprécie rarement *ex-nihilo*, elle s\'inscrit dans un ensemble, un faisceau de preuves. L\'écrit moderne étant immatériel, déjà les procès commerciaux sont envahis d\'e-mails, de communications entre avocats et juridictions. Personne ne conteste la force probante de ce support. Quant au pénal, la preuve est libre. Un décret a été publié à la suite de la loi du 5 mars 2007, qui permettra désormais aux avocats d\'avoir un accès direct, par le biais d\'Internet, aux dossiers en matière pénale. Ceci constitue une véritable révolution. Mais quelle confiance accorder à la preuve immatérielle ? A quel acteur du processus de réalisation d\'une preuve immatérielle accorder ou ne pas accorder sa confiance ? C\'est aujourd\'hui le nouveau paradigme à inventer. Se référant au Code Civil (textes du 13 mars 2000, du 21 juin 2004 et du 16 juin 2005), Michel Armand-Prévost rappelle que « *l\'écrit sous forme électronique est admis* en preuve au même titre que l\'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu\'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l\'intégrité ». Qu\'en résulte-t-il dans la pratique ?
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Du papier au clavier En tant qu\'avocate, Christiane Féral-Schuhl estime que les faits ont précédé le droit. Cependant, la loi de mars 2004 a marqué une étape majeure en permettant aux parties de se concentrer sur l\'acte juridique. Plus décisive encore est l\'avancée de l\'ordonnance de juin 2005 dans la mesure où elle permet de produire des éléments qui ne pouvaient l\'être précédemment : par exemple, un accusé de réception pourra être remplacé par un accusé électronique. Pour Serge Lipski, expert en informatique, le premier avantage est de réduire le volume des informations. Avec cependant une difficulté : celle de la datation. Celle-ci, en effet, peut toujours être contestée, car il est facile de changer la date enregistrée par l\'ordinateur. Deuxième difficulté : la conduite de la mission de l\'expert. Peut-on se contenter de dire que toutes les informations électroniques reçues doivent être considérées comme fiables ? Cela suppose l\'utilisation de clés et de codes qui ne sont pas toujours aisés à manipuler.
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Quand le papier résiste Selon Maurice Lotte, huissier de justice, le problème majeur est celui de la signification de l\'acte. Il faut un support papier, un réel contact. Cette contrainte sera difficile à lever. En revanche, pour tous les actes qui ne supposent pas d\'assignation, le recours à l\'électronique est licite : ceci concerne les recouvrements amiables, dits pré-contentieux. Dès lors qu\'il n\'y a pas titre exécutoire, l\'ensemble des relances, lettres comminatoires ou interventions spécifiques à l\'égard d\'un débiteur, qui font l\'objet d\'échanges entre l\'huissier et son donneur d\'ordre, seront numériques. Apportant le point de vue du juge, Emmanuel Binoche, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, estime qu\'il est temps de revenir aux textes délimitant le rôle du numérique : - « à défaut de convention valable entre les parties », dit la loi : cela signifie qu\'il est possible, notamment en matière commerciale, de prévoir a priori la manière dont on peut résoudre l\'éventuel conflit de preuve ; - « à défaut, il est question pour le juge de déterminer par tous moyens le titre le plus vraisemblable » : le juge dispose, en fait, d\'une grande latitude. Tout ceci suppose, bien entendu, un certain nombre de précautions, parmi lesquelles la numérotation des pièces, prévue d\'ailleurs par la convention du 4 mai 2006.
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Formalisme accentué ? Stéphane Lipski acquiesce, mais insiste surtout sur le problème du volume d\'informations. Le progrès apporté par l\'électronique est évidemment immense. Mais cela suppose une autorité de certification, ce qui peut aller jusqu\'à une communication face-à-face avec l\'autorité de certification : la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Il faut par ailleurs une autorité d\'enregistrement, qui vérifie l\'identité du demandeur de certificat. Il faut enfin des « opérateurs » de certification qui « fabriquent » le certificat et le délivrent au demandeur : la Compagnie des commissaires aux comptes s\'est adressée pour cela à la société Certplus. Christiane Féral-Schuhl souligne qu\'à côté des signatures électroniques garanties par les procédures d\'authentification, il existe des signatures électroniques « ordinaires ». D\'ailleurs, la signature électronique est prévue par la Directive européenne. Certains pays ont opté pour la mise en place d\'une signature ordinaire, par opposition à la signature électronique avancée, qui est le choix de la France. Mais il est tout à fait possible, dans le cadre d\'un accord bipartite, de décider que l\'on se contentera de signatures ordinaires.
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Que conserver ? Comment ? Maurice Lotte souligne également l\'utilité et l\'usage très répandu de la signature électronique. Il rappelle que les plateformes des offices d\'huissiers de justice sont aujourd\'hui de plus en plus dématérialisées. Il est possible d\'assurer un paiement en ligne. Il est également possible pour l\'huissier de justice d\'enregistrer sur cette plateforme dématérialisée certains dépôts, des règlements de jeux concours... Emmanuel Binoche revient sur le rôle du juge. Selon lui, la jurisprudence entrera nécessairement dans une problématique qui a déjà été plus ou moins rencontrée en ce qui concerne la fiabilité de la signature hors présomption légale, avec ce qui a été dégagé en matière de télécopie et de photocopie. On retrouvera également toutes les précautions qui ont déjà été examinées, eu égard aux éventuels risques de montage. Stéphane Lipski insiste sur la conservation du support. Lorsque l\'on a un support papier, on est généralement tranquille pour de longues années. Pour un support magnétique, la durée de la conservation est de quelques années. Si vous essayez aujourd\'hui de relire une disquette ancienne de quinze ou vingt ans, maintes informations auront disparu. La Compagnie des commissaires aux comptes, en s\'adressant à un tiers archiveur qui stocke les informations sur des supports conservés sur une longue durée, a une solution : sauvegarder sur un support et, périodiquement, tous les cinq ans par exemple, recopier sur un autre support de manière à rafraîchir l\'information. Ces systèmes sont relativement lourds mais, petit à petit, s\'imposeront.
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## De la carte postale à l\'acte notarié Les entreprises, explique Christiane Féral-Schuhl, ont une propension évidente à la multiplication d\'octets. Que faut-il conserver ? Que peut-on éliminer ? Dans ce qu\'il faut conserver, il y a une hiérarchisation entre ce que l\'on a envie de conserver à titre informatif, et ce que l\'on doit conserver à raison des prescriptions légales, à raison des risques de contrôles dont on peut faire l\'objet fiscalement. Toutes ces prescriptions doivent être intégrées dans cette politique d\'archivage. L\'écrit électronique et la copie ne se situent pas sur le même registre juridique. Approchant de la conclusion, Emmanuel Binoche tente de résumer les avancées sur le plan législatif. Un décret du 28 décembre 2005 a prévu que les envois, remises, notifications, copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire pourraient être effectués par voie électronique sous certaines conditions et que le destinataire devait expressément consentir à l\'utilisation de la voie électronique. C\'est essentiel parce que nous ne sommes pas encore dans une dématérialisation totale. ## II - EXPERTISE NUMERIQUE ET PROCEDURE PENALE Alexis Rimbaud, rédacteur de nombreuses expertises en informatique, auteur du livre publié par l\'institut PRESAJE chez Dalloz, estime que dans cette question majeure de l\'administration de la preuve en matière pénale, il faut avant tout bien définir le rôle des uns et des autres dans le prétoire, et surtout la fonction de l\'expert. De ce dernier on attend souvent qu\'il dise oui ou non, qu\'il affirme ou qu\'il infirme. En réalité, il est surtout là pour reconstituer les faits et les hiérarchiser. Pour aider à comprendre : pourquoi le prévenu a-t-il agi ainsi ? Y avait-il une volonté réelle de transgression ? Ce qui suppose une méthodologie rigoureuse.
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LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Une imagination débridée Laurence Ifrah, criminologue (département de recherche de Paris II), pense que l\'on sous-estime largement les menaces qu\'engendre le développement du numérique. Il n\'y a pas que les menaces financières ou les vengeances : le numérique permet de se livrer à toutes sortes de falsifications, grâce aux complicités d\'administrateurs-système peu scrupuleux. Les plus « performants », parmi tous les moyens techniques couramment employés, sont les outils « anti-forensic », qui empêchent les experts de procéder à leur travail : modification des dates de création et de visualisation des fichiers, ou tout simplement des effacements. Face à cela, les dirigeants d\'entreprise sont peu enclins à porter plainte. Parce qu\'ils ne veulent pas révéler leur imprudence. La solution passe par un effort de déculpabilisation et de persuasion : montrer les avantages de la prévention. Alain Bensoussan, avocat, renchérit. En dépit du nombre croissant de fraudes, il n\'y a pratiquement pas d\'affaires. On dispose aujourd\'hui de textes sur la filature informationnelle, sur la perquisition numérique, sur l\'interrogatoire à distance, sur la saisie électronique, issus des lois Perben 1, Perben 2, et des Sarkozy 1 et 2. Alors, d\'où vient le problème ? De la peur d\'être victime, quand on enclenche une procédure, de l\'effet « publicité ». Il y a, face à toutes ces fraudes, une réponse électronique, il y a une réponse juridique, mais il n\'y a pas d\'affaires parce que la victime a peur de la double peine : la première est d\'avoir été frappé par l\'électronique ; la deuxième, d\'être ensuite frappé par la « publicité » électronique.
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[ "michel rouger" ]
LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Fraudes sans frontières Pour Fabien Lang, commissaire de police, les difficultés de la preuve numérique tiennent à l\'évolution extraordinairement rapide des techniques, qui demande des adaptations constantes. A cela s\'ajoutent les effets de la mondialisation des échanges et des communications. Les infractions « voyagent » : partant de la Russie, on peut ensuite rebondir aux Etats-Unis, en Ukraine ou en Chine et, finalement, aboutir en France ou dans un pays voisin. Diligenter une enquête, cela signifie revenir en arrière. Autant une attaque peut être instantanée - ou durer quelques secondes -, autant une enquête est beaucoup plus longue. De là résulte un contraste saisissant entre plan national (pour lequel la législation française est bien adaptée) et plan international, qui, lui, appelle de gigantesques efforts. Didier Peltier, magistrat instructeur au pôle « Santé publique », attribue trois fonctions à l\'administration de la preuve immatérielle. Ce peut être un moyen d\'investigation (par exemple, dans le cas d\'un trafic de molécule), ou bien un moyen de preuve d\'un lien de causalité (par exemple entre le bruit d\'un ordinateur et la naissance d\'acouphènes), ou encore l\'élément probant d\'une infraction (exercice illégal de la médecine...). L\'essentiel, pour les affaires de santé comme pour toute autre, est de bien délimiter les compétences du magistrat instructeur, de l\'expert et du Parquet. En particulier, il faut insister sur le fait (déjà souligné par Alexis Rimbaud) que l\'expert n\'est pas un décideur. Ce qu\'on exige de lui, c\'est la précision. La meilleure façon de procéder, pour le magistrat instructeur, c\'est de définir la mission de l\'expert en totale concertation avec lui.
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[ "michel rouger" ]
LA JUSTICE A L\'HEURE DE LA PREUVE IMMATERIELLE
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## Les ingrédients de la preuve Serge Migayron, expert près la cour d\'appel de Paris, revient sur les « ingrédients » de la preuve numérique, et sa validité. Il faut exiger de la preuve numérique : - intégrité : c\'est-à-dire absence de modifications, voire de destruction d\'une partie du document ; - qualité : ne pas se fier aux apparences, exiger la copie « bit à bit », qui garantit la fidélité ; on s\'efforce en outre de dégager un *faisceau* de preuves ; - interprétabilité : une date calculée sur un fuseau horaire donné n\'a évidemment rien d\'absolu ; - intelligibilité : ce qui veut dire qualité de la rédaction technique. Éric Freyssinet, officier de gendarmerie, admet qu\'en matière d\'infractions numériques, il y a relativement peu d\'affaires, mais elles peuvent être quelquefois retentissantes. En France, les affaires de piratage, assez nombreuses, ne sont pas très connues parce que les services d\'enquête et les magistrats conservent une certaine confidentialité aux affaires les plus sensibles. Toutefois, en matière pénale, tout procès est public. A la Commission européenne, certains ont proposé d\'assurer une certaine confidentialité en plaçant les victimes « sous x ». On peut juger préférable d\'engager un effort d\'éducation des entreprises et des administrations, pour que tous ceux qui sont susceptibles de subir une atteinte à leur système d\'information soient en mesure de porter plainte, voire à communiquer sur les raisons de leur dépôt de plainte. Michel Rouger, président de PRESAJE, conclut en soulignant combien l\'introduction du numérique paraît finalement assez facile en matière civile, mais encore très compliquée au pénal. Ce débat devait être ouvert au Barreau, lieu d'élection des controverses, afin de mieux imaginer comment marier demain justice et efficaté, technologie et sécurité.
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[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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# DE LA RESPONSABILITE MEDICALE Justice et santé : voilà un thème majeur affectant tout à la fois le droit, la justice, les technologies et les finances aussi bien publiques que privées. C\'est un sujet typiquement « présajien », sociétal par excellence, où le sérieux de l\'analyse doit être associé à la démarche prospective, donc imaginative. « *Les Entretiens de Saintes* » (2), qui cette année seront co-organisés avec PRESAJE, en ont d\'ailleurs fait leur sujet sous le titre de « la santé, malade de la justice ? », et réuniront donc une pléiade d\'experts. En avant-première, voici une brève communication d\'un praticien, qui, pétrie d'humanisme, appelle à la sagesse. Le sujet, comme tant d\'autres, est l\'objet d\'un dialogue de sourds entre magistrats et professionnels de la santé. Pour dépasser la polémique, tentons d\'énumérer les quelques points qui engendrent l\'incompréhension des uns et des autres. Il s\'agit de l\'expertise médicale, du niveau de l\'indemnisation du préjudice, du devoir d\'information du patient et de la responsabilité sans faute, quatre sujets sur lesquels nos jeunes confrères seraient bien inspirés d\'éclaircir leurs idées et les magistrats de tendre l\'oreille...
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[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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## L\'expertise médicale Fréquemment demandées, réalisées par des médecins aux compétences reconnues et incontestées, les expertises apportent au praticien une appréciation essentielle de la conduite qu\'il a cru bon d\'adopter. Or, depuis les travaux du Professeur Sabatier, les juges s\'estiment fondés, dans un domaine dans lequel ils n\'ont souvent aucune compétence, à passer outre, leur conviction étant prépondérante, celle de l\'expert n\'ayant souvent pour eux qu\'une valeur consultative. Il y là un vrai débat : quelle est l\'utilité des expertises si elles ne sont que des prétextes de bonne pratique judiciaire ?
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[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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## Le niveau d\'indemnisation du préjudice D\'abord une question de vocabulaire : le terme d\'indemnisation est nettement préférable à celui de réparation. Le terme réparation est, à mes yeux, inadapté ; pire, insultant pour la victime. Comment peut-on assimiler le versement d\'une somme d\'argent à la « réparation » d\'une infirmité ? Une « réparation » financière peut-elle compenser le préjudice subi par un patient rendu paraplégique par une exploration radiologique, compliquée d\'infection de la colonne vertébrale ? Au fil des années, l\'indemnisation du préjudice a subi une évolution qui effraie les médecins et les assureurs, mais apparemment pas les juges. Les infirmités coûtent de plus en plus cher à ceux qui souhaitent s\'organiser pour y faire face. Cependant, on reste pantois, dans certains cas, devant les sommes allouées. Il ne s\'agit pas ici d\'en discuter le montant. Il suffit de dire que les compagnies d\'assurances ont crié grâce et que, sachant compter, elles ont demandé des primes insupportables aux praticiens concernés. De plus, nos cadets, effrayés par ces problèmes, fuient les spécialités « à risque ». Les premiers reçus au concours d\'internat, autrefois, choisissaient la chirurgie. C\'est loin d\'être le cas de nos jours, et ceux qui le font sont en nombre très insuffisant. Par qui sera-t-on opéré, endormi, accouchée dans quelques années ? Même s\'ils doivent continuer de bénéficier d\'une grande indépendance dans leur exercice, les juges ne peuvent s\'affranchir d\'une réflexion sur les conséquences de leurs décisions concernant une profession d\'exercice difficile, et dans laquelle les aléas sont nombreux. On ne peut les accabler ;
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[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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les commentaires excessifs des médias et la pression populaire qui refuse les échecs en matière de santé, les engagent à une très grande sévérité. Il faudra cependant un jour fixer la limite au-delà de laquelle aucun système de mutualisation des responsabilités ne peut être équilibré de façon efficace et pérenne. ## Le devoir d\'information du malade Le sujet, qui a fait l\'objet d\'une législation récente, a été bien mal examiné. En milieu hospitalier, en particulier, où les consignes aboutissent à une démarche souvent brutale des praticiens, qui désespère les patients au lieu de les aider à affronter des épreuves thérapeutiques souvent pénibles. On est bien loin du « colloque singulier » de Duhamel qui définissait si bien la relation médecin-malade ; le dialogue laissait s\'insinuer la vérité sans l\'asséner comme cela se fait trop souvent de nos jours. C\'était l\'époque où les qualités humaines des praticiens « équilibraient » la rudesse du diagnostic. En fait, la vérité due au malade a été proclamée par des sujets bien portants, dont la réflexion a été un peu courte sur la fragilité des êtres. Les mesures édictées sont d\'efficacité discutable en pratique : en effet, soit le patient est « ailleurs », donc incapable d\'entendre la vérité, soit il l\'entend mais la refuse au fond de lui. Dans ces conditions, que valent les avertissements oraux ou même les questionnaires signés à la hâte à la veille d\'une intervention ou d\'examens pénibles ?
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institut présaje
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[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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273
Qu\'il était lourd le fardeau porté par les praticiens de ma génération, lorsque le médecin, par compassion pour « son malade », gardait pour lui, et pour les très proches, ses certitudes et laissait s\'instaurer une atmosphère dans laquelle le malade pouvait conserver un dernier espoir ! A quoi servent les discours sur la nécessaire humanisation des établissements hospitaliers si le patient n\'y rencontre que des machines, des statistiques, qui ne leur disent pas s\'ils sont dans le bon ou le mauvais lot ? Toutes les mesures d\'accueil et de prévention resteront dérisoires devant le gouffre de désespoir que l\'on est en train d\'installer. De nos jours, sous le fallacieux prétexte d\'améliorer les conditions de vie des individus, la collectivité se fait de plus en plus contraignante. De grâce, laissons, si possible, mourir les malades incurables dans l\'illusion qu'ils peuvent guérir. Ne délivrons pas d\'informations statistiques utiles pour choisir les traitements mais plus cruelles les unes que les autres pour ceux dont la vie est sur le fil du rasoir !
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institut présaje
2008-01-01
2
[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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## Responsabilité sans faute Ce dernier né dans la responsabilité médicale est issu d\'une brillante construction intellectuelle visant à recouvrir les cas, assez souvent rencontrés, où le dommage subi par le patient ne peut être imputé ni au praticien de l\'acte, ni au prescripteur auquel l\'examen a semblé indispensable au diagnostic et au traitement. En théorie, le concept est parfait mais, en pratique, comment faire ? Dans ce système, on souhaite recouvrir l\'aléa, épée de Damoclès qui menace quotidiennement le patient et son médecin. Quelles que soient les précautions prises, dans la décision comme dans l\'exécution, nul ne peut s\'estimer à l\'abri de l\'événement imprévisible et dommageable. Il est juste de chercher à pallier cette difficulté de l\'exercice médical mais il faut se demander : - par qui sera abondé le fonds d\'indemnisation ? - comment éviter que le ditfonds ne discute « la responsabilité sans faute » avec des procédures interminables contre les praticiens incriminés afin de tenter de reporter sur leurs assurances l\'indemnité à régler ? En la matière, il conviendrait sans doute de faire preuve d\'humilité, car l\'aléa peut être aussi « thérapeutique ». Or la « science médicale » en est à ses premiers balbutiements en matière de sensibilité individuelle aux médicaments ; cela veut dire que ce qui est inconvénient mineur pour les uns peut être préjudice irrémédiable pour les autres, avec le même médicament administré aux mêmes doses et dans les mêmes conditions.
280
institut présaje
2008-01-01
2
[ "jean-claude ducastel" ]
DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
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388
## Pour un doute salvateur Ce qui précède constitue un vaste point d\'interrogation sur l\'évolution des mentalités et de la jurisprudence en matière de responsabilité médicale. Aussi bien, si un doute salvateur s\'installait dans les esprits, des discussions calmes et sérieuses sur tous ces problèmes entre les juges et les médecins seraient sûrement génératrices de compréhension et pourraient contribuer au rétablissement d\'une relation de confiance entre les médecins et leurs patients, sans laquelle l\'exercice de cette profession est impossible. Appelant à la sagesse, on devrait demander aux juristes de réfléchir aux questions toutes simples qui pourraient éclairer les débats en cas de conflit : - le praticien a-t-il répondu à l\'appel du patient dans des délais compatibles avec l\'urgence du cas ? - a-t-il fait preuve de compétence dans ses soins en regard des règles de « bonne pratique » ? - a-t-il suivi avec assiduité l\'évolution de l\'état de santé du patient, afin de réorienter aussi vite que possible le traitement en cas de complication ? Si la réponse est oui à ces trois questions, le juge doit admettre que le praticien a fait tout ce qui était en son pouvoir. Pour le reste, il doit avoir à l\'esprit que la médecine reste un art « au sens artisanal » et non une science. Beaucoup ont un avis différent. On sait où cela mène sur le plan humain, mais aussi sur le plan financier pour la collectivité. \(1\) Chirurgien (er) \(2\) *Les Entretiens de Saintes*, samedi 5 avril 2008, Abbaye aux Dames de Saintes.
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institut présaje
2007-10-01
0
[ "michel rouger" ]
LE PROCÈS, LE JUGE ET LE PROCESSEUR
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147
# Le procès, le juge et le processeur Chacun connaît les petites puces qui équipent tous les objets de la vie quotidienne sans lesquels ce serait le retour cinquante ans en arrière, situation inimaginable pour ceux qui sont nés après le célèbre transistor des années soixante. Ces puces, et les processeurs qui en gèrent le fonctionnement, reposent sur le principe binaire du choix - oui ou non - qui permet l\'enchaînement des décisions. La justice et ses auxiliaires le font, beaucoup, beaucoup plus lentement, dans le procès qui prépare tout jugement. L\'enchaînement des décisions, leurs liens
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institut présaje
2007-10-01
0
[ "michel rouger" ]
LE PROCÈS, LE JUGE ET LE PROCESSEUR
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444
- mot transcrit dans le langage des internautes - vont être élaborés pour constituer le procès qui est le fondement même de toute action judiciaire. Certes, l\'héritage de la pratique du syllogisme, cher aux philosophes et aux grands orateurs, peut conduire le juge à résister à la domination des choix binaires, auteur/ victime, créancier/débiteur, coupable/innocent, responsable/non responsable, etc. Mais c\'est de plus en plus difficile. C\'est pourquoi il faut attirer l\'attention sur les risques résultant d\'une telle évolution. Par sa formation, le juge a appris à faire parler les hommes et femmes qui comparaissent devant lui. Il a appris à dialoguer avec leurs avocats. Il a appris à comprendre les rapports des experts qu\'il a missionnés pour éclairer le procès. Nulle part, sauf à titre personnel, le juge n\'apprend à faire parler les disques, les puces et autres CD-rom. Or l\'actualité montre à quel point tous ces objets sont indispensables dans l\'analyse des faits et des comportements. La preuve immatérielle fait ainsi irruption dans les procès, élaborée par des techniciens qui font leur entrée dans le prétoire. Ils y expriment les certitudes de la « science ». La réfutation de leurs affirmations est d\'autant plus aléatoire que leurs expertises, ou ce qui en tient lieu, ne sont pas contradictoires en matière pénale. Cette évolution, par laquelle le fonctionnement du processeur, les analyses et conclusions qu\'il suggère, viennent s\'imposer dans le déroulement du procès, pose un véritable défi. Il doit être relevé par tous les acteurs d\'une oeuvre de justice qui repose, depuis des siècles, sur la recherche des preuves matérielles les plus irréfutables.
281
institut présaje
2007-10-01
0
[ "michel rouger" ]
LE PROCÈS, LE JUGE ET LE PROCESSEUR
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La mode de la solution par les experts, vite mise en valeur dans les séries audiovisuelles, ne peut conduire à lui donner le pas sur le jugement humain.
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institut présaje
2007-10-01
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[ "xavier lagarde" ]
LA RÉFORME DU « SOCIAL », SPORT DE HAUT NIVEAU
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# LA RÉFORME DU « SOCIAL », SPORT DE HAUT NIVEAU Le président de la République s\'est plu à le répéter : il n\'est pas plus difficile de faire toutes les réformes en même temps que de les faire une par une. En lançant pêle-mêle les réformes des retraites, de la fonction publique et du contrat de travail, il prouve, comme disait un autre, qu\'il fait ce qu\'il dit (et qu\'il dit ce qu\'il fait). Pour l\'instant, nul n\'a une idée précise du point d\'arrivée : alignement des régimes spéciaux sur celui de la fonction publique ou harmonisation des régimes par une négociation entreprise par entreprise ? Réduction drastique du nombre des fonctionnaires ou diversification des parcours professionnels et des statuts ? Contrat de travail unique ou introduction de variantes - dont la résiliation amiable - dans les modes de rupture du CDI ? Ce sont là, parmi d\'autres, des alternatives possibles.
282
institut présaje
2007-10-01
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[ "xavier lagarde" ]
LA RÉFORME DU « SOCIAL », SPORT DE HAUT NIVEAU
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383
## La « courbe en J » En revanche, il n\'y a guère de doute sur le sens des discussions engagées. Que ce soit sous un angle quantitatif ou qualitatif, il s\'agit bien de revoir les principes qui ont fait les beaux jours de l\'Etat-providence. Cette remise en cause n\'équivaut pas nécessairement à une régression. En termes sociaux, mieux vaut réduire le chômage que le traiter, même généreusement. Simplement, les bénéfices espérés des réformes à venir ne peuvent s\'apprécier que dans le moyen terme. C\'est ce que les économistes appellent la « courbe en J ». Pour faire mentir le proverbe « un tiens vaut mieux que deux tu l\'auras », il faut convaincre qu\'en quelque sorte un tiens vaut moins que deux tu l\'auras. Il faut ainsi acheter du temps et cela ne peut se faire qu\'à la condition de susciter la confiance. Depuis les dernières élections, et pour quelque temps encore, celle des citoyens est à peu près acquise. En revanche, on ne peut pas en dire autant des partenaires sociaux. Certains pensent que ces derniers ne représentent plus grand monde et qu\'en conséquence, malgré leur désaccord, les réformes se feront sans trop de mal. Ne sous-estimons cependant pas leur capacité de mobilisation. Lorsque les transports s\'arrêtent, la France tourne au ralenti. Le discours syndical est vraisemblablement le reflet de deux types de blocage. Le premier d\'entre eux est d\'ordre culturel. Il prend appui sur une conception conflictuelle de l\' « économique
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institut présaje
2007-10-01
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[ "xavier lagarde" ]
LA RÉFORME DU « SOCIAL », SPORT DE HAUT NIVEAU
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2
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» et du « social ». A l\'aune de celle-ci, le social avance ou régresse. Toute révision sans accentuation des protections antérieures est donc nécessairement perçue comme une régression. Ce réflexe intellectuel prend sa source au coeur de l\'identité française. Celleci, assez largement mise en forme par les codifications napoléoniennes, se singularise par une exclusion du monde marchand de la société civile. En France, le capitaliste est considéré comme un individu dont la préoccupation exclusive est l\'accroissement de ses avoirs. L\'échange n\'est pour lui que l\'occasion d\'un retour sur investissement. Il n\'a que faire d\'autrui et des solidarités qu\'implique la vie en collectivité. En conséquence, les dispositifs destinés à assurer la cohésion de la société civile, en un mot le «social», se présentent à lui comme un obstacle. Pour préserver ce dernier, il faut donc savoir résister. Cet état d\'esprit n\'est guère propice au développement d\'un agencement harmonieux entre contraintes économiques et nécessités de la protection sociale.
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institut présaje
2007-10-01
1
[ "xavier lagarde" ]
LA RÉFORME DU « SOCIAL », SPORT DE HAUT NIVEAU
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328
## Donnant-donnant ? Le second blocage est bien plus prosaïque que le premier. La résistance peut céder si elle obtient des contreparties. C\'est la logique du « donnant-donnant ». Cependant, il est à craindre qu\'il n\'y ait plus beaucoup de grain à moudre. Il est difficile de proposer une assurance- chômage plus généreuse en contrepartie d\'un assouplissement du contrat de travail car il est de fait, qu\'au moins en valeur relative, le chômeur français est plutôt bien indemnisé. Moins de fonctionnaires pour une meilleure rémunération de ces derniers : la proposition est ingénieuse mais, à l\'étude, il semble bien qu\'en termes de rémunération, les fonctionnaires ne soient pas si mal lotis... Voudrait-on négocier qu\'il n\'y a malheureusement plus grand-chose à échanger. Il risque donc, selon la formule consacrée, d\' « y avoir du sport ». Cela n\'empêche pas d\'ouvrir des négociations. D\'abord, parce que c\'est une exigence démocratique. Ensuite, parce qu\'il faut toujours tout tenter. Enfin, parce que les discussions sont autant d\'occasions de convaincre et, à tout le moins, d\'atténuer la virulence des conflits à venir.
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institut présaje
2007-10-01
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[ "christian de perthuis" ]
LE CREDIT CARBONE : PASSER D\'UNE GESTION COMPTABLE À UNE STRATÉGIE DYNAMIQUE
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253
# LE CREDIT CARBONE : PASSER D\'UNE GESTION COMPTABLE À UNE STRATÉGIE DYNAMIQUE Le 1er janvier 2008, la France entre dans la période d\'engagement du protocole de Kyoto. Elle doit plafonner les émissions de six gaz à effet de serre depuis son territoire à 565 millions de tonnes de CO2éq par an sur la période 2008-2012. Ce droit à émettre est matérialisé par son stock d\'unités de compte Kyoto, cessibles sur le marché international : l\'actif carbone du pays, ou encore sa « monnaie carbone ». En fin de période, la France devra restituer autant d\'unités qu\'elle aura émis de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012\. Le pays peut gérer de façon passive ce stock de « monnaie carbone » en s\'efforçant de maintenir ses émissions cumulées en dessous du plafond jusqu\'à la fin de période. Mais il peut aussi utiliser ce nouvel instrument pour optimiser sa politique climat sous l\'angle environnemental et financier.
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institut présaje
2007-10-01
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[ "christian de perthuis" ]
LE CREDIT CARBONE : PASSER D\'UNE GESTION COMPTABLE À UNE STRATÉGIE DYNAMIQUE
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## Que font nos partenaires ? Des pays comme les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande se sont lancés très tôt dans une telle démarche pro-active. Dès 2000, les Pays-Bas ont mis en place un programme d\'achat de crédits carbone sur le marché international. Ces crédits rémunèrent des réductions d\'émission obtenus par des projets qui peuvent être conduits dans des pays comme la Chine ou l\'Ukraine où les coûts de réduction sont plus faibles. La Nouvelle Zélande a mis en place un système dit de « projets domestiques » permettant d\'utiliser une partie de sa monnaie carbone pour réduire les émissions de gaz. En Europe, l\'Espagne, l\'Italie, l\'Allemagne et les pays baltes se sont engagés dans des programmes d\'achat de crédits sur le marché international qui permettent de contribuer au financement de projets réducteurs d\'émission dans des pays étrangers. L\'acquisition de ces crédits facilitera la réalisation de leurs objectifs de réduction d\'émission au titre du protocole et en réduira le coût. Autre utilisation possible des actifs carbone : la mise aux enchères des quotas de CO2 attribués aux installations industrielles couvertes par le système européen. Une telle politique permet d\'améliorer le signal prix envoyé aux industriels et surtout de procurer des recettes aux pouvoirs publics. Le Royaume-Uni compte s\'engager résolument dans cette voie à partir de 2008. Simultanément, il utilise les atouts que lui donne la place de Londres pour attirer une grande partie des échanges de carbone et créer sur son territoire les emplois qualifiés dûs à cette nouvelle activité. Le département britannique de l\'environnement estime à 5000 personnes ces nouveaux emplois fin 2007\.
283
institut présaje
2007-10-01
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[ "christian de perthuis" ]
LE CREDIT CARBONE : PASSER D\'UNE GESTION COMPTABLE À UNE STRATÉGIE DYNAMIQUE
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## Dépasser la gestion comptable Notre pays est jusqu\'à présent resté en retrait en matière d\'utilisation de ces nouveaux instruments. La France ne fait pas partie des pays ayant la contrainte Kyoto la plus difficile à atteindre. Elle n\'est pas poussée, par le risque de non conformité, à mettre en place une telle politique pro-active sur le marché international. C\'est sans doute la raison pour laquelle elle s\'est contentée jusqu\'à présent d\'une « gestion comptable » de ses actifs carbone consistant à thésauriser jusqu\'à fin 2012 son stock de monnaie carbone pour voir à ce moment là si le pays est « dans les clous » ou non. Mais le discours du Président Sarkozy sur le climat devant l\'Assemblée générale des Nations Unies pourrait être le signe d\'une modification de stratégie. L\'importance des mécanismes de marché y a été mise en avant, et notamment l\'intérêt économique que présenterait un approfondissement du signal-prix. Deux voies ont notamment été tracées : la mise aux enchères d\'une partie des quotas de CO2 actuellement délivrés gratuitement aux industriels alors que la directive quotas permet aux Etats d\'en vendre 10% ; le financement, via le prix du carbone, de projets permettant de limiter les rejets de gaz carbonique, notamment en préservant les forêts tropicales. A quelques encablures du lancement de la négociation du « Grenelle de l\'environnement », ces déclarations ne sont pas anodines. Elles pourraient déboucher sur l\'utilisation des nouveaux instruments économiques par les pouvoirs publics pour accroître l\'efficacité de notre politique climatique.
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institut présaje
2007-10-01
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[ "thomas paris" ]
UNE COMMISSION POUR SAUVER LES INDUSTRIES CULTURELLES ?
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# UNE COMMISSION POUR SAUVER LES INDUSTRIES CULTURELLES ? Où en étions-nous ? De méchants pirates, environ dix millions en France, avaient entrepris de détruire la création musicale en s\'échangeant des fichiers sur Internet. Le gouvernement avait décidé qu\'il fallait que cela cesse et avait demandé aux députés de voter une loi pour envoyer tout ce beau monde, dont leurs fils et neveux, en prison. Le Conseil constitutionnel avait censuré la loi et les pirates avaient continué à sévir. Alors, comment faire face à cet embrouillamini ? Que faire, sinon créer, une fois de plus, une commission pour régler le problème en deux temps trois mouvements. Cela va faire bientôt dix ans que l\'industrie musicale essaye de digérer un cocktail technologique explosif ( Internet + compression des fichiers + peer to peer ) qu\'elle a dû ingurgiter de force. La crise est très sérieuse : le marché du disque s\'est effondré de 40 % en cinq ans. L\'industrie du film est confrontée au même problème, et les professionnels du livre commencent à s\'inquiéter à leur tour. La Commission Olivennes, installée par la ministre de la Culture début septembre, a jusqu\'au 31 octobre (2007 !) pour trouver des solutions au problème. Une gageure ! Pendant longtemps, la difficulté tenait au fait que les entreprises des télécoms avaient tout à gagner à ce que des échanges de fichiers se fassent sur les réseaux dont elles contrôlaient l\'accès. Aujourd\'hui, le taux d\'équipement en Internet haut-débit a beaucoup progressé chez les ménages, et elles accepteront moins difficilement d\'envoyer des messages aux internautes qui procèdent à des échanges illégaux. Mais le problème est plus complexe ; la répression, même graduée, ne permettra jamais de récupérer la part de marché perdue.
284
institut présaje
2007-10-01
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[ "thomas paris" ]
UNE COMMISSION POUR SAUVER LES INDUSTRIES CULTURELLES ?
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Depuis plusieurs années, de nouveaux usages dans la consommation de la musique et des produits culturels se sont mis en place, qui intègrent notamment les aspects communautaires (échanges de contenus ou d\'informations). Les technologies rendent de plus en plus aisée l\'impunité. Dans ces conditions, ni la répression ni l\' « éducation » des consommateurs ne peuvent suffire à régler le problème. C\'est tout un système qui doit se recomposer et qui devra compter de nouvelles offres, en phase avec les nouveaux usages, et de nouveaux modèles économiques, en phase avec le développement d\'une création variée... Tout l\'enjeu est donc de parvenir à une solution « négociée » entre les usages des consommateurs, les règles de droit, les technologies et les intérêts des industriels. Une commission d\'une durée de vie de deux mois peut-elle être le lieu pour le faire ?
285
institut présaje
2007-10-01
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[ "michel rouger" ]
LA PERSONNE ET SON IMAGE : SERVITUDES RÉELLES, LIBERTÉS VIRTUELLES
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# La personne et son image : servitudes réelles, libertés virtuelles Question posée à l\' assemblée générale de Presaje : « Comment expliquez-vous que les contraintes qui pèsent sur les personnes, physiques ou morales, par l\'accumulation des règles et des lois, et la multiplication de ceux qui les font appliquer, n\'entraînent pas de révolte ? » Une courte réponse a été avancée. Les personnes ainsi accablées l\'oublient en vivant avec leur image : ce que font les entreprises avec la « com », ce que peut faire tout citoyen avec son blog, où il est difficile de distinguer le virtuel du réel. On assiste à un démembrement entre la personne, sujet de droit, et son image, personnage virtuel préservé des servitudes sociales et juridiques. L\'un assume les charges, l\'autre a la jouissance. L\'image étant devenue un patrimoine, on y retrouve le nu-propriétaire et l\'usufruitier. Pour les stars, les leaders, tantôt le juge protège l\'image pour sauvegarder la personne, tantôt il brutalise la personne quand le niveau d\'adoration publique de l\'image fait pression sur lui. Dans l\'économie, c\'est le droit qui se méfie de l\'image en multipliant les normes de transparence, de gouvernance, de dénonciation, de conformité, pour empêcher que la virtualité et l\'influence de l\'image viennent masquer la réalité des actes. Dans la politique, de plus en plus dominée par l\'image, le démembrement évoqué ci-dessus a atteint des sommets au mois de mai lorsque la perdante a diffusé une image de gagnante, contre toute réalité, afin de coller sur la personne du gagnant une image de perdant.
285
institut présaje
2007-10-01
4
[ "michel rouger" ]
LA PERSONNE ET SON IMAGE : SERVITUDES RÉELLES, LIBERTÉS VIRTUELLES
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143
Enfin, le juge pénal qui ne dispose que de peu de moyens de faire condamner la personne, jugée des années plus tard, choisit fréquemment la destruction immédiate de son image par des affirmations de culpabilité qui se révéleront bien plus tard sans objet ni fondement. C\'est ainsi. Pour vivre heureux, doit-on vivre caché ? La place est déjà prise par les malheureux qui cachent leur misère. Sauf quand les stars en quête d\'image les transforment en figurants dans les scénarios écrits pour valoriser leur « petite personne » dans les plans médias.
286
institut présaje
2007-10-01
5
[ "bertrand du marais" ]
L\'ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DU DROIT : OPTIMISER NOS ATOUTS DANS LA COMPÉTITION
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# L\'ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DU DROIT : optimiser nos atouts dans la compétition Ces colonnes ont résonné, il n\'y a pas longtemps, du débat passionné lancé par les rapports *Doing* *Business* de la Banque mondiale, et leur classement en fonction de la capacité du droit à faciliter les affaires. Ayant directement participé au débat sur la mesure de l\'efficacité économique du droit - voire l\'ayant suscité - l\'heure est venue d\'en dresser un premier bilan, de montrer comment ce débat fait son chemin.
286
institut présaje
2007-10-01
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[ "bertrand du marais" ]
L\'ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DU DROIT : OPTIMISER NOS ATOUTS DANS LA COMPÉTITION
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452
## De la compétitivité à l\'attractivité L\'attractivité économique du droit est à la fois une réalité et un instrument. L\'attractivité est « la capacité à attirer et retenir les activités à contenu élevé en travail très qualifié ». Le droit constitue un des paramètres de l\'attractivité générale d\'une économie, notamment comme variable dans le processus de choix des investisseurs directs étrangers. La plupart des analyses de la localisation des entreprises internationales intègrent le facteur juridique à travers plusieurs niveaux : la stabilité du système réglementaire, la fiscalité, le droit du travail, mais aussi le droit de la protection sociale, facteur de coût. L\'attractivité économique du droit est également un instrument, à travers le programme du même nom, opérationnel jusqu\'en septembre 2007(2) . En moins de deux ans d\'opération, ce « think tank », à la fois partenariat public privé et réseau pluridisciplinaire d\'une centaine de chercheurs et de praticiens en droit et en économie, aura beaucoup produit (trois ouvrages, deux cycles de conférences de droit comparé, la première conférence internationale des producteurs d\'indicateurs d\'efficacité du droit, etc.). Cette profusion traduit la naissance d\'une dynamique profonde de travail collectif : entre économistes et juristes ; entre universitaires, praticiens et décideurs publics. Cette démarche aura notamment grandement contribué à faire progresser la France de douze places dans le classement Doing Business 2007 ! (cas suffisamment rare pour être noté). La méthode était en effet la bonne. Loin de l\'invective ou de la déploration, une analyse de la méthodologie de ce classement, rigoureuse et publique, associant étroitement juristes, économistes, statisticiens et économètres, a permis de rendre crédible notre critique, puis audibles les efforts d\'explications de nos spécificités juridiques.
286
institut présaje
2007-10-01
5
[ "bertrand du marais" ]
L\'ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DU DROIT : OPTIMISER NOS ATOUTS DANS LA COMPÉTITION
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352
## La concurrence des droits continue Mais le droit n\'est pas seulement un paramètre de la concurrence entre acteurs économiques, il est luimême terrain de concurrence. Sur le marché intérieur, les entreprises peuvent choisir aujourd\'hui de localiser certaines activités, voire leurs seuls bénéfices, en fonction du droit applicable. Sur les marchés extérieurs, les États en voie de développement sélectionnent leurs modèles de réformes juridiques. Au sein d\'organisations régionales, les États développés eux-mêmes choisissent entre harmonisation, standardisation ou combinaison des divers systèmes juridiques disponibles. Cette concurrence se traduit à travers des indicateurs synthétiques de « l\'efficacité » du droit, de « l\'Economic Freedom Index » de la « Heritage Foundation » jusqu\'aux indices de risques pays des établissements financiers, en passant par *Doing* *Business* ou les composantes juridiques du World Economic Forum. Cette concurrence est organisée par de puissants « prescripteurs » : organisations internationales publiques, organismes professionnels, mais aussi agences de notation financière, etc. Ainsi, alors que des données quantitatives rendent similaire la situation de la France et des Etats-Unis, telle agence sous-évalue en moyenne les entités françaises d\'un « notch » (une position dans l\'échelle de notation)(3) . Cette prescription implicite s\'appuie souvent sur une démonstration prétendument scientifique de la supériorité intrinsèque de la Common Law, selon une logique proche de celle des vins AOC\...
286
institut présaje
2007-10-01
5
[ "bertrand du marais" ]
L\'ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DU DROIT : OPTIMISER NOS ATOUTS DANS LA COMPÉTITION
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330
## Optimiser pour relever le défi de la concurrence Faire respecter la concurrence suppose alors de développer l\'analyse critique des classements les plus médiatisés et donc les plus réutilisés. Des indicateurs alternatifs, plus complets et mieux à même de rendre compte de la diversité, pourraient être proposés. En outre, il faut traduire nos concepts et en démontrer l\'efficacité auprès de la communauté des investisseurs étrangers. Enfin, il nous faut optimiser notre système juridique grâce à une évaluation économique comparative. En effet, le droit comparé traditionnel ne suffit plus : le défi est également scientifique. Dès lors que l\'argumentation dominante est économique, seule une méthodologie rigoureuse, approfondie, associant étroitement analyse juridique, outils statistiques et économétriques, permet d\'être crédible. Il faut espérer que la Place de Paris, décideurs publics et dirigeants privés, continuera à soutenir avec constance une telle démarche. \(1\) Conseiller d\'Etat et professeur associé de droit à l\'université Paris X - Nanterre. L\'auteur s\'exprime à titre personnel. \(2\) Voir http://www.gip-recherche-justice.fr/aed.htm \(3\) Voir « Le droit et la note », Rapport du Groupe de Travail d\'AED à paraître début septembre 2007 à la Documentation française.
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institut présaje
2007-10-01
6
[ "pierre-yves geoffard" ]
LA SANTE AVANT TOUT ?
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# LA SANTE AVANT TOUT ? Selon le préambule de la Constitution de l\'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), voté en 1946 par tous les Etats membres dont la France, « la possession du meilleur état de santé qu\'il est capable d\'atteindre constitue l\'un des droits fondamentaux de tout être humain ». Certes. Mais encore faut-il s\'entendre sur le sens à donner à « la santé ». Sur ce point, l\'OMS précise que « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d\'infirmité». Ainsi posé, on le voit, le droit à la santé selon l\'OMS va très loin : en définissant la santé comme un état de bien-être, le droit à la santé devient quasiment un droit au bonheur... tant et si bien qu\'on peut légitimement s\'interroger sur la portée pratique de ce droit. N\'a-t-on pas droit à une vie éternelle en bonne santé ? Dès lors, on pourrait penser que le droit à la santé reste un principe assez théorique, qui ne se traduirait par aucune disposition concrète. Il s\'agirait alors d\'une utopie, mais certainement l\'une des plus belles, et aussi un fantastique aiguillon qui pousserait les sociétés à chercher, encore et encore, à reculer le plus tard possible la mort et l\'infirmité de chacun de ses individus. Bien que jamais réalisé car nullement réalisable, le « droit à la santé » serait alors un fantastique moteur du progrès des connaissances.
287
institut présaje
2007-10-01
6
[ "pierre-yves geoffard" ]
LA SANTE AVANT TOUT ?
4
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## Le concept de « droit à la santé » Mais dès lors que l\'on vise à une déclinaison concrète de ce droit, l\'affaire est autrement compliquée. Le préambule à la Constitution française de 1946 affirme que la Nation garantit à tous « la protection de la santé ». La version pratique du droit à la santé deviendrait alors un droit aux *soins*. Et c\'est ici que ce principe se heurte de front à une impitoyable contrainte : celle de la rareté des ressources disponibles. En 1946, la question ne se posait pas dans les mêmes termes ; la médecine était souvent incapable de guérir, ses diagnostics et ses thérapeutiques restaient limités, et peu coûteux. Peut-être était-il alors possible de garantir à chacun la mobilisation des moyens médicaux disponibles sans que se pose de manière cruelle la question du rationnement des soins. Mais en 60 ans, le développement des technologies médicales a conduit à l\'émergence d\'une médecine incroyablement plus efficace ; plus efficace, mais aussi bien plus coûteuse. L\'une des raisons invoquées pour expliquer cette forte inflation est que la médecine, très intensive en travail, n\'a pas connu de gains importants de productivité. Le coût du travail - déterminé à long terme par sa productivité dans l\'ensemble de l\'économie - ayant fortement augmenté, cela conduit à une hausse du coût des soins. Il y aurait alors une cause très profonde à l\'évolution inéluctable des dépenses de santé. Mais une autre explication peut venir de la notion même de « droit à la santé ». En effet, comment garantir à chacun un accès aux soins les plus performants
287
institut présaje
2007-10-01
6
[ "pierre-yves geoffard" ]
LA SANTE AVANT TOUT ?
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? Tout d\'abord, en s\'assurant que ces soins sont gratuits pour celui qui peut en bénéficier. Le développement de l\'assurance maladie, qu\'il s\'agisse de la sécurité sociale, des mutuelles (et autres complémentaires), puis de filets de sécurité, tels que la CMU, a contribué à créer une demande solvable pour des soins de qualité et quantité toujours croissantes. Ensuite, en assurant que les professionnels de santé ont tout intérêt à fournir le maximum de soins. Cet objectif se traduit par un mode de rémunération les incitant à ne pas se restreindre ; de ce point de vue, le paiement à l\'acte constitue un levier puissant. Bernard Shaw, dans sa pièce *The Doctor\'s* *Dilemma*, écrite en 1906, posait le problème en ces termes : « ayant observé que l\'on pouvait s\'assurer de la fourniture de pain en donnant un intérêt aux boulangers à en cuire pour vous, on en déduit qu\'il faut donner un intérêt pécuniaire à un chirurgien s\'il coupe votre jambe»... Mais même si l\'on doit reconnaître avec Shaw qu\'un tel mode de paiement n\'incite pas forcément à la qualité, il faut admettre qu\'il nourrit une offre de soins abondante. L\'offre de soins peut alors répondre sans entrave à une demande de soins elle-même en perpétuelle croissance. Or ces deux éléments que sont la gratuité des soins et le paiement à l\'acte sont l\'objet de choix politiques, en parfaite cohérence avec l\'idée d\'un « droit aux soins » sans claire limite.
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institut présaje
2007-10-01
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[ "pierre-yves geoffard" ]
LA SANTE AVANT TOUT ?
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## Retour sur terre On n\'évitera pas la douleur. Comment imaginer des situations dans lesquelles des soins sont disponibles mais ne devraient pas être dispensés car trop coûteux ? Dans un pays qui a, fort justement, choisi de socialiser la dépense de soins, un tel examen se doit d\'être collectif. En matière de santé comme dans tous les autres domaines, si nos attentes ou nos besoins sont infinis, nos ressources sont limitées et le « droit à la santé » est inévitablement concurrent du droit à la sécurité, à l\'éducation, au logement et de bien d\'autres « droits ». Il n\'y a pas - il ne saurait y avoir - de droit absolu.
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2007-10-01
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[ "thomas cassuto" ]
LE NUMERIQUE ET LA PREUVE
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# LE NUMERIQUE ET LA PREUVE En matière de preuve, les moyens informatiques sont apparus comme un nouvel instrument facilitant le traitement, le calcul et l\'analyse de l\'information. Puis le numérique, qui a envahi le moindre recoin de la vie courante, est devenu le support d\'actions frauduleuses et, en même temps, la source d\'informations utiles : en somme, un objet d\'analyse à part entière. La mise en oeuvre du droit dans un environnement informatique nous rappelle que cet univers n\'est pas virtuel. C\'est seulement sa projection qui peut l\'être. Derrière les écrans se trouvent des hommes, des machines bien réelles mais dont le comportement, par le volume d\'informations et d\'opérations traitées, risque de nous échapper et d\'affecter ainsi l\'accès à la preuve utile. S\'il est encore possible d\'établir un événement survenu dans un système informatique, avec les réserves d\'usage, il est toujours plus délicat de le relier à un auteur identifiable à une personne physique ou morale. L\'altération d\'un code source, le piratage d\'un système informatique, l\'atteinte aux droits de propriété intellectuelle, qui génèrent des contentieux de plus en plus nombreux, sont l\'illustration de ces difficultés.
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2007-10-01
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[ "thomas cassuto" ]
LE NUMERIQUE ET LA PREUVE
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La jurisprudence a d\'ores et déjà dégagé les critères essentiels qui permettent de considérer que l\'intégrité d\'une preuve a été préservée et qu\'un fait de nature informatique peut être établi (T.G.I. Paris 4 mars 2003 et 7 février 2006). Mais il faut admettre que dans le domaine du « tout numérique », l\'administration de la preuve est un mécanisme complexe qui impose l\'intervention séquentielle de plusieurs acteurs, appliquant de concert des protocoles. Parties, enquêteurs, huissiers, experts, magistrats doivent s\'appuyer sur des pratiques professionnelles fiables et communément intelligibles. L\'éternel cachet de cire garantit au papier, au parchemin ou même à l\'argile, la lisibilité du support en préservant l\'intégrité de son contenu. Reste à consacrer le mode de préservation de l\'intégrité de la preuve électronique, en maintenant l\'accessibilité de son contenu à des fins d\'analyse. Avec le numérique, l\'enjeu de la révélation de la preuve est de taille : il s\'agit de satisfaire à la nécessité de gérer un volume colossal d\'informations et d\'assurer la mise en exergue du contenu pertinent pour l\'exercice des droits. Ce n\'est pas rien.
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institut présaje
2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
ECONOMIE, DROIT ET SANTE
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# ECONOMIE, DROIT ET SANTE Le souci de la croissance et de l\'emploi ne nous quitte pas. Plus nouveau, celui de l\'environnement nous défie. Mais qui ne voit se profiler les prémices du problème dominant de la société du XXIe siècle : la santé ? Les craintes sur le climat, l\'explosion démographique, la circulation effrénée des individus et des informations, les limites de l\'urbanisation, celles de la protection collective, sont venues déstabiliser les comportements individuels La précaution, la sécurité personnelle, la responsabilité individuelle et collective, la judiciarisation des aléas de la vie, viennent ajouter de nouvelles incertitudes face au traitement des risques de maladie et d\'accidents. Sans compter les risques psycho- sociaux du stress, de la violence et des addictions. Pendant longtemps, la protection collective a pu garantir aux individus vivant dans des pays développés la couverture des risques qu\'ils encouraient, la santé étant considérée comme un coût qu\'il appartenait à l\'État de couvrir. La fameuse « prise en charge » réglait tout. On commence à découvrir que cette période de la santé coût est révolue. Elle devra être remplacée par celle de la santé valeur, au cours de laquelle il faudra « valoriser » aussi bien l\'action personnelle du demandeur de soins que celle de celui qui les donne. Le temps est proche qui verra se multiplier les opérations de prévention de couverture individuelle de risques. Les risques psycho-sociaux, le plus souvent nés du comportement du malade, d\'une « infection » de l\'esprit, d\'une maladie ou d\'un accident de la vie, offriront un champ d\'actions préventives qui ne seront plus à la mesure du seul État, pas plus que des collectivités.
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2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
ECONOMIE, DROIT ET SANTE
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C\'est ainsi qu\'on verra se développer, dans la sphère de la santé, les débats qu\'a connus l\'économie il y a cinquante ans : productivité, rentabilité, solidarité, efficacité, pédagogie, formation, communication. L\'approche sociétale se substituera à l\'approche purement médicale, en la complétant. Comme ces risques psycho-sociaux affecteront, par priorité, le monde de l\'économie et du travail, il faudra s\'attendre à des bouleversements des secteurs du droit du travail qui se recoupent avec ceux de la santé. Alors que les débats idéologiques, familiers du mode de fonctionnement de la démocratie française, agitent encore le couple économie/ travail, on doit se préparer à leur irruption dans le couple travail/santé, plus spécialement dans les rapports avec la santé, le droit et l\'économie. Le temps est venu de rapprocher des mondes qui s\'ignorent.
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2007-04-01
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[ "bernard colasse" ]
LE DROIT COMPTABLE EST MORT, VIVE LE DROIT COMPTABLE !
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# LE DROIT COMPTABLE EST MORT, VIVE LE DROIT COMPTABLE ! Il y a un quart de siècle, on s\'interrogeait sur l\'existence d\'un droit comptable français. Peu de temps après, au début des années 1980, émergeait ce droit que beaucoup appelaient de leurs voeux. Mais l\'histoire va vite ! Ce droit, à peine né, n\'est-il pas déjà mort ? Reprenons le cours des évènements. On peut effectivement se demander s\'il existait, au tout début des années 1980, un véritable droit comptable. Ou alors c\'était un droit aux sources très diverses mais essentiellement publiques, dépendant du droit civil et de la fiscalité, sans cadre théorique. Les années 1980 furent des années fastes. Deux lois, l\'une de 1983 pour les sociétés de capitaux, l\'autre de 1985 consacrée aux groupes, furent votées en application de directives européennes et débouchèrent sur un droit comptable « à la française », pyramidal mais rigide : trop rigide pour une pratique aussi évolutive que la comptabilité. Ce droit ne pouvant répondre aux exigences des marchés financiers, les grandes sociétés cotées françaises, comme leurs consoeurs des autres Etats-membres, vont alors se tourner vers les normes américaines ou les normes internationales. Le coup de grâce sera donné quand l\'Union Européenne décidera de ne pas réviser ses directives comptables et d\'exiger des sociétés cotées qu\'elles appliquent à partir du 1er janvier 2005 les normes émises par l\'International Accounting Standards Board (IASB) pour leurs comptes de groupe.
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2007-04-01
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[ "bernard colasse" ]
LE DROIT COMPTABLE EST MORT, VIVE LE DROIT COMPTABLE !
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Conclusion : le nouveau droit comptable est international, d\'inspiration anglo-saxonne. C\'est un droit « non pyramidal », composé de normes peu hiérarchisées : un droit qui bouge constamment comme le monde économique, mais qui, en contrepartie, risque de poser de redoutables problèmes d\'interprétation pour des juges habitués, chez nous, à s\'appuyer sur le pouvoir normatif de la Loi ! L\'éthique comptable, pièce essentielle de la responsabilité des dirigeants, y trouvera-t-elle son compte ? Quel « présage » porte ce glissement vers la culture de « Common Law » ? Celui de la toute-puissance de l\'investisseur, pour lequel il a été conçu. Celui d\'un apprentissage difficile dans les pays de droit écrit. Mais aussi, corrélativement, celui d\'un bel avenir pour les professionnels de la comptabilité et pour les juristes, peu nombreux à maîtriser ces nouvelles règles. Implacable loi de l\'offre et de la demande...
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2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
LE DÉBAT SUR LA SÉCURITÉ, ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
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# Le débat sur la sécurité, enjeu de la Présidentielle ? ## Nicolas ARPAGIAN: la pièce et les acteurs L\'idée générale de cette réflexion était de saisir l\'aspect polymorphe du problème de la sécurité. Au-delà des responsabilités directes des forces de police et de gendarmerie, force est d\'ouvrir le débat au fond, qui est de nature sociale, sociétale, politique. D\'où la constitution d\'un « panel » diversifié, mêlant des personnalités de l\'université, de l\'entreprise, de la police, de la magistrature. Une fois le diagnostic dressé, trois options sont toujours possibles pour les pouvoirs publics : - ne rien faire - laisser à d\'autres acteurs le soin d\'intervenir : c\'est la solution de la sécurité privée - faire appel aux outils offerts par les nouvelles technologies. Mais jusqu\'où aller ? Les risques de récidive détectés par l\'analyse des traits du visage est courante aux Etats- Unis ; en Europe, cela est jugé choquant. Trouver le compromis acceptable entre sécurité et préservation de la liberté, tel est le défi d\'aujourd\'hui.
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2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
LE DÉBAT SUR LA SÉCURITÉ, ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
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## Alain BAUER : des images télévisées à la connaissance du terrain Le présent ouvrage peut paraître décalé dans la mesure où les débats politiques de 2007 portent moins explicitement sur la sécurité qu\'en 2002. En fait, le thème de la sécurité est toujours là, mais il est habillé de façon différente : on parle maintenant du problème de *l\'identité*. Evidemment, les formes d\'expression ne sont pas neutres : l\'actualité devrait sans doute nous amener à porter attention à des gestes apparamment plus nouveaux, comme la référence à la Marseillaise, voire la génuflexion à Notre- Dame. Mais au fond, la problématique de la société a-t-elle beaucoup changé depuis 2002 ? Elargissons le débat à la criminalilté. Quand on raisonne en termes économiques, il faut bien voir que la « production » de criminalité est une activité majeure au plan mondial (sur les diverses formes de criminalité, cf. le compte-rendu des débats en ligne). Et face à cela, on ne nous offre souvent qu\'une réponse ultra-répressive ou, au contraire, une vision angélique. A cela s\'ajoutent les calculs politiques, reposant sur l\'exploitation de la peur. Les bonnes solutions ne peuvent être trouvées que par la connaissance du terrain, des quartiers, des écoles, c\'est-à-dire de la *complexité*. On est en train de découvrir le passage de la télévision en noir en blanc à la TV en couleurs ! C\'est un progrès...
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2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
LE DÉBAT SUR LA SÉCURITÉ, ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
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## Jean-Claude MAGENDIE: lien social et fraternité Montesquieu, déjà, posait la question : comment concilier la sûreté de l\'Etat avec la liberté de la personne ? Comment ne pas glisser de la notion de sécurité à la tendance sécuritaire ? Certains Etats n\'y ont pas réussi. La France, elle, a choisi de respecter les droits de l\'homme, sans évacuer, même en temps de guerre, ce qui relève du droit et du juge, garants des valeurs de la démocratie. Le droit a ses veilleurs. Depuis 2000 existe une Commission nationale de déontologie de la sécurité, instituée pour éviter tout risque de dérapage. Mais il n\'y a pas que le droit. Il ne faut pas oublier le troisième terme de la devise républicaine - la fraternité -, conçu sur le tard après la Révolution de 1848, mais aussi essentiel que les deux termes qui le précèdent. C\'est le meilleur rempart contre les dangers du communautarisme. Que l\'on soit passé peu à peu de la fraternité à la solidarité, peu importe : le lien social est le ciment qui joue un rôle déterminant dans l\'objectif de sécurité.
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2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
LE DÉBAT SUR LA SÉCURITÉ, ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
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## Frank NATALI: résister aux pressions Quand on rappelle que c\'est au juge de trouver le juste équilibre entre sécurité et liberté, il faut se souvenir que celui-ci se situe dans un contexte social, et parfois, on peut avoir le sentiment que le magistrat a besoin d\'une grande force d\'indépendance pour ne pas agir sous pression. Hier encore, nombre de nos concitoyens étaient prêts à admettre assez largement la détention provisoire. Depuis l\'affaire d\'Outreau, on note une évolution: on se dit qu\'il doit y avoir aussi une sécurité pour ceux qui sont poursuivis ou qui sont susceptibles de l\'être. Les garanties procédurales sont le privilège de nos démocraties. C\'est de cette manière que l\'on peut résoudre le dilemme entre sécurité et liberté, qui semble d\'ailleurs s\'estomper. Les avocats ont évidemment le devoir d\'y veiller. ## Delphine BATHO : halte au manichéisme ! Premier point : il faut être conscient de l\'attente des citoyens directement concernés par les problèmes de sécurité : les difficultés de la vie quotidienne, les interpellations et tout ce qui en résulte. Les politiques sontils capables d\'apporter les solutions attendues ? Voilà la question des Français. Deuxième point : le rôle essentiel du diagnostic, qui doit écarter tout manichéisme. Gauche et droite partagent succès et échecs. Des moyens ont été déployés de 1997 à 2002, comme entre 2002 et 2007 : tirons les leçons de ces expériences. L\'opinion semble tout de même avoir évolué : l\'élection présidentielle ne se joue pas seulement sur le thème de la prévention-répression, on y mêle la question d\'éducation, de protection sociale, d\'environnement. L\'idée est de lutter contre *tous* les désordres générateurs d\'inquiétude, et donc trop souvent de violence.
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institut présaje
2007-04-01
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[ "michel rouger" ]
LE DÉBAT SUR LA SÉCURITÉ, ENJEU DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
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## Elsa HERVY: les violences « non crapuleuses » Représentant ici Thierry Mariani, j\'ai bien saisi la question qui nous était posée : vous PS, et vous UMP, partagez-vous le même diagnostic ? La réponse est oui s\'il s\'agit de mesurer la gravité de la crise. Là où nous sommes moins d\'accord, c\'est sur l\'appréciation de la tendance et des chiffres. La vérité, c\'est que depuis 2002, les violences crapuleuses ont baissé ; ce qui a augmenté, ce sont les violences « non crapuleuses » (cf. l\'analyse d\'Alain Bauer dans le compte-rendu en ligne). Nous préconisons deux lignes d\'action : - d\'abord continuer à assurer la répression contre toutes les formes de violence ; - faire de la prévention : moins de discours, plus d\'actions ; par exemple en recourant à la loi de 2007 permettant l\'éloignement du conjoint violent. L\'arrivée des travailleurs sociaux dans les commissariats va dans le même sens. Il y a, à l\'évidence, une prise de conscience du caractère global de la sécurité. Le présent ouvrage, où chacun apporte sa pierre, contribue à border la réflexion.
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2007-04-01
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[ "emmanuel lechypre" ]
JOURNALISTE 2.0
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# JOURNALISTE 2.0 Les journalistes survivront-ils à Internet ? La réponse est sans ambiguïté : non. Du moins si l\'on entend par journaliste celui qui exerce son métier depuis un siècle et demi, quel que soit son média de prédilection (presse écrite, radio, télévision), à savoir : collecter et diffuser des informations, dévoiler la réalité derrière l\'écran de fumée des apparences, la raconter le plus objectivement possible à un public qui le lit, le regarde ou l\'écoute. Ces journalistes là sont voués à la disparition aussi sûrement que les dinosaures ont été balayés de la surface du globe par un bouleversement de grande ampleur. A l\'origine du bouleversement : la numérisation et la mobilité. Aujourd\'hui, la presse écrite, la radio et la télévision ne sont majoritaires que chez les plus de 50 ans. Internet est donc, de fait, devenu le seul média de masse, les « vieux médias » étant déjà presque réduits au rôle de niches. Ce n\'est pas réjouissant, si l\'on considère un média comme un support. En revanche, avec Internet, et particulièrement Internet 2.0, toutes les perspectives sont renversées. Les médias traditionnels, y compris d\'ailleurs Internet 1.0, étaient des médias d\'offre, fondés sur le monologue d\'un journaliste qu\'il ne fallait pas pousser beaucoup pour prendre un ton de professeur vis à vis de son public. Internet 2.0, en revanche, est un média qui devra avant tout répondre aux demandes des internautes, favoriser le dialogue et l\'interconnectivité, et accepter la personnalisation extrême de la hiérarchie de l\'information. De là va émerger une nouvelle génération de journalistes, qui sera peut-être plus nombreuse encore que la précédente. Le journaliste 2.0 devra comme son aîné hiérarchiser, trier, organiser, mais plus dans une logique « d\'animation » et de
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institut présaje
2007-04-01
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[ "emmanuel lechypre" ]
JOURNALISTE 2.0
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« médiation » que dans une logique didactique. Les enquêtes sur le terrain ? Elles seront en partie commandées, pourquoi pas, par ces journalistes aux internautes, qui apporteront leurs contributions à l\'ensemble, le tout étant restitué dans de grands récits multimédias qui font l\'essence même d\'Internet. A côté de cette masse, subsistera sans doute une élite de mandarins qui continueront à produire du contenu à haute valeur ajoutée, sans doute encore par écrit pour des publications de niches très haut de gamme, privilégiant l\'analyse sur le récit. Conclusion : journaliste est un métier d\'avenir.
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[ "michel rouger" ]
DES LETTRES ET DES CHIFFRES
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# DES LETTRES ET DES CHIFFRES L\'OPINION NUMERIQUE (1), dernier ouvrage paru dans la collection PRESAJE, ouvre une perspective sur l\'évolution de l\'opinion publique abondamment sollicitée depuis que la transformation des lettres en chiffres - la numérisation - permet à la pensée d\'ignorer les contraintes de l\'espace et du temps. Cette révolution, identique à ce que fut l\'invention de l\'alphabet, puis celle de l\'imprimerie, entraînera des effets considérables sur les trois piliers des démocraties humanistes : l\'économie, le droit et la justice. Eléments qui doivent converger dans leurs objectifs, pour garantir aux citoyens un Etat de droit capable de résister aux prochaines violences globalisées. Economie, Droit, Justice : nous entrons de plain pied chez PRESAJE, dont les fondateurs se voulaient médiateurs entre l\'entreprise, le juriste et le juge. Cette médiation n\'est plus à la mesure de ce qu\'il faut faire pour favoriser la convergence souhaitable, dès lors que le fossé se creuse entre les uns et les autres, avec des conséquences manifestement néfastes pour tous. Il faut procéder autrement, en restant prospectif, en portant notre regard au-delà du court terme, et en décryptant les trois bouleversement progressifs qui affecteront notre condition : - une transformation du VOULOIR, qui conduira les citoyens à exprimer différemment leurs demandes, en utilisant les moyens offerts par le numérique ; - une transformation du POUVOIR, qui pourrait pousser les dirigeants vers le meilleur d\'une démocratie participative réfléchie, construite, dégagée du verbe et du spectacle ; mais qui pourrait aussi favoriser les Web dictatures ;
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[ "michel rouger" ]
DES LETTRES ET DES CHIFFRES
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- une transformation du SAVOIR, qui obligera ceux qui le détiennent à modifier la collecte et le choix des sujets grâce à une pédagogie adaptée, en utilisant les nouveaux contenants disponibles pour des contenus rénovés. Dans cette recherche de convergence, que PRESAJE a ajoutée à sa fonction médiatrice initiale, trois thèmes se sont imposés comme prioritaires. Ce sont ceux qui subissent les plus graves nuisances des divergences que nous constatons : la responsabilité, le travail, la santé. Que ceux qui sont intéressés, comme visiteurs de notre site (2) ou comme acteurs tentés de nous accompagner dans nos recherches, soient assurés qu\'ils feront oeuvre utile et trouveront chez nous un accueil amical et ouvert. (1) Ed. Dalloz (2) www.presaje.com
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[ "xavier de kergommeaux" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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# POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR Chaque pays doit s\'interroger sur sa capacité à générer et à faire évoluer un droit créateur de valeur. A cet égard, l\'arsenal législatif et réglementaire de notre pays mérite réflexion. Certains textes s\'inscrivent dans ce qu\'on pourrait appeler, selon le cas, « le syndrome de l\'enfant violé » ou, à l\'inverse, « le syndrome d\'Outreau » : les réactions sont unanimes face au viol d\'un enfant par un pervers récidiviste, et beaucoup reprochent alors aux politiques que l\'arsenal législatif ne permette pas de prévenir un tel forfait. L\'indignation est tout aussi générale pour exiger, en sens contraire, que des individus ne soient pas broyés par la machine judiciaire, lorsqu\'ils sont finalement jugés innocents des crimes qui leur étaient reprochés. Dans les deux cas, les politiques sont tentés d\'adopter de nouveaux textes, avec l\'illusion qu\'ainsi, rien de tel ne se reproduira plus... ! Sommes-nous mieux lotis lorsqu\'il s\'agit de droit des affaires ? Chaque faillite retentissante, a fortiori frauduleuse et internationale, incite les pouvoirs publics à adopter de nouveaux textes. En pratique, ce nouvel arsenal n\'empêchera pas les escrocs de « partir avec la caisse », mais compliquera sensiblement le fonctionnement quotidien de toutes les entreprises. La France n\'a certes pas le monopole de ces lois destructrices de valeur. Certaines dispositions de la loi Sarbanes-Oxley, aux Etats-Unis, sont pénalisantes pour les entreprises. Mais les erreurs législatives et réglementaires mettent beaucoup plus longtemps, chez nous, à être corrigées, lorsqu\'elles le sont.
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institut présaje
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[ "xavier de kergommeaux" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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La jurisprudence, elle aussi, génère un décalage évident entre les décisions judiciaires et la pratique des affaires. Certains arrêts, parfois rendus « contra legem », ouvrent la voie à des années d\'incertitudes juridiques. Des revirements de jurisprudences établies ont de lourdes conséquences pratiques, et entraînent une destruction de valeur. Une jurisprudence qui privilégie systématiquement les entreprises en faillite est aussi inepte qu\'une politique de défense nationale qui s\'appuierait sur la restauration de la ligne Maginot ! Plaidons pour que le législateur, le régulateur et le juge appliquent à leurs travaux la « théorie du bilan » et se posent systématiquement la question : notre décision est-elle conforme à l\'intérêt général économique et, si ce n\'est pas le cas, l\'objectif poursuivi par cette décision est-il proportionné à la destruction de valeur qu\'elle entraîne ?
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institut présaje
2007-01-01
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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# POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR EXTRAITS du débat au PRESS CLUB DE FRANCE organisé le 19 décembre 2006 à l\'occasion de la parution du 8ème ouvrage de la collection Présaje/Dalloz « L\'OPINION NUMERIQUE ». *(Transcription intégrale de ce débat sur notre site* *www.presaje.com).* Avec les interventions de : - David GUIRAUD, directeur général des Echos - Francis LORENTZ, président de l\'Institut de l\'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) - Henri PIGEAT, président du Centre de formation des journalistes - Gérald de ROQUEMAUREL, président d\'Hachette Filipacchi Medias (HFM) de 1997 à décembre 2006. Et la participation de Jean-Pierre TEYSSIER, président du BVP. Débat animé par Nicolas ARPAGIAN, grand reporter à 01 Informatique. L\'information que vous voulez, quand vous la voulez : telle est l\'offre d\'Internet. L\'information rapide, factuelle et sans frais, tel est le défi lancé par les gratuits. Quels sont les « ingrédiens » de cette révolution ?
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institut présaje
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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## Quel modèle économique ? - Henri PIGEAT La grande question qui se pose aux éditeurs de presse est de savoir comment réviser leur modèle économique. Ce qui a été explicité récemment par le patron du New York Times : « Grosso modo, je perds entre 1,5 et 2 % par an en diffusion, mais mon site internet progresse dans le même temps de plus de 45 %. Le drame est que le site Internet, pour l\'instant, ne me rapporte pratiquement rien ; et ce que j\'ai perdu en diffusion est une perte concrète». - Jean-Pierre TEYSSIER La publicité va arbitrer le modèle économique. Qui va l\'emporter ? Est-ce le modèle de l\'écrit, où il faudra payer en plus de la publicité, ou celui de l\'audiovisuel, où l\'on a acc ès gratuitement à l\'information grâce à la publicité ? ## Internet et les tribus - Francis LORENTZ L\'un des apports de l\'Internet est de permettre une relation très individualisée avec chaque consommateur ou utilisateur, ou avec des groupes extrêmement segmentés, sortes de « tribus ». Cela peut aller jusqu\'à une interactivité permanente, le message pouvant être adapté en fonction des réactions de l\'utilisateur grâce aux techniques de « profilage » individuel. ## Le lecteur-éditeur - Gérald de ROQUEMAUREL Le jour viendra où le journal au format PDF sera imprimé chez nous pendant la nuit, sans même la peine d\'appuyer sur un bouton. On le trouvera au réveil dans des conditions acceptables puisque, finalement, ce sera le lecteur qui paiera le coût de la distribution (l\'ADSL).
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institut présaje
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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## L\'information dans tous les sens - Francis LORENTZ Nous sommes entrés dans l\'ère du consommateur actif. Il est à la fois capable de composer son propre journal, de choisir ce qu\'il veut recevoir, et rien d\'autre. Mais il est aussi générateur de contenu, sans intermédiaire puisque cela se développe de façon multiforme, grâce au peer to peer, y compris en incluant l\'image. Choquée, bouleversée, prise au dépourvu, la presse écrite ne conserve-t-elle pas quelques avantages ? ## Reste l\'inévitable besoin de repères - Henri PIGEAT Si vous voulez parvenir à une vision d\'ensemble et à une compréhension du monde, il vous faut faire confiance à des professionnels qui vous donnent des repères forts. Ce que ne fait pas l\'Internet : on dit tout et son contraire. On est passé d\'un système vertical, où le journaliste avait une sorte de monopole, à un système horizontal, où l\'information circule dans tous les sens. Où sont les repères ? ## Les avantages comparatifs de l\'écrit - Henri PIGEAT L\'écrit apporte une capacité de fiabilité, de développement, de vérification plus grande que les autres médias. Quand on passe en direct à la radio ou au journal télévisé, on doit faire confiance à la source, on n\'a pas le temps de la vérifier, ni de la mettre en situation. L\'écrit a cette force extraordinaire d\'avoir 24 heures devant lui. \[...\] La presse est en crise, elle n\'est pas en déclin.
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institut présaje
2007-01-01
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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## Qui paie au bout du compte ? - David GUIRAUD Je n\'ai pas peur des gratuits, j\'ai peur du fantasme de la gratuité. On affirme que tout ce qui est sur Internet doit être gratuit... Rappelons-nous la fameuse phrase de Milton Friedman : « There is no free lunch ». Il faut bien, un jour ou l\'autre, passer à la caisse ; il y a quelqu\'un, quelque part, qui va payer. ## Les gratuits et les jeunes - Gérald de ROQUEMAUREL Les gratuits peuvent être considérés comme un complément à la presse traditionnelle. \[...\] L\'irruption des gratuits est moins une menace pour la presse qu\'une extension de marché ; c\'est une manière d\'amener les jeunes vers la lecture pour qu\'ils achètent ensuite leur quotidien. ## Le partage du « gâteau » publicitaire - Francis LORENTZ L\'émergence du haut débit, qu\'il s\'agisse de la télévision, du PC ou du téléphone, renforce le rôle de l\'image : ce qui accentue la concurrence pour l\'accès à la publicité. Les enjeux sont d\'autant plus importants et la concurrence plus dure que les opérateurs de télécom voient leurs recettes traditionnelles soumises à une pression accrue. Ce qui va les entraîner à intervenir dans l\'arène pour conquérir un part du « gâteau » publicitaire. - Jean-Pierre TEYSSIER Le développement de la publicité sur Internet suppose deux conditions : de nouveaux formats, comme le référencement sur les moteurs de recherche, et l\'exigence d\'une publicité saine, loyale et honnête.
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institut présaje
2007-01-01
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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## L\'exigence éditoriale - Henri PIGEAT Nous n\'avons pas su suivre avec assez de pertinence ce qu\'attendait le public. On s\'aperçoit que les jeunes n\'achètent plus et ne lisent plus le journal ; les moins jeunes le lisent encore, mais de moins en moins. \[...\] Nous publions trop de journaux sans concept, sans crédibilité. Nous, les éditeurs, n\'avons pas assez d\'exigence éditoriale. Je parle pour l\'ensemble de la profession, même si je pense prioritairement aux magazines. Nous ne sommes pas assez exigeants sur le concept. Et s\'en éloigner quand on affiche une marque forte, c\'est trahir le lecteur. Comment, demain, « fabriquer » l\'information, puis la distribuer ? Et comment être dans le camp des gagnants ? ## La convergence des métiers - Francis LORENTZ L\'organisation en « silos », séparant les divers types de médias, est directement menacée par la convergence des technologies et la nécessité de mutualiser les moyens, ce qui veut dire diffusion d\'une même information sous des formes multiples. D\'où une certaine convergence des métiers. ## Polyvalences et synergies - Henri PIGEAT Le changement fondamental qui s\'opère actuellement est la réintégration du web à l\'intérieur du système éditorial. Cela se traduit par des salles de rédaction communes, des polyvalences plus ou moins poussées entre les journalistes. Avec une articulation plus claire entre management et rédaction, afin que tout le monde comprenne que le journal est un produit intellectuel typé, non interchangeable.
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institut présaje
2007-01-01
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[ "michel rouger" ]
POUR UN DROIT CRÉATEUR DE VALEUR
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## Qui va succéder au tabac-papeterie ? - Gérald de ROQUEMAUREL L\'idée que l\'on puisse vivre éternellement avec une mono-activité - en l\'occurrence la presse - est obsolète. On vivait assez bien de l\'association du tabac et des journaux ; c\'en est fini avec le tabac. On pourrait vivre, également, en jumelant papeterie et presse. Mais la papeterie est partie dans les supermarchés. Il faut retrouver, et c\'est une des clés du problème, des activités complémentaires pour la distribution. ## Le souvenir des chemins de fer - David GUIRAUD Le fait est qu\'il y aura des morts. Il y en aura même beaucoup, car, aujourd\'hui, on crée des sites, des journaux nouveaux, et tout le monde lance des paris. Mais rappelons nous la révolution industrielle et le nombre de compagnies de chemins de fer qui furent lancées à cette époque : il n\'en est pas resté beaucoup.
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institut présaje
2007-01-01
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[ "thomas paris" ]
L\'INDIVIDU NUMÉRISÉ S\'EN VA-T-AUX URNES
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# L\'INDIVIDU NUMÉRISÉ S\'EN VA-T-AUX URNES Alicia Mortuchaine a longtemps été une ménagère de moins de cinquante ans. Aux yeux de son mari, elle était bien plus que cela. Lui sait qu\'elle n\'a pas d\'égale question blanquette de veau. Mais même si elle était parfois un peu plus raffinée - « employée », « suburbaine », « deux enfants »... - elle s\'était faite à l\'idée d\'être, pour les professionnels du marketing, « Alicia », « née en 1957 », « résidant rue de la Mélasse » : avec cela, ils savaient tout sur elle. Aujourd\'hui, c\'est tout différent. La notion de représentation est devenue fondamentale dans nos sociétés démocratiques. C\'est le médiateur entre l\'individu et la société. Il fonctionne dans les deux sens. D\'un côté, on prend 60 millions d\'individus, on les mélange et l\'on sort cinq cents représentants, puis huit à l\'occasion d\'une élection présidentielle, puis deux puis un. En partant d\'un grain assez fin, on détériore petit à petit la qualité de l\'image, mais au final, on obtient bien une représentation. De l\'autre, ceux qui représentent ces 60 millions d\'individus doivent se les représenter, pour mieux les représenter. Pour eux, vous êtes « de sensibilité de gauche », « conservateur », « cadre », « bobo », « issu de la France d\'en bas » ou « de la France qui souffre ». Mais voilà ! Alicia a découvert l\'Internet. Grâce à cet outil, elle échange des cartes postales de villages inondés avec un petit groupe de gens qui partagent sa passion. « Collectionneuse de cartes postales de villages inondés », ça lui ressemble plus que
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institut présaje
2007-01-01
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[ "thomas paris" ]
L\'INDIVIDU NUMÉRISÉ S\'EN VA-T-AUX URNES
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« ménagère de moins de cinquante ans ». Elle participe au blog de Lucien Garmont, qui a des goûts assez proches des siens en matière de cinéma. Avant, elle achetait deux magazines mais ne savait jamais à quel saint se vouer. Maintenant, grâce aux blogs des candidats, elle peut expliquer précisément ses problèmes politiques - le manque de places de parking devant la station de RER, l\'absence de feux de signalisation devant l\'école, le prix des cerises qui écarte le clafoutis de ses menus -, plutôt que de se torturer l\'esprit pour savoir si elle est de gauche ou de droite. C\'est la démocratie participative. Grâce à Internet, c\'en est fini de l\'insupportable anonymat de l\'individu dans la société. Nous allons tous être numérisés, non plus à partir de trois malheureux pixels - sexe, âge, profession \- mais en haute-définition. Alicia peut désormais exister dans tout son être. Sauf qu\'au bout du compte, il faudra voter, pour un candidat parmi deux : dur réveil de la représentation.
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institut présaje
2006-10-01
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[ "michel rouger" ]
JE PARLE, DONC J\'EXISTE
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# JE PARLE, DONC J\'EXISTE Les travaux de Présaje sur la parole de *l\'opinion publique numérisée\* et sur celle de l\'expert\*, mises au service de toutes les causes, inspirent une réflexion, proche de celle d\'un mineur de fond, il y a trente ans, rapportée par François Ewald : « Je n\'existe pas puisque je n\'ai pas la parole ». En clair, être par la pensée ne suffit pas ; il faut pour exister avoir la parole. Revisitons alors les rapports ancestraux de la parole et de la pensée. Au temps de Descartes, la pensée était délivrée « en gros » par ceux qui pensaient « haut », les philosophes, les prêcheurs, les monarques et les tyrans, vers ceux qui pensaient « bas », la multitude des sujets, des analphabètes et des sans parole. Puis vinrent les temps modernes et la presse, écrite, audio et visuelle, grâce à laquelle la pensée fut délivrée en « demi gros » par les mass médias, mettant en forme celle des sociologues, des politiques, des économistes, des juristes, des experts et de quelques gourous ou saltimbanques, vers ceux qui pensaient moins bas grâce à l\'école obligatoire. Les libertés démocratiques et l\'Etat de Droit y trouvèrent leurs fondations.
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institut présaje
2006-10-01
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[ "michel rouger" ]
JE PARLE, DONC J\'EXISTE
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Aujourd\'hui, la numérisation de tous les messages, la multiplication des écrans fixes ou mobiles qui permettent leur visualisation, partout, de partout, à chaque instant, offrent à la multitude le moyen de délivrer une pensée, déstructurée, émiettée, au « détail », en reléguant celle des penseurs structurés dans le ghetto promis aux élites d\'en haut. Il n\'est pas sûr que les libertés démocratiques et l\'Etat de Droit y trouveront les éléments d\'une survie toujours menacée. Une réflexion approfondie doit être entreprise, afin de faire admettre à cette démocratie d\'opinion, qui cherche à se construire sur les médias interactifs pour lesquels elle manifeste un emballement libertaire, les grandes vertus des médias écrits, plus structurés et plus réfléchis. Peu important le vecteur dont usent ces médias, le papier, ou le numérique. Les rejeter vers le néant, comme il est de mode de le faire, pourrait conduire au pire. On sait depuis des siècles que les paroles s\'envolent et que les écrits restent, que lorsque la parole s\'est envolée à peine émise, et que l\'écrit réfléchi n\'est plus, il ne reste que la pensée du plus fort et sa brutale tyrannie. \* Parutions respectives novembre 2006, février 2007.
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institut présaje
2006-10-01
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[ "hervé dumez" ]
ENTRE RESPONSABILITE ET "ACCOUNTABILITY"
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# ENTRE RESPONSABILITE ET "ACCOUNTABILITY" Responsabilité : voilà un concept qui rallie tous les suffrages. Encore faut-il ne pas confondre responsabilité et obligation de rendre des comptes, notion beaucoup plus floue. Voici une situation familière : une personne à qui l\'on a confié une tâche doit se justifier devant quelqu\'un de totalement extérieur, qui évalue son action, peut la réorienter, et possède éventuellement un pouvoir de sanction. En anglais - qui est la seule langue européenne, dit-on, à disposer d\'un mot pour décrire cela - on parle d*\'accountability*. L\'univers de référence de cette situation est financier et politique. Le Code civil prévoit que, dans le cas où une personne reçoit mandat de s\'occuper des intérêts d\'un tiers, elle a obligation de rendre des comptes à son mandant. Ainsi, les dirigeants d\'entreprise ont le devoir de présenter les comptes de leur gestion à leurs actionnaires. De leur côté, les dirigeants d\'un pays démocratique ont des comptes à rendre à propos du mandat qui leur a été confié. Mais jusqu\'où aller ? Où est la limite entre le « trop » et le « trop peu » ?
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institut présaje
2006-10-01
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[ "hervé dumez" ]
ENTRE RESPONSABILITE ET "ACCOUNTABILITY"
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## Mandataires et mandants On estime désormais légitime que les dirigeants d\'entreprise soient en situation, non plus seulement d\'avoir à rendre des comptes à leurs actionnaires, mais aussi aux « parties-prenantes » de l\'entreprise : le personnel de la firme, les clients, les fournisseurs, l\'opinion publique (par exemple, pour des questions d\'environnement, ou pour les conditions de travail) ; que les médecins n\'aient pas seulement à s\'expliquer devant leurs pairs, mais aussi devant les malades et la société ; que le malade potentiel de son côté, pour peu qu\'il soit fumeur, ait à s\'expliquer sur son comportement ; que les chercheurs aient à justifier le fait que leurs recherches ne conduisent pas à un taux d\'innovation suffisamment élevé ; que les parents aient à se justifier à propos de l\'éducation qu\'ils donnent à leurs enfants, etc. L\'extension de cette obligation (initialement politique ou financière) au domaine moral n\'est pas tout à fait nouvelle : les Evangiles sont remplis de paraboles dans lesquelles un maître rentré inopinément demande des comptes à son intendant ou à ses serviteurs. Comme si l\'obligation de rendre des comptes était la métaphore même de toute obligation morale. L\'anglais dit d\'ailleurs bien cette dimension fondamentale : « *ability* » dans *accountability* exprime le fait que quelqu\'un agit avec, suspendue au-dessus de son action, cette possibilité qu\'on lui en demande raison.
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institut présaje
2006-10-01
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[ "hervé dumez" ]
ENTRE RESPONSABILITE ET "ACCOUNTABILITY"
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Mais que signifie exactement cette généralisation, forcément métaphorique, du modèle du mandat, lorsqu\'on passe d\'une situation dans laquelle un chef d\'entreprise doit justifier ses résultats non seulement devant ses actionnaires, mais aussi devant l\'opinion publique, magma aux contours flous ? Estil possible d\'établir une transparence généralisée, et cette transparence est-elle souhaitable ? Pire : la responsabilité peut-elle se réduire au fait d\'avoir rendu des comptes, et le quitus obtenu ne conduit-il pas à dégager finalement toute responsabilité personnelle, ne serait-ce qu\'en la diluant entre celui qui a agi et ceux à qui il a rendu des comptes ?
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institut présaje
2006-10-01
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[ "hervé dumez" ]
ENTRE RESPONSABILITE ET "ACCOUNTABILITY"
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## Gare aux critères flous ! L\'expérience même de la démocratie montre que des limites doivent être posées : d\'une part, en évitant que le mandat confié aux élus soit détaillé et impératif ; d\'autre part, en fixant des échéances qui ne soient pas trop rapprochées. On sait que ce sont les gouvernements élus pour faire une politique de guerre qui sont en situation de signer la paix. Donc, un mandat se doit de n\'être ni trop précis, ni trop contraignant (tout en l\'étant suffisamment), et il faut éviter que le décideur ait à « comparaître » à échéance trop brève. Dans la tradition démocratique, rappelons que l\'*accountability* ne recouvre pas la responsabilité politique, et surtout n\'en dispense pas : si son administration fait problème, un ministre britannique doit démissionner. Bref, l\'extension proliférante de l\'obligation de rendre des comptes, lorsqu\'elle multiplie les instances, accroît le risque d\'hypocrisie (Nils Brunsson évoque le découplage entre l\'action et les discours, avec adaptation multiforme à chacune des parties prenantes) et de dilution de la responsabilité. Les mandataires sont si nombreux et si peu identifiés, les mandats si flous, que l\'on peut aboutir à une déresponsabilisation généralisée. Plus on ira dans cette direction, plus on s\'éloignera de la vraie responsabilité, juridiquement délimitée et véritablement contraignante.
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institut présaje
2006-10-01
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[ "agathe lepage" ]
LE NET ET L\'OPINION PUBLIQUE
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# LE NET ET L\'OPINION PUBLIQUE L\'histoire foisonne de prévisions défaillantes ou erronées. Mais l\'Internet détient la palme. Il y a dix ans, qui aurait prédit l\'intense engouement de la société d\'aujourd\'hui pour ce « joujou » ? L\'Internet constitue un vivier d\'informations sans précédent, accessible sans contingence de temps ou de lieu. Aux sources traditionnelles, comme la presse, les livres, accessibles dans une certaine mesure sur l\'Internet, s\'adjoint la production personnelle d\'un nombre croissant d\'internautes, qui utilisent le Web comme une scène inédite d\'expression publique. Le succès rencontré depuis quelques années par les pages personnelles, ou blogs, en est la manifestation la plus saisissante. N\'importe qui peut désormais s\'exprimer dans quelque registre que ce soit à l\'attention d\'un public indéterminé. Le journal intime, que son auteur a traditionnellement vocation à conserver, semble bien loin. Question : où nous mène ce foisonnement universel ?
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institut présaje
2006-10-01
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[ "agathe lepage" ]
LE NET ET L\'OPINION PUBLIQUE
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## L\'Internet à tout-va ? Traditionnellement, l\'opinion publique se formait par les vecteurs « descendants » de l\'information, les médias classiques, qui se faisaient les relais des sources institutionnelles. Avec une forte propension au mimétisme, lié aux nécessités du suivi de l\'actualité, les mêmes événements, les mêmes sujets étaient souvent abordés de conserve par l\'ensemble des médias, puis délaissés semblablement par eux. L\'Internet entraîne une double rupture par rapport à ce schéma traditionnel. Tout d\'abord, l\'opinion publique ne se forge plus aux seules sources institutionnelles mais tout un chacun, papillonnant où bon lui semble sur le Web, peut y glaner des informations, des analyses, comme autant d\'eau apportée au moulin de sa propre opinion. Dans le même temps, l\'Internet, ouvert tous azimuts, favorise non pas tant la constitution d\'une opinion publique, que *l\'expression* *publique d\'opinions personnelles*. Le tout aboutit à l\'émergence d\'une opinion numérique, empreinte non seulement d\'une propension à l\'universalisme, mais aussi d\'un repli sur l\'individu. C\'est donc, à tous égards, un véritable changement de paradigme de la communication publique qui semble s\'installer. Du moins dans un premier temps... Les limites du clic Ces limites, le numérique les engendre lui-même, car l\'Internet regorge d\'informations erronées, imprécises, trompeuses. Seul celui qui sait déjà ou